Derrière le spectacle du Cirque Éloize Serge Fiori - Seul ensemble, qui est à l'affiche au Théâtre St-Denis, il y a aussi un ambitieux projet musical. Pour réaliser cette trame de 19 pièces, maintenant en vente, certaines des chansons les plus emblématiques du répertoire québécois ont été retravaillées à partir des bandes originales. Analyse en six titres avec Louis-Jean Cormier et Serge Fiori.

De la chambre au salon

Seule chanson guitare-voix du premier disque d'Harmonium, De la chambre au salon se retrouve ici... sans la piste de guitare originale et enrobée complètement différemment. « On peut dire qu'on a fait ça, oui ! dit le réalisateur Louis-Jean Cormier en souriant. En fait, la guitare est là pareil, mais elle arrive plus tard. » Cette nouvelle version, dont l'origine est un ajout de drum and bass dans le refrain, a surtout permis à Serge Fiori de redécouvrir sa chanson. « Je l'haïssais et je ne voulais pas l'avoir sur le show. Maintenant, je ne l'haïs plus ! Quand je l'ai entendue, j'ai pogné de quoi. » De la chambre au salon est ainsi devenue un peu la chanson phare de l'album. « Ça dit on part de là et on explore », ajoute Serge Fiori.

Viens danser

Belle surprise, deux pièces de l'album Deux cents nuits à l'heure de Fiori-Séguin ont été intégrées au spectacle : Ça fait du bien et Viens danser. Fiori aime bien le côté « électro, moderne et disjoncté » qui a été injecté à cette dernière. « C'est la chanson de danse du show, explique Louis-Jean Cormier. Le disque Fiori-Séguin, on n'avait pas les multipistes, alors on avait moins de marge de manoeuvre. On s'est dit que ce serait cool de mettre Viens danser dans une sécheuse avec des artistes électros allemands des années 90 ! Ç'a donné un gros trip électro, un rave, et visuellement, le party pogne. Et Viens danser fait ainsi un pont dans le temps, entre 1979 et 2019. »

Depuis l'automne

Sur la très belle Depuis l'automne, qui figure sur Si on avait besoin d'une cinquième saison, le deuxième album d'Harmonium, les réalisateurs ont gardé intacte la voix toute nue et toute fragile du chanteur en début de chanson... et terminent le tout avec « un gros délire », lance Fiori. Pour Louis-Jean Cormier, il y avait des évidences, et conserver la pureté du début de Depuis l'automne en était une. « Tu entends ça... C'est un des plus beaux moments du disque et du show. Tu ne peux rien mettre par-dessus, et personne ne remet ça en question. Ensuite, il y a d'autres moments où ça ouvre. Alors on meuble, on construit, et c'est vraiment naturel pour tout le monde. »

Dixie

La très enjouée Dixie a bénéficié d'un ajout de cuivres surprenant et vivifiant, alors que la guitare a été troquée contre le banjo. « Plus tu avances dans le projet, plus tu décèles les inégalités entre les chansons, explique Louis-Jean Cormier. Dixie, il fallait que le party pogne. » Fiori opine. « Alex [McMahon] et Louis-Jean m'ont dit : "On prend-tu les quatre meilleurs joueurs de brass pour Dixie ?" Écoute, je ne pouvais pas dire non... », dit le chanteur, qui estime que l'idée derrière le projet a toujours été de laisser une grande liberté à ses complices. « Je n'aurais pas fait un hommage à moi en cirque avec ce qui existait déjà. Je n'aurais pas été capable, je ne suis plus capable d'être là. Je l'ai fait avec les feux d'artifice il y a deux ans... Been there, done that. »

Histoire sans paroles

Quelques échantillons de la voix de Serge Fiori ont été intégrés sur cette longue pièce instrumentale. « Le sampling, c'était aussi pour qu'il y ait une espèce d'homogénéité, souligne Louis-Jean Cormier. Il y a un bout de la chanson Aujourd'hui je dis bonjour à la vie, qui ne devait pas être dans le show... puis qui a été ramenée, à notre plus grand bonheur ! Après, on s'est dit : on est pris avec, on l'a dans la tête, on la laisse là. C'est un aspect de continuité, "mashupé"... » Fiori ajoute en rigolant : « Moi, j'aime bien qu'il y ait des paroles sur Histoire sans paroles ! »

Comme un sage

Le plus douloureux pour Serge Fiori aura été de retrancher 10 minutes à cette chanson qui figure sur l'album-culte L'heptade. « Ç'a été pénible », confirme-t-il. « C'est comme un réalisateur en montage, estime Louis-Jean Cormier. L'important est de ne pas couper dans le fil conducteur. » Serge Fiori opine. « Et on a encore réussi à trouver la bonne affaire ! C'est devenu la toune finale, avec des extraits de chaque numéro dans le milieu, et Comme un sage est encore là. » De toute façon, le chanteur se dit « amoureux » de l'ensemble du projet, « pour le travail, pour le son ». « C'est comme si on avait rajouté une troisième dimension aux chansons, croit Louis-Jean Cormier. Sans rien enlever aux tounes originales, c'est comme passer du noir et blanc à la couleur. C'est du gros HD ! »