Pour Charles Richard-Hamelin, enregistrer les deux Concertos de Frédéric Chopin pour piano et orchestre était écrit dans le ciel, mais cela représentait néanmoins un défi colossal vu la pression exercée pour les raisons que l'on imagine.

OEuvre de jeunesse, le Concerto no 2 en fa mineur, opus 21 (maestoso, larghetto, allegro vivace) fut composé en 1829. Nommé comme le deuxième, il est en fait le premier concerto pour piano et orchestre qu'ait écrit Chopin alors vivant en Pologne ; l'oeuvre fut ainsi numérotée parce qu'elle fut éditée après le Concertono 1 en mi mineur, op. 11 (allegro maestoso, romance larghetto, rondeau vivace), conçu en 1830.

Inutile d'ajouter que ces oeuvres sont des incontournables du répertoire classique. Réunis dans un même album, les enregistrements des concertos 1 et 2 sont nombreux... Les plus célèbres ?

Les médias spécialisés (Gramophone, WQXR, The Telegraph, etc.) retiennent chez Deutsche Grammophon les exécutions du pianiste polonais Krystian Zimerman avec le Polish Festival Orchestra sous sa propre direction et aussi avec le Los Angeles Philharmonic sous la direction de Carlo Maria Giulini. Au sommet se trouvent aussi les interprétations immenses de Martha Argerich avec l'OSM dirigé alors par Charles Dutoit, sous étiquette Warner Classics.

On choisit, par ailleurs, les interprétations de Murray Perahia avec l'Israel Philharmonic Orchestra et Zubin Mehta chez Sony Classical, celles d'Arthur Rubinstein enregistrées en mono avec le Los Angeles Philharmonic dirigé par Alfred Wallenstein et aussi avec le NBC Symphony Orchestra et William Steinberg, tout ça chez Naxos ; il y a également Daniil Trifonov avec le Mahler Chamber Orchestra et Mikhail Pletnev chez Deutsche Grammophon.

Où situera-t-on le nouvel enregistrement montréalais ? Fort possiblement parmi les meilleurs.

De concert avec l'OSM dirigé par maestro Kent Nagano, Charles Richard-Hamelin s'illustre à n'en point douter dans le Concerto no 2, dont l'interprétation a évolué depuis sa médaille d'argent remportée au fameux concours Chopin, qui l'a fait naître internationalement à l'automne 2015. Depuis lors, le musicien québécois a joué le concerto en fa mineur à près de 70 reprises devant public, et celui en mi mineur une trentaine de fois.

« Ces oeuvres de jeunesse requièrent une certaine fougue ; je suis encore jeune (j'ai 29 ans), c'était le moment de graver ça », estime l'interprète avec raison, ajoutant que cet accomplissement est le plus marquant de sa carrière depuis les honneurs récoltés au Concours international de piano Frédéric-Chopin. Seconde pierre d'assise, en quelque sorte.

L'excellence du jeu et la complicité avec l'orchestre ne font nul doute. On observera au demeurant le soutien duveteux, à la fois dynamique et discret, de l'orchestre dirigé par Nagano, choix « relationnel » tout à fait défendable.

Rappelons que ces interprétations furent enregistrées devant public les 11, 12 et 14 octobre 2018. Trois exécutions à la Maison symphonique constituent la matière première d'un montage final. On a évidemment procédé ainsi pour extirper les bruits ambiants, recalibrer les disparités de volume ou d'intensité entre sections et autres aspérités inhérentes aux enregistrements publics. Signées Carl Talbot, les prises de son s'avèrent exemplaires, le mixage aérien révèle aussi l'atmosphère réelle de ces performances de très haut niveau.

****1/2

Romantique. Chopin : Concertos nos 1 et 2, de Charles Richard-Hamelin avec l'Orchestre symphonique de Montréal et Kent Nagano. Analekta.