Celui qui se place à la confluence de la musique et de la littérature, actuellement en tournée, vient tout juste de publier une version numérique «deluxe» de son livre-disque L'école des vertiges, dans laquelle il narre le récit accompagnant les morceaux. Pour nous, il dépaquette les chansons qui ont emballé divers aspects de sa vie d'artiste.

Une chanson qui mériterait d'ëtre déclinée en roman?

Et j'ai couché dans mon char, de Richard Desjardins

«On pourrait écrire un roman à partir de cette histoire, celle d'un gars qui revient chez lui, à Rouyn, des années après une relation difficile, une rupture qui l'a blessé. Il se demande comment son coeur va tenir le coup, c'est pas gagné d'avance, mais on apprend finalement que "la suture a tenu le coup''. Mais je résiste à l'idée d'en tirer un livre, parce que la prouesse de Desjardins, c'est d'avoir réussi à évoquer un roman par une chanson. S'il fallait confier l'exercice à un écrivain, je suis sûr que Samuel Archibald, avec son affection particulière pour la région et sa connaissance de la mécanique amoureuse, parlerait bien de ce retour à Rouyn.»

La chanson qui agit comme un baume sur une peine d'amour?

L'amour ne dure pas toujours, de Françoise Hardy/Feist

«Il y a deux versions, celle de Françoise Hardy et celle de Feist, qui est très belle. C'est une chanson qui dit, avec beaucoup de délicatesse, qu'on peut avoir été loin dans un amour et ses possibilités, mais que cette histoire peut se refermer comme dans un roman; qu'il y a eu un début, un développement, une dernière page. Que c'est quelque chose qu'on peut accepter avec une relative sérénité, sans renier ce qu'il s'est passé. Le texte est simple et très bien tourné, j'invite les gens à le relire. J'ai porté cette chanson dans ma vie à des moments opportuns, et ça a eu l'effet d'un baume.»

La chanson qui te donne des vertiges?

Zu Asche, Zu Staube, de Severija Janusauskaite

«Cette chanson est devenue emblématique de la série allemande Babylon Berlin, une merveille peu connue ici où l'on suit l'inspecteur Rath dans le Berlin de l'entre-deux-guerres. Elle est jouée dans un cabaret berlinois, ça commence doucement, puis il y a une mélodie qui s'élève, complètement enivrante. Ça me donne des frissons chaque fois. La scène durant laquelle la pièce est chantée est elle-même une pièce d'anthologie, c'est une des plus belles séquences filmées que j'ai vues de ma vie.»

La chanson qui résume ton enfance?

Je reviens chez nous, de Jean-Pierre Ferland

«Combien de fois a-t-on chanté cette chanson dans la voiture, avec mes parents et ma soeur! C'était un classique, on l'entonnait quand on revenait d'un voyage en Europe ou d'un simple séjour à Montréal chez ma grand-mère et qu'on roulait vers Saint-Denis-de-Brompton, le village en Estrie où j'ai grandi. Mes parents ont de très belles voix, on chantonnait avec eux. Cette chanson-là reste gravée en moi, une bulle familiale se créait et on ressentait le bonheur de rentrer chez soi. C'était des moments magiques.»

La chanson qui te fait voyager?

Un parfum de fin du monde, de Michel Legrand

«C'est l'occasion de tirer mon chapeau à ce grand compositeur qui vient de mourir. Cette chanson évoque des lieux de passage, les gares, l'idée de se retrouver... "Sans les cafés et les gares, comment faire pour se retrouver?'', dit-elle. Pour moi, ça évoque ces lieux où on va conduire quelqu'un qui s'en va, où l'on attend, où l'on voit quelqu'un revenir. Il y a une magie qui vient de la mélodie et dès les premières mesures, mon esprit voyage déjà.»

Ta chanson qui prend toute sa dimension sur scène?

Une vie nouvelle, de Tristan Malavoy

«Même s'il n'est pas arrivé grand-chose quand la version studio est sortie, elle marche toujours bien sur scène, où elle provoque quelque chose de très fort. Les couplets ont quelque chose de slamé, il y a un côté performatif qui passe bien sur scène. Le dernier segment est très rythmé, ça groove beaucoup, ça devient même carrément dansant, et il y a un bel espace pour les musiciens. Souvent, c'est une énergie que l'auditoire n'a pas vue venir. Sur scène, on a beaucoup de fun et je pense que c'est contagieux.»