Absent des scènes depuis le début de l’année, Matt Holubowski sortira une seule fois de sa tanière cet été, le temps de donner le grand spectacle de clôture du Festival de jazz, demain soir. Nous avons rencontré le chanteur québécois, qui travaille à son rythme à la création de son nouvel album.

Le cycle de Solitudes s’est bouclé en décembre dernier avec deux spectacles au Corona. Il le sera encore plus samedi [demain] ?

Oui, la boucle sera bien serrée. Je n’étais pas censé sortir…

Pourquoi y retourner ?

Pour toutes les autres offres, ç’avait été pas mal un non. J’avais vraiment besoin de prendre du repos, de reprendre mon souffle. J’ai tellement d’énergie en ce moment !

En pleine forme, on dirait ?

Vraiment. La tournée, ce n’est pas une vie très normale et c’est facile de perdre le fil de ton individualité. Mais ça fait un bon six mois que j’ai retrouvé la conscience de moi-même et ça fait du bien. J’ai dit oui au Jazz parce que ça me tentait. Et puis la grande scène… Je suis honoré de faire partie des gens qui sont passés par là et d’être perçu comme un artiste qui est rendu là.

Quels sont vos souvenirs de votre première fois sur une scène extérieure ?

Il y a quatre ans, j’avais joué à la Cinquième Salle et, tout de suite après, j’avais couru jusqu’à la grande scène où Guy Bélanger faisait la soirée B.B. King. J’avais fait deux chansons. C’était plutôt éblouissant. Je ne voyais pas ça comme quelque chose d’épeurant, mais de vertigineux. Là, je vois ça comme une grande cour d’école où je pourrai aller jouer et où j’aurai du plaisir.

Ça vient aussi avec un stress ?

Il y a six mois, j’aurais dit oui. Quand tu fais des spectacles et que tu essaies de faire en sorte que les gens t’écoutent, il y a toujours un état d’esprit où tu deviens un vendeur de toi-même. Je l’ai peut-être surutilisé sur ma dernière tournée, et ça a un peu pris le dessus sur l’artiste. Maintenant, j’essaie de donner la priorité à l’artiste, et il veut juste faire des belles choses, s’amuser et faire de la musique parce que c’est beau et que ça fait du bien. Donc, il n’y a aucune raison d’être stressé si ce que tu fais est d’apporter du bonheur.

Les derniers mois ont été consacrés au repos, mais aussi à l’écriture de chansons, n’est-ce pas ?

Oui. Mon processus d’écriture prend beaucoup de temps. J’ai besoin de mijoter une idée longtemps avant de composer une note. J’ai commencé à réfléchir au cours d’un voyage en Pologne l’automne dernier, puis je suis parti à Banff deux mois l’hiver dernier, en résidence au Centre des arts. J’avais une cabine dans les bois avec un studio et j’ai écrit, écrit, écrit. Ça a donné moins de chansons que je le pensais, mais des chansons meilleures que je le pensais. Cela dit, j’ai écrit plein de trucs qui étaient vraiment abominables ! Après, je suis revenu à Montréal, j’ai continué à créer, j’ai partagé avec le band, j’ai fait de la préprod, puis le Jazz est arrivé et tout s’est un peu mélangé. Le processus de création a été interrompu, par la famille que je n’avais pas vue depuis quelque temps, le quotidien, les week-ends…

La vie, quoi !

Oui ! Je n’ai tellement pas pris le temps pour ça ces dernières années, et ce temps d’arrêt a contribué énormément à la musique. Quand j’arrivais pour travailler et écrire, j’avais plus d’énergie et d’enthousiasme. Quand tu es à un point où tu te dis : « Fuck, il faut que j’écrive une chanson » et que ça ne te tente pas, toute cette pression ne contribue pas à un beau processus de création. Donc on est allés enregistrer pendant neuf jours, début juin. On a huit tounes d’enregistrées, même s’il reste du travail à faire dessus… Et j’en voudrais encore un cinq ou six autres.

Est-ce qu’on peut s’attendre à une première chanson l’automne prochain ?

C’est l’objectif. Mais il faut qu’il y ait une bonne toune !

Donc, on parle d’une sortie d’album pour l’hiver 2020 ?

Ça, c’est certain.

Est-ce qu’on entendra de nouvelles chansons samedi [demain] ?

Quatre nouvelles, dont une qu’on faisait en festival l’été dernier. Mais là, on a quelques musiciens qui sont ajoutés pour l’occasion. Ce sera un peu différent.

Avec un « full band plus plus plus » ?

Oui. On est le band régulier : guitare, violoncelle, drum, basse et moi. Et on rajoute violon, alto, synthétiseur et cor français.

Du cor français ?

Ben oui, c’est le Jazz !

Avec un répertoire plutôt triste et mélancolique, faut-il l’adapter pour un spectacle extérieur ?

Oui et non. J’ai beaucoup pensé à ça. J’ai beaucoup vu de spectacles dans l’univers musical dans lequel j’habite et, oui, il y a des morceaux qui sont hyper grandioses. Mais les artistes que j’aime le plus, ce sont ceux qui prennent leurs tounes les plus mélancoliques et qui les apportent à l’autre extrême, qui imposent à un mode festival quelque chose de plus introspectif. Dans les festivals de party, comme à Osheaga, c’est une autre affaire, mais au Jazz, les gens sont plus willing de rentrer dans ta bulle. Il y a quelque chose d’invitant pour le genre de musique qu’on fait. Mais si on est neuf musiciens, c’est parce qu’on a agrandi la chose un peu aussi…

On finit par s’ennuyer de la scène ?

Oui ! Il y a un genre de high qui accompagne les spectacles que tu ne retrouves pas vraiment ailleurs. Des fois, c’est bien de ne pas l’avoir ; c’est comme faire une désintox. C’est une drogue, faire un spectacle ; après, tu es rempli d’endorphines. C’est comme recevoir une notification sur Instagram, mais fois 100 000 ! Je pense que le timing était parfait autant dans ma vie personnelle que dans ma carrière.

Après, c’est le retour dans la tanière pour quelques mois ?

Je pense qu’il y aura quelques occasions quand même. Et peut-être qu’on va faire des shows secrets pour tester le nouveau matériel…

Mais repartir en tournée, ce n’est pas pour bientôt ?

En revenant de Banff, quand j’ai pris l’avion, je me suis dit : « Dieu merci, c’est le dernier avant un bout. » J’en ai tellement pris. J’étais tanné des aéroports ; les consignes de sécurité, je n’étais plus capable. Là, j’ai le goût de prendre une pinte d’Archibald à Montréal-Trudeau.

Comment se sent-on à quelques jours du spectacle ?

Pour vrai, je n’ai jamais eu autant hâte à un spectacle. Peu importe le résultat… pourvu que les gens se pointent.

Ce n’est pas une réelle inquiétude ?

Moi, je vais être là. Mon band le sera. Ma famille et mes amis. La musique va être jouée. C’est ce qui est important.

Sur la scène TD de la place des Festivals demain, à 21 h 30