Il s'est mis dans la peau d'un travesti, d'un proxénète, d'un mari trompé ou encore d'un homme séduisant une fille de 16 ans. Avant-gardiste, Charles Aznavour n'a jamais hésité à évoquer des thèmes qu'on n'évoquait pas, quitte à être taxé d'obscénité et même censuré.

«Il a abordé des thèmes sociaux extrêmement importants à une époque où les chanteurs [...] chantent des amourettes», selon l'auteur-interprète Benjamin Biolay.

Aznavour «a chanté des chansons que ne pouvaient pas chanter les autres [...], il écrivait des textes trop crus», affirme à l'AFP Bertrand Dicale, spécialiste de la chanson française.

Homosexualité

«Que c'est bien la nature qui/est seule responsable si/je suis un homo»: en 1972, la chanson Comme ils disent sort à une époque où les homosexuels font l'objet de lois discriminatoires en France et où faire son coming-out était impensable.

C'est la première chanson en France à aborder le thème tabou de l'homosexualité avec empathie. «Je me suis dit que jusqu'ici toutes les chansons qu'on a faites sur l'homosexualité étaient de petites rigolades», avait-il confié, affirmant qu'il avait voulu «une chanson tout à fait normale».

À l'époque, cette chanson chantée par une star internationale, artiste très apprécié des femmes, laisse interloqué un grand nombre d'auditeurs, jusqu'à ses amis homosexuels.

Érotisme

Une chanson qui ne choquerait pas grand monde aujourd'hui, mais en 1955, Après l'amour, sur un couple encore au lit, est jugée trop érotique («Tu glisses tes doigts/Par ma chemise entr'ouverte») et est immédiatement censurée.

Soixante ans plus tard, dans son dernier album Encores (2015), le chanteur alors âgé de 91 ans chante des textes tout aussi charnels: «J'aime l'odeur de tes aisselles», ose-t-il dans Des ténèbres à la lumière.

Dans ses chansons, «il ne disait jamais "tu es belle", il dit "j'ai envie de toi" [...] Il se construit cette réputation de chanteur sulfureux, qui va très loin», souligne M. Dicale.

Adultère

Je veux te dire Adieu écrite par Gilbert Bécaud heurte les oreilles pudiques du public de 1956, d'autant plus que la chanson parle d'adultère: «Puisque un autre que moi peut arracher tes plaintes/Faisant jaillir de toi des râles et des mots», chante-t-il avant d'être, là encore, frappé de censure.

Prostitution

- Moi j'fais mon rond: dans un argot parisien, Aznavour se plaît à chanter en 1956 les détails de la vie d'un maquereau: «Dans une abbaye de s'offre à tous» (maison close), il parle de sa «mistonne» (jeune femme) qui «fait son boulonnage» (travail).

Adultes-mineurs

- Donne tes seize ans: le titre de 1963 est sans équivoque et aurait valu à Aznavour de nos jours d'être cloué au pilori sur les réseaux sociaux. Il s'adresse à un «coeur d'enfant» et lui dit que «le chemin des amants est le seul qu'il faut suivre».

- Mourir d'aimer : en 1971, cette chanson est tirée du film du même nom et inspirée par l'affaire Gabrielle Russier, une enseignante qui s'était suicidée après avoir eu une relation avec un élève mineur.

Génocide arménien

- Vingt-six ans avant la reconnaissance officielle en France du génocide arménien de 1915, Aznavour, lui-même d'origine arménienne, chante Ils sont tombés (1975), évoquant ce massacre qui «les a frappés sans demander leur âge/Puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants d'Arménie».

Controverse

- Critiquée pour le ton misogyne et moralisateur envers les femmes, Tu t'laisses aller (1960) est interdite dans des pays comme l'Allemagne. Il en écrit des années plus tard une version «féminine», chantée par Line Renaud et Annie Cordy.