Pour souligner le 20e anniversaire de la sortie d'OK Computer, album phare qui a permis à Radiohead de devenir, au tournant du millénaire, le groupe le plus important sur la scène rock, un généreux coffret voit le jour. Titré OKNOTOK, il permet aux fans de revivre l'été 1997, alors que les chansons Paranoid Android, No Surprises et autre Karma Police s'apprêtaient à créer un séisme sur la planète rock. Retour sur la naissance de ce disque culte, sorti il y a 20 ans cette semaine.

NON À LA BRITPOP !

En 1993, Radiohead propose un premier disque, Pablo Honey, et connaît un succès instantané grâce à la chanson Creep.

Le groupe est alors associé à la nouvelle vague Britpop - aux côtés des Blur, Oasis, Supergrass et Suede, principalement -, ce qui ne fait pas plaisir à son leader, Thom Yorke. « Toute cette histoire de Britpop me mettait vraiment en colère [It made me fucking angry]. Je ne voulais pas, en aucune façon, faire partie de ça », se souvient le chanteur dans une récente entrevue accordée au magazine Rolling Stone.

En 1996, après le succès obtenu avec The Bends, son deuxième album, Radiohead obtient carte blanche de la part de la compagnie de disque EMI pour la création de son prochain opus. Les cinq gars profitent de cette liberté acquise pour mettre de côté le rock fédérateur anglais convenu et, avec l'aide du réalisateur Nigel Godrich, s'aventurent plutôt dans des sonorités profondes, complexes et texturées, où les instruments rock classiques se frottent aux avancées numériques récentes.

Dès la sortie d'OK Computer en juin 1997, les critiques sont conquises par la proposition foisonnante et la densité acoustique entendue. Le public est également au rendez-vous : deux millions d'exemplaires sont vendus au cours des six mois suivants. L'album est propulsé en tête des ventes de nombreux pays. Les récompenses s'accumulent pour Radiohead, qui devient alors le groupe rock le plus important et le plus populaire sur la planète. Quant à la vague Britpop, elle s'estompera dans les mois suivants et se brisera finalement au tournant du millénaire.

PARANOÏA FUTURISTE PRÉMONITOIRE

Les thèmes abordés sur OK Computer détonnent des offres concurrentes en cette fin de millénaire : ravage de la consommation de masse, stagnation politique, dérive policière, profilage et aliénation sociale, robotisation extrême.

Thom Yorke pose un regard noir sur ses semblables en cette ère post-1984 et pré-Big Brother, où l'internet s'apprête à envahir les foyers occidentaux.

LES QUESTIONS SOULEVÉES SONT SÉRIEUSES : 

- Et si l'on perdait nos libertés individuelles au profit d'une police qui contrôlerait nos destinées ? (Karma Police)

- Et si les gouvernements constituaient le problème de notre quiétude individuelle et collective ? (No Surprises)

- Et si les avancées technologiques s'avéraient être un danger majeur pour la santé - mentale et physique - de l'être humain ? (Fitter Happier)

Discours prémonitoire et cauchemardesque d'un capitalisme sauvage en mouvance, OK Computer est un disque politisé, engagé, sérieux et visionnaire qui, 20 ans plus tard, conserve toute sa pertinence.

OKNOTOK, LA NOSTALGIE

La sortie d'un coffret « souvenir » peut surprendre les admirateurs du groupe. En constante recherche, le band n'est pas du genre à regarder en arrière et s'offre rarement ce genre d'introspection artistique.

N'empêche qu'après les démêlés avec la compagnie de disques EMI/Capitol - qui avait sorti en 2009 une réédition d'OK Computer sans le consentement des auteurs -, il est bon de voir Thom Yorke et sa bande reprendre le contrôle de la console de son le temps de bonifier ce qui constitue, encore aujourd'hui, le meilleur disque de Radiohead.

Que retrouve-t-on dans ce OKNOTOK 1997-2017 ? En plus des 12 titres originaux remastérisés, on peut y entendre trois chansons inédites tirées des séances d'enregistrement de l'époque, soit Man Of War, Lift et I Promise, de même que huit autres titres parus sur différentes faces B et maxis (EP). Le tout offert sur trois vinyles - ou deux CD - et sur un support numérisé.

Le coffret est complété par un livre de 104 pages regroupant des notes et des textes de Thom Yorke, des photos, des dessins artistiques inédits du graphiste Dan Rickwood, et une cassette audio (oui, oui, une bonne vieille cassette audio !), sur laquelle figurent d'autres démos et chansons mixées par les membres du groupe.

Évidemment, tout cela a un prix : pour l'ensemble de cette proposition, il faut s'attendre à payer 130 $ US, plus les frais de livraison (en vente uniquement sur le site du groupe).

Sachez qu'il est aussi possible de télécharger les 23 chansons du coffret pour seulement une dizaine de dollars en visitant simplement le site musical légal de son choix. Mais ce faisant, on fait alors une croix sur les vinyles, le livre de notes et de textes, les photos, les dessins et la cassette audio.

Alors, doit-on acheter le coffret ou télécharger les chansons ? La réponse à cette question dépend de la valeur que l'on accorde à la nostalgie.

Photo David McNew, archives Reuters

Radiohead à Coachella Valley Music and Arts Festival en avril 2012.