Longtemps classé au rayon des interprètes de chansons d'amour, Roch Voisine explore depuis 10 ans de nouvelles allées, que ce soit en revisitant des classiques du country, avec la trilogie Americana, ou en jouant les crooners avec ses acolytes de Forever Gentlemen. Avec Devant nous, son 22album original en 30 ans de carrière, paru hier au Québec et en France, le chanteur de 54 ans fait une incursion en 10 titres dans le monde de la pop.

Roch Voisine ne veut plus chanter la même chanson d'amour. Pas de doute, ses années Hélène sont bel et bien derrière lui. Résolument tourné vers l'avenir, l'interprète de Devant nous propose un opus qui se veut bien différent de ses productions précédentes. Et c'est vers la pop que le choix de Roch Voisine s'est arrêté, alors qu'il cherchait un moyen de toucher le plus grand nombre.

« Avant même de choisir les chansons de l'album que j'allais chanter, j'ai fait un travail un peu théorique en me questionnant sur la réalité d'aujourd'hui. Les gens n'ont plus le temps d'écouter de la musique, y prêtent peu attention, et quand ils le font, ils consomment surtout de la pop qui tourne à la radio », résume pragmatiquement Roch Voisine, qui s'est ensuite penché sur ses propres goûts musicaux en tant que consommateur pour guider ses choix.

« J'écoute beaucoup de One Republic, de Coldplay ou de Train. En les décortiquant avec Jay Lefebvre, mon coréalisateur sur l'album, on a établi des références pour guider nos choix de chansons pour l'album. »

Soucieux de s'adresser à un public élargi, Roch Voisine ne s'est pas pour autant contenté d'exécuter une simple recette marketing pour créer Devant nous.

« Un jour, en France, quelqu'un d'une maison de disques m'a dit que si je voulais vendre des disques, je devais écrire des chansons tristes. Est-ce que je dois vraiment faire de l'automutilation pour que le public m'aime ? La personne en question avait tous les chiffres pour me prouver que c'était vrai, mais ça m'a un peu révolté. J'ai donc décidé de parler de ça dans un de mes titres », raconte le chanteur de Trop heureux pour souffrir.

Rester dans l'oeil du public

Bien qu'il souhaite connaître avec cet album un succès commercial, il espère surtout qu'il lui permettra de ne pas tomber dans l'oubli.

« Ça va au-delà de la vente d'albums. Il s'agit d'aller vers le public, qu'il t'entende et qu'il sache que tu existes. Si tu ne passes pas à la radio, tu te fais parfois demander dans la rue : "Avez-vous pris votre retraite ?" Même après Forever Gentlemen, avec 100 000 disques vendus et une tournée de 75 concerts en Europe, ça m'arrive encore ! », lance Roch Voisine.

Pour la toute première fois depuis le début de sa carrière, le chanteur n'apparaît pas sur la pochette de son album. On y retrouve seulement ses pieds, devant une ligne blanche tracée sur le bitume.

« Ça me tentait ! C'est une décision qui a fait perdre des cheveux à pas mal de monde à la maison de disques en France lors des réunions de marketing. Mais le geste allait avec le reste : je voulais que tout le monde puisse être tenté d'essayer de l'écouter, même ceux qui ne le font pas habituellement ou les indécis. Je voulais plus de place à la métaphore. La ligne blanche, c'est les conventions. C'est facile à passer. En tant que société, on doit passer outre certaines vieilles habitudes », explique Roch Voisine.

Toujours pour changer sa manière de travailler, le chanteur a concocté Devant nous dans son studio situé dans le sous-sol de sa maison.

« J'ai été privilégié dans la vie, j'ai commencé dans de gros studios avec les meilleurs musiciens. Mais la réalité de la pop comprend beaucoup de répétitions et tout est monté en blocs. Tu n'as pas de contrainte de budget ou de temps, tu travailles en équipe réduite. Tu es à la maison, dans la cave, tu peux être avec tes enfants, travailler et prendre off quand tu veux. Ça a pris deux mois et demi, ce qui est assez long », explique Roch Voisine qui prépare actuellement une grande tournée en France et au Québec en 2018.

POP

Devant nous

Roch Voisine

Sony Music

Image fournie par Sony Music

Devant nous, de Roch Voisine

PHOTO ALAIN ROBERGE, Archives LA PRESSE

Roch Voisine et ses acolytes de Forever Gentlemen, Garou et Corneille

Trois chansons commentées

J'VEUX PAS VIEILLIR

« Je ne l'ai pas écrite, mais c'est la chanson de l'album qui m'a le plus ému. J'ai enregistré le couplet et le refrain et j'ai demandé à les réécouter. Je ne pouvais plus chanter pendant une demi-heure ! J'avais tellement le motton et j'étais complètement aphone. C'est une chanson de Boom Desjardins que j'ai entendue à la radio il y a plus de 10 ans. J'étais certain qu'il allait faire un tube énorme et je m'étais dit qu'un jour je la reprendrais. J'étais prêt à chanter ça maintenant. Ça me touche encore plus aujourd'hui, car j'ai de jeunes enfants (11 et 12 ans), et je viens d'avoir 54 ans. Tu regardes devant toi et tu rends compte qu'il y a en plus derrière toi qu'il ne t'en reste à vivre. Tu te poses des questions à propos des relations que tu auras avec les autres, notamment avec tes enfants. »

LE PHARE

« C'est une idée que j'ai prise chez James Taylor, qui a une chanson qui s'appelle The Lighthouse. Ça explique bien la relation qu'un artiste peut avoir avec le public. Un phare te guide dans la nuit, mais tu ne peux pas t'en approcher, sinon tu vas t'échouer. J'ai décidé sur cet album que j'allais être plus fédérateur et un peu moins dans les relations entre deux êtres. » 

DIEUX VERTS

« J'ai déjà abordé le thème de la religion par le passé dans une magnifique chanson qui s'appelle Je l'ai vu. Celle-ci est encore plus d'actualité. Je sors de la petite chanson d'amour facile. Je voulais toucher les gens autrement en restant dans un format facile à consommer. »