Quand Ariane Moffatt a terminé la tournée de son album 22h22, le son de ses spectacles, lui, n'a pas arrêté. Aux prises avec un acouphène, elle est allée chercher de l'aide auprès d'un audiologiste.

« C'est un mal contre lequel tu ne peux rien faire. [...] Ça m'a fait "freaker". C'est quelque chose à quoi il faut s'adapter », explique l'auteure-compositrice-interprète.

Aujourd'hui, constate-t-elle avec soulagement, la situation s'est grandement améliorée, au point où elle n'entend presque plus l'acouphène, s'il ne s'est pas carrément estompé. Selon elle, cet épisode était probablement relié au stress et à la fatigue accumulée.

« L'acouphène, c'est quelque chose qui apparaît dans le silence. La nuit, ça peut te réveiller. C'est là que c'est envahissant. »

« Il faut faire un travail d'adaptation pour accepter que ce bruit étranger fasse maintenant partie de ta définition du silence. Que le silence ne sera plus jamais le même. »

De l'acouphène à l'anxiété



Les acouphènes et les problèmes auditifs sont fréquents chez ceux qui travaillent dans les studios d'enregistrement et de mixage. Or, comme chez les musiciens, ces travailleurs craignent d'en parler, de peur que cela affecte leur carrière.

Benoît (nom fictif) est concepteur sonore dans un studio de bruitage et de son à Montréal. Jusqu'à tout récemment, il passait près de 30 heures par semaine avec des écouteurs ou devant des moniteurs afin de créer des effets sonores pour des jeux vidéo. L'hiver dernier, il a développé un acouphène qui l'a mis quelques mois sur le carreau. Puisqu'il craint que son histoire nuise à sa carrière, advenant qu'il change d'employeur, nous avons accepté de taire son identité.

« Quand ça a commencé, l'hiver dernier, l'acouphène était super fort. [...] C'est un son aigu et perçant. Des fois, on l'entend dans les films après une explosion. C'est un tintement », explique-t-il.

« Je ne savais plus quoi faire, c'était paniquant. Je n'avais plus de moment de repos ou de paix. J'ai dû prendre des médicaments pour m'aider à dormir, j'étais rendu vert. Je n'avais plus de pause », témoigne celui qui a été trois mois en congé de maladie.

« J'étais assis, j'écoutais la télé, j'entendais "bip". J'allais me coucher, j'entendais "bip". Je déjeunais, j'entendais "bip". Ça me rendait fou. »

Avec le soutien de l'équipe médicale de l'Institut Raymond-Dewar, à Montréal, Benoît a finalement réintégré son travail progressivement, en expliquant à ses patrons ce qu'il vivait. Il travaille aujourd'hui de nouveau à temps plein, mais il a baissé le son de ses moniteurs et ne porte plus d'écouteurs.

Changer de carrière



Yannick Lapointe, doctorant en musicologie à l'Université Laval, à Québec, a lui aussi un acouphène depuis quelques années. Ancien ingénieur de son pour des salles de spectacle, il envisage maintenant de changer complètement de domaine et commencer de nouvelles études, cette fois-ci en biologie.

« Maintenant, quand je me concentre sur du son, mes acouphènes deviennent assourdissants. [...] Au début, ma première réaction a été la panique. Quand tu es musicien [et lorsque tu travailles avec la musique], tes oreilles sont tes premiers outils de travail », explique-t-il.

Maintenant, lorsqu'il travaille, Yannick Lapointe doit s'arrêter après trois heures. « Sinon, j'en ai pour plusieurs jours à avoir mal », dit-il.

Chargé de cours à l'université, il exhorte désormais ses étudiants à protéger leurs oreilles avant de commencer dans le milieu.

« Ce sont de futurs ingénieurs de son. Ils auront un rôle de premier plan, pas juste pour eux, mais aussi pour le public, afin de protéger leur santé auditive. Quand on est sonorisateur d'un show, c'est nous qui avons le pouvoir de baisser un peu le son », affirme le futur biologiste.

Photo Caroline Grégoire, Le Soleil

Le doctorant en musicologie Yannick Lapointe envisage de changer de domaine, tant son acouphène est problématique.

photo andré pichette, la presse

Concepteur sonore, Benoît (nom fictif) a été en congé de maladie pendant trois mois en raison de son acouphène.

Trois chanteurs témoignent

Koriass



« Je connais des musiciens qui ont des acouphènes, [mais la plupart] font vraiment attention et sont prudents. Ils mettent des bouchons. [...] Pour ma part, quand je "mixe", je tente de mettre ça quelques décibels en bas de ce que je mettrais normalement. J'essaie de faire attention pour ne pas surutiliser mes oreilles, [mais] j'aime quand même écouter la musique vraiment fort. »

Sabrina Halde du groupe Groenland

« Je n'ai pas d'acouphènes, mais je suis extrêmement sensible au son. C'est quelque chose qui me fatigue rapidement. [Sur scène], je mets des in-ears [oreillettes-moniteurs qui entrent dans l'oreille]. Ça m'aide beaucoup, quoique je m'entende mal et que j'aie tendance à monter le son. J'essaie de maintenir un plafond à ne pas dépasser. »

Fanny Bloom

« Je touche du bois. J'ai récemment fait un test auditif et j'ai une santé auditive parfaite. [...] En général, je fais attention. Pendant les pratiques, je place les haut-parleurs pour qu'ils ne soient pas en angle direct vers mes oreilles et je ne me place pas non plus à côté du drum. Quand j'écoute de la musique, je ne mets pas des écouteurs qui entrent dans mes oreilles. Je pense que ça m'a sauvée. »