L'Orchestre national de jazz de Montréal suggère une nouvelle signature : ce samedi à l'Astral, le saxophoniste, compositeur et arrangeur Philippe Côté lance Lungta, un album pour grand ensemble et dont la matière sera jouée par l'ONJM sous sa direction.

Après avoir amorcé des études universitaires en chimie, l'appel de la musique était trop fort. Il bifurqua vers sa passion. Un premier cycle à l'Université Laval puis un deuxième à McGill, entre lesquels il a séjourné un an à New York. Ainsi, Philippe Côté a étudié l'orchestration avec le compositeur montréalais John Rea, il a aussi perfectionné son jeu et sa pensée compositonnelle auprès de pointures du jazz états-unien, notamment le trompettiste Dave Douglas, le pianiste Marc Copland et le saxophoniste David Binney.

Puisque ce dernier a réalisé le premier opus du musicien québécois et qu'il a une relation privilégiée avec les jazzophiles montréalais, l'ONJM jouera aussi sa musique dont il sera un des principaux solistes sur scène.

« Je connais David depuis 2005, rappelle Philippe Côté. J'ai étudié avec lui à New York après qu'il m'eut incité à m'y installer plutôt que de poursuivre mes études au Québec. Ça a changé ma vie. »

Notre interviewé s'est ensuite installé dans la région montréalaise où il a fondé une famille, gagné sa vie dans l'enseignement et mené des études de maîtrise qui lui exigeaient une oeuvre au final.

« Je voulais plus qu'une maquette pour terminer ma maîtrise à McGill, j'ai mis environ cinq ans pour réaliser ce projet de longue haleine. J'ai d'abord enregistré mes compositions en petite formation, avec des amis comme le pianiste Steve Amirault et le contrebassiste Fraser Hollins. Sous la supervision de David Binney, j'ai ensuite repris ce travail autour duquel j'ai écrit pour un grand orchestre. J'ai tellement aimé cette démarche que j'ai finalement composé d'autres oeuvres pour grande formation. »

Aujourd'hui, Philippe Côté se voit davantage comme compositeur que comme joueur, quoique les deux pratiques demeurent intrinsèquement liées en ce qui le concerne :

« Ma force est la composition mais le jeu et l'improvisation sont aussi à la base de ma pensée musicale. Je joue quatre saxos et la clarinette basse. À la base je suis un joueur de ténor et c'est le jazz qui m'a d'abord fait tripper. »

Le jazz mais... à l'instar de plusieurs jeunes compositeurs pour grand ensembles de jazz, on pense à D'Arcy James Argue, Ben Cottrell, Franky Rousseau, John Hollenbeck, Christine Jensen, Jean-Nicolas Trottier et autres Marianne Trudel, Philippe Côté préconise un jazz ouvert à d'autres formes musicales contemporaines.

« J'ai une relation amour-haine avec le big band de jazz et c'est idem pour les grands orchestres classiques. Alors je me trouve quelque part entre les deux. C'est pourquoi l'instrumentation de mon premier album inclut des instruments à vent rarement employés dans les big bands, comme le hautbois ou le basson. »

On en déduit que Philippe Côté est de ces compositeurs pour qui le jazz d'aujourd'hui se rapproche progressivement des musiques contemporaines de tradition européenne. Il corrobore:

« Je cherche la rencontre du jazz et de la musique classique, soit la force de l'improvisation jazz et des rythmes explorés par ce style (les recherches de Steve Coleman, par exemple), et aussi la richesse orchestrale du terrain classique, moderne et contemporain. C'est pourquoi mes compositions peuvent compter sur une plus grande variété de timbres qu'on en trouve dans un big band normal. Cela dit, je n'essaie pas de tout révolutionner, car j'aime aussi la mélodie. Je souhaite un équilibre. »

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Samedi à l'Astral, 20 h.