Remarqué à la faveur d'un album savoureusement caustique, Futur antérieur, Guy-Philippe Wells a moins le coeur à rire. Brise-glace, son nouveau disque, pose un regard grave sur le monde.

Ce qui a attiré l'attention sur Guy-Philippe Wells, il y a quelques années, c'est le regard critique qu'il posait sur les êtres et les choses. Sourire en coin, mais quand même un peu découragé, il relevait les travers de la société: vie à crédit (La vie Visa), dictature des apparences (Je suis beau) et la tendance qu'on a à tout prendre au sérieux, oubliant d'avoir du plaisir (Ici).

 

Dit comme ça, ce n'est rien de bien jojo. Sauf que sa plume, capable d'ironie féroce, faisait passer la pilule. Pour Brise-glace, il a mis le cap sur la gravité. «Je voulais quelque chose qui soit plus proche de l'émotion que du sourire, explique-t-il. Plus loin du personnage humoristique.»

L'image de ce bateau qui ouvre le chemin pour les autres va bien à ce disque. Parce qu'il est beaucoup question de notre condition nordique, mais aussi parce que plusieurs des 12 chansons qu'il contient tentent d'attirer notre regard au-delà de nos frontières, d'ouvrir le chemin vers d'autres préoccupations, d'autres peuples.

Pergéliseul(s), jolie chanson à laquelle collabore Elisapie Isaac, évoque les deux solitudes que sont le Grand-Nord et le sud du Québec. Fusion horaire est un voyage express réalisé à l'aide d'une accumulation de flashes. Loin de s'attarder sur le nombril de son auteur, Brise-glace est traversé par une grande conscience du monde extérieur.

«Ça fait partie de ma réalité. J'ai eu l'occasion de voyager pas mal ces dernières années. L'idée de Fusion horaire, c'était d'imaginer ce que les gens font, ailleurs dans le monde, à l'heure où on se lève. Je fais souvent ça en voyage, imaginer ce que les gens font chez nous pendant que je suis ailleurs.»

Sur la glace

Chansonnier, c'est au moins la deuxième carrière de Guy-Philippe Wells. Il a d'abord fait de la politique. Il a écrit des discours et conseillé l'ancien premier ministre Lucien Bouchard. On ne s'étonne donc pas de le voir s'intéresser au sort de la province, 15 ans après le deuxième référendum (Petit pays).

Son constat: le projet est sur la glace. «Je trouve étonnant de voir comment ça n'a pas bougé et que le débat est là, partout, en sourdine, sous-jacent», analyse-t-il. L'idée mijote encore, constate-t-il, et comme personne ne semblait vouloir «ouvrir le couvercle», il a eu envie de le faire. Sa chanson n'est ni un constat d'échec ni une ode militante. Un regard posé sur l'état du monde, encore une fois.

Intéressé par le social, Guy-Philippe Wells tient à se tenir loin du prêchi-prêcha. Son humour caustique, encore à l'oeuvre ici et là, lui sert un peu de rempart contre cet écueil et aussi d'outil pour désamorcer ses inquiétudes. Comme celle du réchauffement planétaire, qu'il aborde dans C'est pas vrai qu'on va s'en sortir. Ici, ce ne sont pas les mots qui rigolent, mais la musique, volontiers cartoonesque.

«Quand on a enregistré cette chanson-là, on avait l'image d'un groupe de gens qui courent vers le précipice, le sourire aux lèvres et un fusil sur la tempe», raconte le chansonnier. Image forte, c'est vrai, mais qui ne fait pas de lui un catastrophiste. «Je fais quand même confiance au génie humain», assure-t-il. On va tous mourir, c'est vrai. L'important, c'est qu'on nous survive.

 

Le nouvel album de Guy-Philippe Wells, Brise-glace.