Elle a conquis la Russie de Moscou à Vladivostok, chante pour Vladimir Poutine, fait salle comble à chaque spectacle au Kremlin : depuis 20 ans, le public russe vénère Patricia Kaas comme une icône de la chanson française.

«Après Charles Aznavour, Mireille Mathieu, Joe Dassin (...) Patricia Kaas est la dernière dans cette lignée. Après elle, on ne connaît plus de noms de chanteurs français en Russie», relève Sergueï Bountman, chroniqueur à la radio indépendante Écho de Moscou.

Pour présenter son nouvel album et spectacle Kabaret (K comme Kaas), l'interprète de Mademoiselle chante le blues a d'ailleurs choisi la Russie, où elle donnera pas moins de 14 concerts du 22 novembre au 19 décembre, avant de s'attaquer au Casino de Paris en janvier.

Lundi, 5000 spectateurs - dont l'épouse du président russe Svetlana Medvedeva - l'ont applaudie au Palais du Kremlin, prestigieuse salle de spectacles dans le saint des saints du pouvoir russe, vibrant au rythme de ses grands succès et nouvelles chansons.

Dans un décor expressionniste, tout de noir et de blanc, avec des références au Berlin des années 1930, au cinéma de Fritz Lang, Wim Wenders, Patricia Kaas alterne ambiances de cabaret et moments plus intimes, entre jazz, blues et tango.

Elle ponctuera par une tournée dans l'Extrême-Orient russe, à l'automne 2009, le tour de chant entamé cette année dans l'ouest du pays. À chaque étape, l'enthousiasme du public, les torrents de fleurs offerts par les spectateurs l'impressionnent.

«Il y a tellement de respect, d'admiration. Quand je viens ici, je me trouve toujours tout d'un coup super importante, beaucoup plus jolie (...) Le côté artiste internationale y contribue aussi», confie la chanteuse qui à 41 ans, après plus de 20 ans de carrière, voit sa carrière s'essouffler en Europe.

Pour les fans accourus au Kremlin, malgré le froid qui enveloppe ce soir-là Moscou et le prix exorbitant des billets - jusqu'à près de 600 euros - l'étoile brille toujours au firmament.

«Quand elle est sur scène, elle est si légère, il me semble que je vois la France, Paris, les impressionnistes», raconte Tatiana, 52 ans, à l'issue du spectacle.

Ira, 25 ans, aime Patricia Kaas parce que sa mère l'écoutait. À 31 ans, Mikhaïl a tous ses albums. «Elle est très contemporaine et par la musique et par le style de son show», dit-il.

Patricia Kaas a aussi chanté plusieurs fois au Kremlin à Noël pour Vladimir Poutine lorsqu'il était président (2000-2008). Poutine est un «pote», il est «cool», lançait-elle le 13 novembre sur la radio Europe 1, à contre-courant de l'impression dominante.

«Quand je dis «pote», c'est parce que je l'ai vu plusieurs fois. Quand il vient me voir (chanter), (la question) c'est pas comment il gère son pays (...) Je l'ai juste rencontré, il a été plutôt agréable. On a communiqué en allemand parce qu'il parle allemand», dit-elle à l'AFP de l'ancien espion soviétique en RDA devenu le dirigeant à poigne de la Russie.

Avant elle, Mireille Mathieu a aussi donné un concert au Palais du Kremlin le 1er novembre. Le 2 décembre, ce sera au tour de Patrick Fiori, une des stars de la comédie musicale Notre Dame de Paris.

À la radio, dans les boutiques, les cafés russes, la chanson française est aussi souvent à l'honneur.

«La France a toujours fait rêver les Russes. C'est un beau pays lointain», raconte Sergueï Bountman, tout en se demandant combien de temps cet «amour» va encore durer.

«L'amour pour la chanson française remonte à l'époque du dégel en URSS dans les années 1950, quand Yves Montand est venu à Moscou. C'était une cohue inouïe pour ses concerts. Cette admiration a été renforcée par les tournées de Brel, Adamo dans les années 70», ajoute-t-il.

«On aime la chanson française comme on aime la chanson italienne ou russe - parce qu'elles ont une ligne mélodique vive, prononcée. C'est ce qui les différencie de la culture anglo-saxonne, où domine le rythme», résume le compositeur et producteur russe Igor Matvienko.