Le duo s'appelait DobaCaracol, mais après trois ans, 425 spectacles, 16 pays et quatre continents, les routes de Doba et de Caracol se sont séparées.

Doriane Fabreg a choisi le repos alors que Carole Facal s'est dépêchée de repartir à zéro avec un nouveau look, un nouveau style, un premier CD solo, qui sort début septembre, mais avec toujours le même surnom. Rencontre avec une fille experte en cabrioles extrêmes.

Pendant 10 ans, Carole Facal a porté de longs dreads épais et touffus qui auréolaient son joli visage d'un panache et lui donnaient des allures mythiques de dRiyade. Et puis un matin, l'hiver dernier, Carole Facal, s'est levée, s'est emparée d'une paire de ciseaux et, sans la moindre hésitation ou nostalgie, a tout coupé. Schlac.

Des dizaines de longues mèches, témoins d'une décennie de voyages, de musiques et de spectacles, se sont retrouvées en vrac au fond de sa poubelle. Ni cette journée-là ni aucune autre journée, Carole n'a regretté son geste ni l'épaisse crinière dont elle était désormais dépourvue.

«Ça faisait longtemps que j'étais tannée de me balader avec tout ce poids sur la tête et sur les épaules. Ça m'a fait le plus grand bien, et ce qui me fait encore plus de bien, c'est que depuis, plus personne ne me reconnaît.»

À ce chapitre, Carole Facal, fille d'un chirurgien uruguayen, petite soeur de l'ex-ministre péquiste Joseph Facal et ex-moitié de DobaCaracol, ne ment pas. Lorsque je l'ai aperçue dans le vieux café sud-américain où elle m'avait donné rendez-vous cette semaine, non seulement je ne l'ai pas reconnue mais, en lui parlant, j'ai mis du temps à faire le lien entre la Carole néo-rétro-urbaine d'aujourd'hui et la princesse bohémienne aux pieds nus rencontrée il y a deux ans.

«Quand je décide quelque chose, je ne le fais pas à moitié. Je vais jusqu'au bout», dit celle qui est passée maître dans l'art des virages extrêmes et des changements abrupts.

De planchiste à musicienne

Voilà en effet une fille qui, à 17 ans, sans prévenir ses parents et avec seulement 300$ en poche, a traversé le Canada en bus pour aller parfaire sa technique de planche à neige en Colombie-Britannique. Elle y est restée un an en gagnant sa vie comme serveuse. De retour au Québec, elle s'est lancée dans la compétition, a remporté plusieurs championnats avant de se hisser à la 20e position à la Coupe du monde de planche à neige. Puis une blessure l'a obligée à interrompre la compétition. Mais ce qui ne devait qu'être temporaire est devenu définitif le jour où la planchiste a compris qu'elle ne retrouverait jamais le niveau de performance qu'elle avait déjà atteint et que ses capacités sportives étaient à plus ou moins brève échéance vouées au déclin. Plutôt que de laisser les choses traîner en longueur, elle a préféré tirer un trait sec, radical et immédiat. Schlac. Finies, la planche à neige et la compétition. Tournons la page et passons à autre chose.

Pour changer le mal de place, elle est repartie sur la route, cette fois en Europe, panser ses plaies et voir s'il y avait une musicienne qui sommeillait en elle. Elle a trouvé la musicienne et l'a ramenée au Québec en 1998 sans se douter qu'un rave tenu dans un champ de blé à Mirabel par un soir de pleine lune allait tout faire basculer à nouveau. C'est en effet à Mirabel, le 18 août 1998, que Carole a rencontré Doriane Fabreg, celle avec qui elle allait connaître un succès musical aussi inattendu qu'international grâce à l'album Soley et à la chanson Étrange, le tube de l'été 2005.

Plus sur la même longueur d'onde

Portées par la vague world music dont elles avaient intégré l'ambiance festive, les rythmes percutants, les tam-tam, les dreads et les pieds nus, Doriane et Carole ont fait le tour du monde, trois fois plutôt qu'une, vendu quelques centaines de milliers de disques de Montréal jusqu'à Paris en passant par Graz, en Autriche, avant de comprendre que leur union ne serait pas éternelle.

«Plus le temps passait et plus Doriane et moi, on se rendait compte qu'on n'était plus sur la même longueur d'onde, raconte Carole. C'est comme si cette aventure d'une incroyable intensité qu'on a vécue ensemble nous a fait évoluer dans des directions complètement différentes. On aurait pu continuer à faire semblant que tout allait bien pour garder le duo en vie, mais cela n'aurait pas été honnête ni vrai. Et pour moi, le plus important aujourd'hui, c'est d'être vraie.»

La nouvelle de leur séparation à la fin de leur tournée en novembre 2007 a semé un vent de panique dans leur entourage professionnel. Et d'autant plus que le duo n'était pas en fin de carrière, mais en pleine ascension. Carole a essayé de calmer le jeu en annonçant qu'elle avait le matériel nécessaire pour sortir un album solo. «Mais j'avoue que, sur le coup, personne ne m'a crue. J'ai dû me battre pour les convaincre. Le jour où je suis arrivée avec les maquettes de mes 14 chansons, prêtes à être enregistrées, tout le monde a compris que c'était sérieux.»

Projet authentique

Pressentant la fin de DobaCaracol, Carole avait commencé à écrire de nouvelles chansons dès mars 2006. Mais le vrai déclic s'est produit l'automne dernier à Graz en Autriche.

"C'était une de ces journées de tournée où j'étais écoeurée d'être loin de chez nous et où je m'ennuyais de mon fils et de ma famille. Pour calmer ma déprime, je suis sortie. J'ai vu un ukulélé dans la vitrine d'un magasin et je l'ai acheté sur-le-champ. Et, croyez-le ou non, ce petit instrument à cordes hawaiien, qui ne joue pas fort, qui est plus apaisant qu'il n'est stressant, m'a complètement réconciliée avec la musique. Dès ce moment-là, les chansons se sont mises à débouler et j'ai su que j'étais engagée dans un nouveau projet artistique."

Ce projet, Carole Facal le définit à travers un seul mot: authentique.

"Les paroles évoquent des choses qui me sont proches et personnelles. J'ai essayé de ne pas mentir et de dire les choses telles que je les ressens. Pour l'enregistrement, j'ai voulu le faire avec de vrais musiciens dans une vraie pièce plutôt qu'avec des synthés et des connexions internet. C'est très old school comme approche. Le son est une sorte de mélange de blues, de rock steady reggae et de folk indie. Je voulais à tout prix éviter de tomber dans le côté festif et percussif de DobaCaracol".

Mise en scène

Avant le succès du duo, Carole travaillait comme ingénieur de son dans un studio. Aujourd'hui, elle a son propre studio, le Studio de l'Est, dans Hochelaga-Maisonneuve, qu'elle a monté avec son compagnon, le musicien et réalisateur Sébastien Blais-Montpetit. Elle a aussi créé sa propre maison de production pour produire ce premier album solo qui sortira le 8 septembre sous le titre L'arbre aux parfums. Le jour où il a fallu concevoir une pochette, celle dont le surnom est aussi parfois bourreau de travail a choisi une fois de plus la voie de l'authenticité.

"Je voulais que chaque chanson soit illustrée par une photo et je voulais que chaque photo soit une authentique mise en scène. Pas question d'avoir recours à Photoshop ou aux banques d'images sur le Net."

C'est ainsi que Carole s'est retrouvée une journée dans une église de campagne à mettre en scène un mariage raté avec une mariée abandonnée au pied de l'autel et deux familles qui veulent s'entretuer. Un autre jour, elle a orchestré une bataille de nourriture et d'assiettes dans un resto de Hochelaga pour illustrer la chanson Le livre de la colère. Et tout dernièrement, elle a passé une partie de la nuit au milieu d'un cimetière à accrocher ses photos dans un arbre pour illustrer la chanson L'arbre aux parfums.

Toutes les photos mettent en scène des gens qui lui sont proches: son fils de 7 ans, Zéphyre, ses parents, sa soeur, ses amis. Ne manque que son frère, l'ex-ministre, qui n'était pas disponible. Quant à ceux qui chercheront Doriane, ils ne la trouveront pas. Désormais, en photo comme en musique, Carole Facal caracole seule.