Élu président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec en novembre 2009, Brian Myles ne s'est pas ennuyé une seule seconde au cours des 18 derniers mois. «C'est la plus belle affectation de ma carrière», lance le journaliste du Devoir qui a succédé à François Bourque à un moment où le climat au sein de la fédération était loin d'être au beau fixe.

«Il y avait des dissonances dans les rangs», reconnaît Brian Myles, faisant référence entre autres au débat entourant l'accréditation des journalistes de l'agence QMI à la tribune de la presse à Québec, une question qui a profondément divisé les membres. «Mais au-delà des disputes internes, je tenais à réaffirmer l'importance et la pertinence de la FPJQ quand il y a des débats qui touchent les journalistes. C'est notre mission première.»

Jusqu'ici, le mandat de Brian Myles n'a pas été un long fleuve tranquille: règlement du lock-out au Journal de Montréal, menace de fermeture à La Presse, crise de la presse écrite, réorganisation du travail à Radio-Canada, création de l'agence QMI, rapport Payette... Les médias en général traversent une période difficile. «Tout est une question de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, observe le président. Il y a aussi eu le livre noir sur les municipalités qui a permis de dénoncer des abus. Sans compter les journalistes d'enquête qui ont fait un travail formidable, travail que le gouvernement n'a pas voulu faire en refusant de tenir une commission d'enquête sur la corruption et la collusion.»

Titre professionnel pour les journalistes

Brian Myles n'a pas la flamboyance d'une Anne-Marie Dussault ou le caractère bouillant d'un Michel C. Auger. Il n'élève pas la voix et n'est pas du genre à taper du poing sur la table, mais on devine que, derrière cette voix tout en douceur, il y a un entêté qui ne lâche pas le morceau facilement. Lors de notre rencontre, il venait tout juste de recevoir les résultats de la consultation sur l'adoption d'un titre professionnel pour les journalistes. La majorité des membres de la FPJQ (86,8 %) étaient en faveur. «Nous avons donc un mandat clair, affirme Brian Myles, qui estime que le taux de participation d'un peu plus de 58 % lui donne les coudées franches. «Nous croyons que le titre professionnel est une bonne idée pourvu qu'il respecte le principe d'autorégulation», martèle le président de la FPJQ, qui a eu une prise de bec avec son collègue Louis-Gilles Francoeur à ce propos récemment. «Pas question que le public puisse avoir un mot à dire sur qui est ou n'est pas un journaliste, souligne-t-il. Quant aux journalistes qui ne veulent pas de titre, ils ne devraient pas être pénalisés.»

Le statut professionnel était l'une des 51 recommandations du rapport Payette sur le journalisme et l'avenir de l'information au Québec, rendu public en janvier dernier. La ministre responsable du dossier, Christine St-Pierre, n'a toujours pas réagi publiquement au contenu du rapport, mais ses fonctionnaires rencontrent ces jours-ci les différents acteurs du milieu pour préparer la suite. «Notre hantise, c'est que ce rapport finisse sur une tablette», note Brian Myles qui a participé à l'une de ces rencontres.

Les médias en crise

La présidence de Brian Myles a également été témoin de la fin du lock-out au Journal de Montréal, une histoire qui se termine sur une note plutôt acide. «Je pense chaque ligne de ce que nous avons dit devant la commission parlementaire, affirme le président de la FPJQ, à savoir que ce conflit a démontré que le Code du travail est obsolète. Cela dit, peu importe la façon dont tout ça s'est terminé - il y a un ressort de brisé et des gens éclopés -, je crois tout de même que la fin du lock-out est une bonne nouvelle. La création de Rue Frontenac aussi. Maintenant, j'ai hâte de voir comment Le Journal de Montréal va faire de l'information...»

Au-delà des nombreuses transformations qui bouleversent l'univers journalistique, la première vraie crise rencontrée par Brian Myles demeure la quasi-fermeture du magazine de la FPJQ, le Trente, dont le nombre de parutions a été réduit à trois par année. La décision a provoqué la démission du rédacteur en chef, Jonathan Trudel, ainsi qu'un mouvement de protestation de la part de plusieurs journalistes qui ont tenté de sauver la publication. Mais Brian Myles persiste et signe. «Je ne reviendrai pas sur ma décision, lance-t-il. Le Trente n'avait aucune vente en kiosque, on perdait des dizaines de milliers de dollars par année, on ne pouvait plus se payer ça. Il aurait fallu doubler les cotisations pour pouvoir arriver. Notre «core business», ce n'est pas d'être un éditeur, mais bien de défendre nos membres. Il fallait faire quelque chose rapidement pour redresser la situation, j'ai pris la décision qui s'imposait et l'éditeur adjoint du magazine était d'accord à 100 %. Il reste trois livraisons par année, on fera quelque chose qui ressemble davantage au Columbia Journalism Review

Il reste grosso modo six mois au mandat de Brian Myles et il ne sait pas encore s'il en sollicitera un second. Parmi les objectifs qu'il s'est fixés d'ici à novembre prochain, il y a bien sûr l'organisation du prochain congrès annuel, mais aussi les suites du titre professionnel, la défense des intérêts des journalistes ainsi qu'un document sur les orientations gouvernementales en matière d'accès à l'information, un dossier qui n'a pas été mis à jour depuis 10 ans.

Sans compter qu'il aimerait bien voir s'estomper les guéguerres stériles entre médias qui pourrissent le climat actuellement. «Avec la crise des médias, on assiste à une décroissance, souligne-t-il. On voit des métiers disparaître, des salles rétrécir. Est-ce que ces grandes inquiétudes encouragent le repli et les rivalités? Peut-être. Pour notre part, nous ne nous ferons par l'arbitre de ces disputes, mais j'espère sincèrement qu'elles vont s'estomper, car elles sont tout à fait stériles.»

Quelques liens sur le journalisme

> Fédération professionnelle des journalistes du Québec: fpjq.org

> Le blogue du Trente: trente.ca

> Association des journalistes indépendants du Québec: ajiq.qc.ca

> Nieman Journalism Lab: niemanlab.org

> Columbia Journalism Review: cjr.org

> Projet J et son pendant anglophone: projetj.ca et j-source.ca

> Poynter: poynter.org