Jonathan Pedneault n'a que 20 ans, mais il vient de vivre une expérience que bien des journalistes qui ont deux fois son âge ne vivront jamais. Parti au Caire avec l'idée de voir de près la révolution et de préparer un reportage sur les jeunes progressistes égyptiens, le jeune journaliste a été attaqué, roué de coups et détenu pendant plusieurs heures. Il est revenu à Montréal avec une grosse cicatrice à la tête, plusieurs points de suture et une aventure qu'il n'est pas près d'oublier.

Le jeune homme, qui travaille ces jours-ci au montage de son deuxième documentaire réalisé avec Alexandre Trudeau, n'est pas ce qu'on peut appeler une tête brûlée. Mais à l'écouter parler, on comprend qu'il n'a pas froid aux yeux et, surtout, qu'il aime vivre les choses intensément.

«J'avais été déçu de la couverture médiatique en Tunisie, explique-t-il. Je trouvais que les médias avaient réagi trop tard alors que mes contacts là-bas me disaient depuis Noël que quelque chose se préparait. Dès que j'ai vu que quelque chose commençait en Égypte, j'ai voulu y aller pour être témoin de ça. Je trouve qu'il y a un côté excitant à la contestation. J'ai donc pris contact avec L'actualité, qui avait déjà publié un de mes textes. On m'a donné le feu vert et je me suis envolé pour Le Caire.»

Après deux vols annulés, Jonathan Pedneault entre finalement en sol égyptien. Aussitôt arrivé, il se rend place Tahrir, où il croise plusieurs journalistes occidentaux. «J'ai tout de suite commencé à faire des entrevues, raconte-t-il. À cause de ma peau foncée, on me prenait pour un Égyptien. Le soir, j'ai écouté le discours du président Moubarak en compagnie d'un groupe de jeunes progressistes. Tout allait bien.»

Mais le climat change rapidement. Lorsqu'il tente de photographier des hommes à dos de dromadaire, au lendemain du discours présidentiel, Jonathan Pedneault attire l'attention sur lui. Poursuivi par des manifestants pro-Moubarak, il se réfugie dans un édifice qui abrite des logements et un hôtel, en compagnie de journalistes de Fox News qui se font passer pour des Canadiens du réseau Global.

L'immeuble, qui se trouve sur la ligne de front entre les deux clans, est la cible des pierres et des cocktails Molotov. «C'était comme dans un film», observe Jonathan Pedneault. Il passe la journée à craindre l'irruption de manifestants dans l'appartement où il se terre. Dans un moment critique, couché à plat ventre dans le noir, le jeune homme envoie même à son meilleur ami un texto pour lui demander de dire à sa mère qu'il l'aime. Il croit sincèrement que sa dernière heure est arrivée.

Après quelques heures à craindre le pire, le petit groupe de journalistes tente une sortie. Ils sont rapidement rattrapés par des manifestants, qui les attaquent sauvagement. «Je voyais Greg, le journaliste de Fox, couvert de sang. Je lui tenais la main en essayant de le hisser sur un char, mais les soldats n'ont pas levé le petit doigt pour nous aider, ils m'ont même ordonné de descendre du tank. J'ai moi aussi été rattrapé par la foule.»

On le frappe, on lui arrache ses lunettes et son passeport, il a le visage couvert de sang et ne voit plus rien.

L'intervention quasi miraculeuse de deux hommes sortis d'on ne sait où lui sauvera la vie. On l'emmène en ambulance à l'hôpital. Mais Jonathan Pedneault n'est pas soulagé pour autant - il est plutôt rongé par un sentiment de culpabilité. Ses deux compagnons d'infortune sont restés là-bas, il ne sait pas s'ils sont encore vivants.

Il les retrouvera finalement quelques heures plus tard, toujours à l'hôpital, et c'est avec eux qu'il vivra le deuxième chapitre de son aventure égyptienne. Aidés par l'ambassadeur de Nouvelle-Zélande, qui tente de les faire sortir du pays (le cameraman de Fox est néo-zélandais), Jonathan et ses collègues sont conduits dans un bâtiment militaire où ils passent plusieurs heures assis dans une jeep, les yeux bandés, sans avoir le droit de parler. «On nous a conduits devant des gens, photographiés puis reconduits dans la jeep. C'était terrifiant, nous ne savions pas où nous étions et ce qu'on nous voulait.» On les libère finalement à la tombée du jour.

Rentré à Montréal depuis quelques jours, Jonathan Pedneault ne regrette absolument pas son séjour égyptien: «J'ai trouvé fascinant d'assister à ces événements. Je ne crois pas à l'objectivité journalistique, je ne peux qu'avoir un parti pris pour ces jeunes qui essaient de changer les choses.»

Comme bien d'autres, il est convaincu que cette révolution n'aurait jamais eu lieu sans Facebook, Twitter et les téléphones cellulaires. «Ce sont les messages, les statuts et les textos qui permettent aux jeunes de constater qu'ils ne sont pas les seuls à penser ainsi, ce qu'on appelle shared awareness. Je ne comprends pas ceux qui essaient de catégoriser les médias sociaux comme étant bons ou mauvais. Ils existent, c'est tout. Et en Égypte, les deux camps les ont utilisés.»

Jonathan Pedneault ne regrette donc pas son aventure égyptienne, mais il n'envisage pas nécessairement une longue carrière journalistique. Sa seule certitude, pour l'instant, c'est qu'il souhaite s'engager dans sa communauté. Ex-militant chez les jeunes libéraux du Canada (en 2009, il a envisagé de se présenter dans la circonscription de Longueuil-Pierre-Boucher), le jeune homme suit actuellement des cours de sciences à l'Université de Montréal, où il envisage de faire des études en médecine. «Le journalisme, pour moi, c'est une façon de me former. C'est mon école.»

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Pour lire le récit de Jonathan Pedneault sur le site de L'actualité: lactualite.com. On peut également lire le compte rendu d'un des compagnons d'infortune de Jonathan, Greg Palkot, sur le site de Fox News: foxnews.com.