Aujourd'hui, une équipe de Radio-Canada est à New York pour assister à la remise des prix Emmy, décernés aux meilleurs documentaires et reportages réalisés dans le monde entier.

Il s'agit de la journaliste Josée Dupuis, de la réalisatrice Geneviève Turcotte et du directeur photo Pierre Mainville, les trois artisans du documentaire L'ultime pardon, présenté dans le cadre de l'émission Enquête l'an dernier.

L'histoire derrière L'ultime pardon est aussi fascinante que le reportage lui-même. Le document porte sur la tuerie qui a eu lieu en 2006 dans la petite communauté amish de Nickel Mines, en Pennsylvanie. Un homme était entré dans l'école du village, avait fait sortir les garçons et avait assassiné cinq petites filles d'une balle dans la tête.

Cette tuerie a profondément marqué la journaliste Josée Dupuis, dont c'était l'anniversaire ce jour-là. Elle en glisse un mot à la réalisatrice Geneviève Turcotte. Non seulement la tragédie a un écho pour les deux femmes à cause de Polytechnique, mais les amish font aussi un geste tout à fait exemplaire qui bouleverse tout le monde. Quelques heures après le drame, les familles des victimes se rendent à la demeure des parents du tueur pour leur offrir leur pardon. «Le pardon fait partie de leur religion», rappelle la réalisatrice Geneviève Turcotte.

Les deux femmes prennent la route sans aucune assurance de réaliser des entrevues. Plus de 300 médias sont passés avant elles et les familles amish ont toujours refusé de raconter leur drame à la caméra. Une fois sur place, les deux journalistes essuient le même refus.

La veille de leur départ, elles reçoivent toutefois un appel de Terri Roberts, mère du tueur qui était, jusque-là, un père de famille sans histoire (il s'est enlevé la vie après avoir tué les cinq fillettes). Cette rencontre est déterminante: la femme est sensible au fait que les deux journalistes sont originaires d'une ville touchée par un drame similaire. Les journalistes reviendront à Nickel Mines quelques semaines plus tard en compagnie de Pierre Mainville et de sa caméra. L'équipe réussit à convaincre les grands-parents de deux petites victimes en échange d'une promesse ferme: personne dans la communauté ne doit jamais savoir qu'ils ont accepté de se confier, et l'émission ne doit être diffusée qu'une seule fois, et jamais aux États-Unis. «Nous sommes arrivés le soir, les phares éteints, raconte Geneviève Turcotte. Le couple vivait sur la même ferme que son fils. Il ne devait jamais savoir que nous étions venus.»

Dans le reportage, les grands-parents sont filmés de dos. On voit de gros plans de leurs mains. L'éclairage est magnifique, comme dans une toile de Vermeer.

La petite équipe revient à Montréal avec ses précieuses images, mais l'histoire ne se termine pas là. «Nous sommes retournés montrer le reportage aux gens qui avaient accepté de nous parler, poursuit la réalisatrice. C'était un grand moment d'émotion. Ils ont tous été touchés par le grand respect que nous avions montré à leur endroit.»

La semaine dernière, L'ultime pardon a remporté deux prix Gémeaux pour la meilleure réalisation et le meilleur reportage. On saura ce soir s'il a séduit le jury des Emmy.