Franche, généreuse et parfois révoltée, Caroline Dawson a su évoquer avec sa plume des vérités que peu ont osé nommer avant elle. C’est ce dont témoignent ses collaborateurs et amis, qui brossent le portrait d’une grande écrivaine, mais également d’une grande rassembleuse.

Après une longue et difficile bataille contre un cancer des os, l’écrivaine Caroline Dawson est décédée dimanche, à l’âge de 44 ans. En 2021, l’autrice a bousculé les lecteurs québécois avec Là où je me terre, qui raconte son parcours de réfugiée du Chili arrivée au Québec à 7 ans.

« Hier soir, j’ai perdu ma plus grande complice, ma confidente, ma meilleure amie, ma grande sœur qui m’a tout appris, celle qui m’a inspiré des mots, des airs, des gestes, quelque chose comme un style et une ténacité pleine de tendresse », a écrit son frère, l’auteur Nicholas Dawson, dans une publication Facebook.

Le 24 mars 2023, la salle de la Librairie Appalache, à Sherbrooke, était comble. Caroline Dawson était de passage pour un entretien sur son premier roman d’autofiction, Là où je me terre, se souvient Félix Morin, chroniqueur à la revue Les Libraires. « Dans la foule, il y avait une grande mixité sociale. Ça me fascine encore. Elle a vraiment trouvé une manière, avec ce livre-là, de parler à tout le monde. »

« Pourquoi on l’aime autant, ce roman ? », demande Émilie Perreault, amie de Caroline Dawson et animatrice de l’émission Il restera toujours la culture, au micro duquel l’écrivaine a tenu une trentaine de chroniques. « On l’aime autant, parce que ce roman-là, c’est Caro : accessible, drôle, mais touchant, en colère… Elle a écrit un livre aussi exceptionnel qu’elle l’était elle-même. »

Une rassembleuse

« Tout le monde voulait toujours être autour de Caro, elle était vraiment ancrée dans qui elle était, mais tellement curieuse à la fois », souligne Émilie Perreault.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

L’animatrice Émilie Perreault a travaillé au côté de Caroline Dawson.

L’animatrice a d’abord découvert Caroline Dawson en tant que lectrice. « J’ai trouvé que [Là où je me terre] était un petit joyau. » Elle se souvient d’être tombée sous le charme de l’écrivaine dès leur première rencontre. « Je me demandais, mais elle vient d’où, cette fille ? Ça vient d’où, cet aplomb-là ? »

Émilie Perreault décrit Caroline Dawson comme une « autrice incroyable » et une « collaboratrice complètement vibrante » qui n’avait pas peur de prendre la parole pour montrer du doigt les injustices.

Les jours où je serai en colère, je vais penser à Caro en sachant qu’elle ne voudrait pas que j’éteigne cette voix-là.

Émilie Perreault, animatrice

« Elle avait le bonheur contagieux, elle était curieuse de tout… Elle était comme un aimant auquel tout le monde voulait se rallier », se souvient Jocelyn Lebeau, qui s’est lié d’amitié avec Caroline Dawson en réalisant la version audio de Là où je me terre, diffusée en 2022.

Celui qui a connu Caroline Dawson au printemps 2021 souligne le caractère fédérateur de l’œuvre de l’écrivaine. « Elle a mis le doigt sur quelque chose qui n’avait pas été raconté si souvent. C’est un récit d’immigration ordinaire, mais qui a touché tellement de gens », ajoute-t-il.

Une grande écrivaine

Michel Marc Bouchard a rencontré Caroline Dawson en 2021, lorsqu’il a défendu Là où je me terre au concours littéraire Combat national des livres. « Je me suis plongé dans ce livre-là, que j’ai adoré dès la première page », raconte-t-il. L’autrice venait alors tout juste de publier son premier roman.

« Elle avait un talent de conteuse extraordinaire », se souvient le dramaturge, selon qui l’œuvre de Caroline Dawson a jeté une nouvelle lumière sur le rôle des personnes immigrantes dans la société québécoise.

Plein d’immigrants de la nuit, d’immigrants de l’ombre, ont soudainement existé dans la littérature grâce à elle.

Michel Marc Bouchard

Le monde littéraire vit aujourd’hui un grand deuil, d’après Michel Marc Bouchard. « C’est une écrivaine qui meurt très jeune, et qui aurait eu beaucoup à nous apporter », laisse-t-il tomber.

Félix Morin, qui a dirigé un dossier sur Caroline Dawson à paraître en juin dans la revue Lettres québécoises, abonde dans le même sens. « Là où je me terre, c’est le prochain grand classique québécois », affirme-t-il.

Selon le chroniqueur, l’œuvre de Caroline Dawson inspirera des auteurs à aborder frontalement des questions de classe sociale et de marginalité. « Elle nous a laissé quelque chose qui, d’après moi, va faire des petits. C’est ma conviction profonde qu’on va étudier ses textes encore longtemps », ajoute-t-il.

Un legs artistique

Fille d’immigrants chiliens, l’actrice Kathy-Alexandra Retamal Villegas s’est tout de suite reconnue dans l’histoire de Caroline Dawson, lorsqu’elle a lu Là où je me terre. « Mes parents aussi faisaient le ménage, je les accompagnais aussi quand j’étais petite, j’ai aussi vécu les changements de classe sociale de mes parents… », énumère-t-elle.

L’actrice a donc plongé tête première quand elle a décroché le rôle de Caroline Dawson dans le livre audio de Là où je me terre, et ensuite dans la pièce de théâtre adaptée du roman par Michel Nadeau, en 2023.

En racontant son parcours de réfugiée, Caroline Dawson a su écrire noir sur blanc une réalité auparavant écartée par la littérature québécoise, selon la jeune femme. « À chaque fois que j’ai dit sur scène les mots “je me rangerai toujours du côté des humiliés, c’est là où je me terre”, j’ai considéré ça comme un privilège. »

En mai 2024, Radio-Canada a annoncé la création du prix Caroline Dawson, qui récompensera le roman ou l’essai publié en français par un écrivain émergent issu de l’immigration. « Ce prix qui porte mon nom, c’est de la musique à mes oreilles. Je suis très fière et remplie de gratitude. C’est une super belle idée d’avoir ce legs à donner », s’était réjouie l’autrice, à l’annonce de la création du prix.

(Ré)écoutez le balado Juste entre toi et moi avec Caroline Dawson