Avec Un animal sauvage, Joël Dicker signe son roman le plus addictif depuis La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Nous avons joint l’auteur suisse chez lui pour lui parler de ce thriller psychologique qui démarre par un braquage retentissant dans une bijouterie de Genève.

On retrouve dans Un animal sauvage tous les ingrédients qui ont fait le succès de vos romans : une intrigue labyrinthique, de nombreux rebondissements, de constants allers-retours entre passé et présent et, surtout, un suspense haletant qui rend le livre impossible à lâcher. Pensez-vous qu’en tant qu’auteur, quand on a trouvé une formule qui marche, il faut y rester fidèle ?

C’est vrai qu’on retrouve ici une narration qui m’est chère et qui appartient un peu, à mon avis, à la tradition orale, peut-être parce que je viens d’une famille où on m’a beaucoup raconté d’histoires – Andersen, les grands contes russes… Je crois qu’il y a quelque chose qui se rapproche un peu de ça dans mes livres. C’est ma signature et c’est une convocation du lecteur à qui je dis : viens t’asseoir avec moi au coin du feu, je vais te raconter une histoire. Et le lecteur qui m’a déjà lu, quand il achète mon nouveau livre, il attend cette invitation, il est un peu prêt à ça. Il s’attend à lire un roman un peu polar qui va l’embarquer dans une histoire et qui va le sortir de son quotidien. Et je pense que [cette construction] aide beaucoup aussi à capter l’attention du lecteur.

Vous avez situé presque tous vos romans à ce jour aux États-Unis, plutôt qu’en Suisse. Qu’est-ce qui vous a donné envie de construire une intrigue qui se passe près de chez vous, cette fois-ci ?

Être à Genève, où je suis né, où je vis toujours et où j’ai passé la majeure partie de ma vie, c’est le plaisir très particulier d’être chez soi et de pouvoir aussi partager cette vie avec mes lecteurs. C’était une envie, presque une évidence, qui s’est installée tout de suite. Je n’avais pas encore l’idée du livre, mais je savais tout de suite que le décor serait Genève, parce que j’avais envie de retourner chez moi.

Vous en profitez quand même pour faire plusieurs clins d’œil au Québec…

Le Québec est un pays important pour moi. Je connais particulièrement bien Montréal, où je suis souvent – ma femme est montréalaise et j’ai maintenant une partie de ma famille à Montréal. Il n’y a plus grand-chose qui me retienne de passer à l’étape suivante d’écrire un livre qui se passe au Québec et à Montréal, sinon la grande difficulté que j’aurais avec la langue !

Au cœur du roman, il y a ce couple en apparence parfait que tout le monde envie. Pourquoi vouliez-vous montrer que, parfois, même sous les plus beaux vernis – et les plus beaux quartiers de Genève – se cachent des vérités que personne n’aurait soupçonnées ?

C’est un livre qui se passe à Genève, mais avec une histoire, des façades et des apparences qui sont des choses, au fond, très universelles : tout ce qu’on ne raconte pas, cette obsession de paraître toujours sous son meilleur jour, l’image qu’on a construite soi-même et qu’on envoie aux autres, différente ou un peu déformée de la réalité pour paraître mieux que ce qu’on est. Par exemple, les personnages de Sophie et Arpad, au début du livre, sont montrés comme étant un peu le couple parfait. Mais en fait, ce n’est pas comme ça qu’eux se présentent ; c’est comme ça qu’ils sont perçus.

Vos romans sont toujours clairement situés dans le temps, ce qui permet au lecteur de ne pas perdre le fil quand vous revenez 10 ans ou 20 jours en arrière pour raconter une partie de l’histoire. Écrivez-vous à partir d’un plan détaillé ?

Je n’ai toujours pas de plan quand je me lance dans l’aventure d’un livre parce que j’ai l’impression que ça me donne une forme de liberté, ce qui pour moi est très important. Le plan vient à mesure que j’avance dans le livre et que je commence à comprendre ce que je suis en train de faire. À ce moment-là, peu à peu, le plan se dessine et je reviens en arrière pour consolider, redessiner, affiner.

Avez-vous déjà un nouveau roman en chantier ?

J’ai toujours des idées, plusieurs pistes, et je ne sais pas encore très bien laquelle sera la bonne. Puis tout d’un coup, il y a un déclic qui se fait. Je suis vraiment très nul en bricolage et un de mes calvaires, ce sont les armoiries ou les meubles de chez IKEA, où on croit que c’est très simple. Moi, quand je me mets à les monter, il me manque toujours des pièces ; mais après la panique, après le désordre, après ce sentiment que je n’y arriverai jamais, tout d’un coup, je comprends ce que je dois faire, tout s’emboîte et j’ai le sentiment d’être le bricoleur de l’année, le héros du marteau et de la vis [rires] ! Quand tout s’éclaire comme ça et que tout est évident, c’est le début du livre ; mais je n’y suis pas encore.

Un animal sauvage

Un animal sauvage

Rosie & Wolfe

400 pages