Le dernier tome des Piliers de la Terre, Les armes de la lumière, qui vient d’arriver en librairie, dépeint les bâtisseurs de cathédrales de Kingsbridge durant l’industrialisation et les guerres napoléoniennes. Ken Follett clôt ainsi une de ses grandes séries historiques, alors que les catastrophes de la suivante, Le siècle, se profilent à l’horizon. Entrevue.

Une colonne de feu se terminait au début du XVIIsiècle. Les armes de la lumière commence à la fin du XVIIIe. Pourquoi ce hiatus de 200 ans ?

Je pars d’une péripétie de l’histoire qui me semble intéressante. À chacun de mes livres, je suis parti d’une histoire politique, sociale ou économique qui m’a passionné. Je n’ai rien trouvé de notable à la fin du XVIIsiècle. Pour le moment, en tout cas. C’est la seule raison de ce saut de 200 ans.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans vos recherches historiques ?

Que les garçons de 7 ans puissent travailler 14 heures par jour, de 5 h à 19 h. Mon grand-père a commencé dans la mine de charbon à 13 ans. Mais 7 ans, c’est cruel.

Vous décrivez la forte réaction des artisans aux premiers métiers à tisser mécaniques. Actuellement, on craint que l’intelligence artificielle menace l’emploi. Et pourtant l’industrialisation a finalement avantagé les ouvriers.

La vapeur a automatisé des emplois que les gens faisaient chez eux depuis des siècles. Il y a dans un musée à Manchester un métier à tisser qui remplaçait 560 femmes. Mais l’industrialisation a fini par augmenter les salaires parce que les gens travaillaient dans une usine plutôt que dans un village souvent terrorisé par un noble (squire) tyrannique. Avec l’IA, il y aura des gagnants et des perdants. Les conducteurs de voitures seront certainement perdants. Mais j’ai demandé ce matin à un outil d’IA d’écrire un chapitre à la Ken Follett. C’était incroyablement mauvais. Plein de clichés, des prairies vertes, des collines, le vent de la guerre. Ça m’a soulagé.

Vous liez les révolutions française et américaine à la répression des premiers syndicats.

Les nations européennes ont réagi par la répression à la Révolution française, surtout. À cause de la menace de la guillotine. Deux lois en particulier ont, en Grande-Bretagne, fait reculer les droits personnels à un niveau inédit depuis le Moyen Âge.

Vous avez vécu l’âge d’or du syndicalisme britannique avant Margaret Thatcher, puis son anéantissement. Comment cette expérience personnelle teinte-t-elle votre portrait du début des syndicats il y a plus de 200 ans ?

Les syndicats dans les années 1970 ont exagéré et sont devenus impopulaires. La grève du charbon au début des années 1980 a été décidée par Arhtur Cargill, qui était d’extrême gauche. Ils ont détruit l’industrie. Thatcher en a profité. C’est à cause des leaders syndicaux d’extrême gauche que les gagne-petit d’aujourd’hui sont payés en deçà du salaire minimum.

Vous évoquez les tensions entre anglicans et méthodistes. En quoi est-ce intéressant, alors que nous vivons dans une période post-religieuse ?

Dans Une colonne de feu les gens étaient torturés à cause de leur foi. Au XVIIIe siècle, il y avait toujours des tensions, mais on ne brûlait pas les églises méthodistes. Je décris les premiers pas de la liberté religieuse. Aujourd’hui, on ne sait même pas qui est catholique, protestant ou athée.

Vous terminez le livre avec la victoire britannique à Waterloo. Mais en France, il s’agit d’une défaite.

J’admire beaucoup Napoléon, même si c’était un dictateur qui a tué beaucoup de gens. À Waterloo, il avait un corps d’ambulanciers, alors que les soldats britanniques dépendaient des femmes qui les accompagnaient. Ses soldats étaient bien nourris, contrairement aux soldats ennemis. Mais si j’avais voulu avoir une perspective française, il m’aurait fallu deux ou trois autres personnages, pour les suivre en Italie, en Russie, et j’en avais déjà six.

Vous décrivez une évolution qui a pris plusieurs siècles. Est-ce à dire qu’il faut être plus indulgent avec les sociétés où règne l’intolérance religieuse au lieu de les condamner à coups de rapports de l’ONU ?

Nous n’avons pas à leur demander la permission d’écrire qu’ils ne pensent pas comme nous, qu’ils n’ont pas le même respect pour la liberté. Nous ne leur disons pas comment se comporter. Simplement, il faut savoir que les droits pour lesquels nos ancêtres ont combattu n’existent pas dans ces pays.

Vous citez comme source un seul livre, William Pitt the Younger, de William Hague.

C’est un excellent livre, même si Hague a un point de vue conservateur. Je lui ai parlé des tentatives de Pitt de priver les gens des quelques droits de la personne qu’ils avaient. Il est d’accord pour dire que ce n’était pas une bonne chose.

Les armes de la lumière

Les armes de la lumière

Robert Laffont

792 pages

8/10

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  • 188 millions de livres
    Nombre de livres vendus par Ken Follett
    Source : Penguin Random House