Clara lit Proust est un livre qui fait sourire, qui donne envie de plonger dans les écrits de Proust, inévitablement, mais aussi dans toutes ces grandes œuvres où il fait bon s’évader et qui ont le pouvoir de changer une vie. Nous avons joint Stéphane Carlier en France pour discuter de son plus récent roman.

La vie de Clara n’avait pas grand-chose de trépidant avant qu’un client n’entre au salon de coiffure où elle travaille et y oublie un livre. Si ce n’était de cette aura d’artiste, à la fois mystérieuse et fascinante, qui entourait l’homme, peut-être n’aurait-elle jamais mis ce roman de côté. À la recherche du temps perdu.

Par un morne dimanche de mars, la jeune coiffeuse se laisse ainsi happer par l’univers de Marcel Proust… et n’en ressortira pas la même.

« Il fallait un grand livre, un grand auteur. Un livre immense… un chef-d’œuvre de la littérature du monde », estime Stéphane Carlier, qui s’est lui-même immergé dans les sept tomes de La recherche pour écrire ce roman. « Et peut-être que c’est pour ça que j’ai fait ce livre, ajoute-t-il. Peut-être qu’au fond, j’avais envie de retrouver l’univers de Proust, qui m’est apparu complètement différent de ce que j’avais lu à 21 ans. »

Il l’admet, c’est difficile de lire La recherche et de tout comprendre à cet âge. Il faut une certaine maturité, en quelque sorte, pour reconnaître ce qu’il appelle le génie et la magie de Proust. « L’onde de choc qui est toujours là quand vous refermez le livre… Vraiment, on ne voit plus la réalité comme on la voyait avant de le lire. »

À son avis, Clara fait partie de ces gens qui suivent une voie déjà tracée alors qu’ils sont prédestinés à tout autre chose. Plus elle avance dans sa lecture, plus elle se rend compte que « le petit monde de Cindy Coiffure », tout comme son compagnon pour qui elle n’éprouve plus de désir, ne lui suffit plus.

« C’est l’histoire des gens qui ne sont pas dans leur vie. Ce livre la révèle à elle-même », avance l’écrivain français.

La vie nous jette quelque part, on croit que c’est une place définitive parce que voilà, on ne veut pas faire l’effort, on n’a pas la curiosité, c’est beaucoup plus confortable de rester à la place que le destin nous a assignée plutôt que d’aller voir ailleurs… Et je suis sûr qu’il y a énormément de gens qui seraient beaucoup plus heureux dans une vie un tout petit peu différente.

Stéphane Carlier

Les livres, « meilleurs que la vie » ?

Au fil de sa lecture et de son immersion dans l’univers de Proust, Clara finit par croire que « les livres pouvaient être meilleurs que la vie », écrit Stéphane Carlier. « Une phrase à la Truffaut », note celui qui se dit un grand admirateur du réalisateur français.

Et c’est à partir de ce moment-là que le déclic se produit. Coup de chance, la jeune coiffeuse va rencontrer une autre fervente lectrice de Proust qui, elle aussi, ne rentrait « dans aucune case » et qui dit avoir été sauvée par ses écrits parce qu’elle ne se sentait plus seule après l’avoir lu.

Stéphane Carlier souligne d’ailleurs que dans son prochain roman, un « polar-comédie » intitulé La vie n’est pas un roman de Susan Cooper (qui devrait paraître l’automne prochain), il écrit que sa définition de l’enfer, c’est « un monde sans littérature où les livres n’auraient pas été inventés ». « On ne peut pas trouver dans TikTok ou dans les jeux vidéo ce qu’on trouve dans les livres. »

Il s’est lui-même récemment plongé avec délice dans la relecture des livres de Christian Bobin, disparu fin novembre – « et ça fait vraiment du bien ».

Les livres qui font du bien, cela dit, c’est son « dada » d’écrivain, ajoute-t-il. « Je voudrais écrire des livres plus sérieux, mais je suis tellement heureux d’écrire de la comédie. »

Clara lit Proust

Clara lit Proust

Gallimard

192 pages