Pour les amateurs de Martin Winckler, Franz en Amérique est la suite d’Abraham et fils (2016) et des Histoires de Franz (2017). On peut toutefois le lire indépendamment des deux livres précédents. Non seulement on peut, mais on doit ! Ce roman est un petit bijou. De ceux qui marquent et restent en mémoire.

Plus qu’un livre, Franz en Amérique est un véritable compagnon, une atmosphère qu’on a bien du mal à quitter. En partie autobiographique, l’histoire est centrée sur Franz, un jeune Français d’origine algérienne âgé de 18 ans, qui part dans une famille d’accueil en Amérique pour une année d’études. L’action se déroule à San Francisco, en 1971-1972, mais aussi dans son village français, à la même époque et à d’autres périodes, ainsi qu’à Montréal.

Le livre est construit de façon très originale. Ses 107 chapitres débutent par le titre d’une chanson datant de l’année durant laquelle se déroule l’action. On peut ainsi marquer régulièrement un temps d’arrêt et écouter les chansons avant de reprendre la lecture. Une pause qui fait énormément de bien quand on lit une brique de 912 pages ! Et une écoute qui nous replace avec bonheur dans l’atmosphère des années 1970. Baby-boomers bienvenus !

Brillant, Martin Winckler aborde un grand nombre de sujets dans son roman avec des informations souvent méconnues qui mettent en perspective notre vie d’aujourd’hui et les débats qui l’accompagnent et qui découlent évidemment du passé.

Parmi les sujets évoqués au fur et à mesure de la narration, citons la France très conservatrice des années 1960-1970 (avec ses 50 exécutions à mort et ses avortements illégaux), les guerres d’Algérie et du Viêtnam, si coûteuses en vies humaines, la lutte du FBI contre les Black Panthers, la libération sexuelle et le féminisme qui prennent plus de place, à force de luttes et de manifestations, et bien sûr l’univers musical si riche et innovateur de cette époque aux États-Unis.

Franz en Amérique est donc un récit sur la jeunesse, ses espoirs, ses défis, mais c’est aussi un manifeste sur les valeurs humanistes. Une romance qui fait du bien. On la lit lentement, car elle fait inévitablement ressortir des souvenirs et des sujets de réflexion en permanence. Une lecture dont on sort ému et réjoui.

Franz en Amérique

Franz en Amérique

P.O.L

912 pages

9/10