Qu'ont en commun Martin Stevens, André Montmorency, Elisabetta de Loft Story, Marie-Chantal Toupin, Andrée Boucher, France Castel, Chantal Paris et Mad Dog Vachon? Ils ont tous commis, dans un moment d'égarement peut-être, des autobiographies qui manquaient de pudeur ou de correcteurs. Le Cabaret Bio dégradable rend hommage, en quelque sorte, à ces plumitifs de la confidence intime... pas si intime que ça, finalement.

On ne se lasse pas du Cabaret Bio dégradable. Même que les fans les plus endurcis sont allés voir le spectacle trois, quatre ou cinq fois. Cela fait plus de deux ans que ça roule, à Montréal et en région, au grand bonheur d'un public qui finit par développer une affection sincère pour ces artistes qui ont offert tant de magnifiques perles dans leurs livres. «C'est inépuisable! lance Didier Morissonneau, cocréateur avec Katherine Riva du Cabaret Bio dégradable. Est-ce qu'on se tanne de Broue? Moi, j'ai vu le Cabaret 40 fois et je ne suis pas tanné. Tous les comédiens qui participent pleurent de rire en coulisse à chaque show, même s'ils connaissent les textes par coeur.»

Avec quelques variations, c'est sensiblement la même bande qu'au début qui fait le Cabaret. Ce sont Pierre-Luc Brillant, Kim Lavack-Paquin, Karen Elkin, Rémi-Pierre Paquin, Marc-Antoine Audette, Mathieu Grondin, pour n'en nommer que quelques-uns. Qui lisent très sérieusement des extraits de biographies de vedettes écrites au «je», sans changer un mot, et sans faire de commentaires. Tout le comique est déjà dans le texte. Ils n'hésitent pas à sauter dans la voiture pour aller présenter le spectacle aux quatre coins du Québec, pour un salaire dérisoire, puisqu'une partie des profits est versée à Arbres Canada pour la protection des forêts! «Arbres Canada m'envoie des badges, des lettres de remerciement, ils n'ont pas encore compris la blague», confie Didier Morissonneau.

L'an dernier, quand le Cabaret Bio dégradable a bénéficié d'une couverture médiatique plus large en étant intégré à la programmation de Juste pour rire, il y a eu quelques remous. Les organisateurs ont reçu deux mises en demeure d'Andrée Boucher, qui ne voulait pas qu'on lise le récit de son lavement intestinal, ainsi qu'une plainte d'André Montmorency, pas très chaud à l'idée qu'on raconte à haute voix ses exploits sexuels. Finalement, tout cela est tombé à l'eau, quand ils ont fini par comprendre le concept du spectacle, mais aussi parce que, simplement, ces livres sont du domaine public. «Ils ont été édités, publiés, et font partie du patrimoine, explique Katherine Riva. On n'a pas volé le journal intime de quelqu'un! Et, au fond, ce n'est pas méchant, ce qu'on fait.»

«Le geste premier pour publier une autobiographie est en général un geste de grande vanité qui s'accorde mal avec l'humilité de rire de soi-même, note Didier Morissonneau. Souvent, ce n'est pas leur idée, ce sont des commandes, la proposition d'un éditeur qui voulait faire un coup d'argent. La plupart n'ont pas même écrit leurs textes, alors ils ne réclament pas vraiment les droits d'auteurs.»

Aujourd'hui Montréal, demain Paris

Didier Morissonneau et Katherine Riva, qui travaillent tous deux dans le monde du spectacle, ont eu l'idée du Cabaret Bio dégradable en voyant un concept similaire à New York. Ils ont trouvé que le Québec méritait la même chose. Et la France ne paye rien pour attendre: les deux créateurs lisent depuis quelques mois une foule de biographies françaises pour monter un spectacle à Paris. Nos cousins ne sont pas épargnés par la masse de bouquins douteux sur les stars, constatent-ils. «Juste sur Claude François, il y a six biographies, mais aucune écrite par lui, raconte Didier Morissonneau. Sa maîtresse, son autre maîtresse, sa nièce, sa soeur, son fils, et, tenez-vous bien, un médium, qui serait régulièrement en contact avec lui! Il y a des livres d'un ex-champion du Tour de France, d'une ex-Miss France, des animateurs télé, des chanteuses ou des comédiens légèrement sur le déclin, etc.» Didier a même rencontré l'éditeur Michel Lafon, qui publie lui-même beaucoup de biographies, et qui trouve son idée géniale. Assez pour lui avoir donné plusieurs livres, en pointant les meilleurs extraits!

Il en faut des heures et des heures de lecture pour lire des milliers de pages afin de trouver la pépite d'or. «Des centaines de pages pour trouver l'endroit où l'auteur semble oublier que ça va être publié, résume Katherine Riva. Le résultat en vaut la peine, puisque le public en redemande. Même que les concepteurs ont envie de renouveler le Cabaret, mais ce sont les spectateurs qui réclament de conserver leurs vedettes préférées dans le spectacle. «Nous, on se dit que tant que ça va fonctionner, pourquoi ne pas continuer à le faire? Il y a des classiques.»

«Ce sont des auteurs immortels, lance ironiquement Didier Morissonneau. En tout cas, quand ils ont écrit ça, ils cherchaient une forme d'immortalité.»

C'est gagné, avec les artisans du Cabaret Bio dégradable, grâce à qui ces «oeuvres» n'arrivent plus à sombrer dans l'oubli, puisqu'une soirée au Cabaret Bio, c'est inoubliable...

Le Cabaret Bio dégradable, ce soir et demain, à la Cinquième Salle de la Place des Arts, 20h. Billets: 37,62$, au www.hahaha.com