On avait loupé sa Superbe, on n'a pas raté sa Vengeance. En formule quartette, Benjamin Biolay est venu nous faire la démonstration de ses multiples dons de musicien. Et dissiper les doutes les plus persistants sur ses habiletés d'homme de scène.

Performance clairement supérieure à celle de 2008 (au Club Soda), depuis laquelle il ne s'était pas produit à Montréal. Depuis lors, il a entres autres triomphé aux Victoires de la musique pour La Superbe (album par excellence de sa discographie), encadré des chanteuses de renom de chaque côté de l'Atlantique (Vanessa Paradis et Isabelle Boulay), joué un premier rôle dans un film (Pourquoi tu pleures?) dont il a aussi signé la bande originale, sorti l'opus Vengeance en novembre dernier.

Notamment au programme: Sous le lac gelé avec voix virtuelles. Ballade ténébreuse adressée à une Chère inconnue. Spirale d'accords synthétiques pour la superbe Superbe. Laisse aboyer les chiens en synth-pop mâtinée de soul. Aime mon amour en power pop. Dans la merco benz sautillante et guillerette. Ton héritage aux racines profondes de chanson française. Magnifique pont de rock érigé au milieu de Ne regrette rien. Personne dans mon lit, airs de tristesse et d'abandon. Déflagrations d'enfer dans À l'origine, explosive à souhait.

Et ainsi de suite jusqu'aux rappels avec apparition surprise d'Ariane Moffatt aux côtés de Biolay. D'entrée de jeu, on imaginait le couple plutôt mal assorti pour des raisons évidentes mais... la Québécoise s'en est sortie plus qu'indemne. D'abord un duo bien senti de Brandt rhapsodie où elle parvient à remplacer Jeanne Cherhal et camper la femme qui dit à l'homme «j'te désire tout le temps partout». Elle réussit ensuite l'exploit de se glisser dans la peau de Vanessa Paradis pour un second tandem avec le chanteur, une des pièces centrales de son nouvel album: Profite... indeed! Le tout coiffé par une Marlène déconne en mode cold wave et une ultime envolée de Biolay sur scène, chevauchant les Cerfs-volants.

Aux côtés du front man franco, le batteur québécois Justin Allard, le claviériste français Marc Chouarain, le guitariste et bassiste belge Nicolas Fiszman ont fait en sorte que l'énergie meuble pleinement un Métropolis... pas vraiment plein, soit garni aux deux-tiers. Tant pis pour les absents, car le mec sait faire des chansons, les jouer, les habiter, nous faire oublier le faste et la diversité des arrangements réalisés en studio, nous conviant ainsi à un vrai trip de musique vivante.

À une pop lisse pour auditoires bien élevés, il préfère offrir sur scène des versions plus sales de son répertoire. Brouillon? Nenni. Bien sûr, il n'est pas le chanteur du siècle, on en perd parfois l'intelligibilité, mais sa performance donnée mercredi éclipse toutes les représentations de tombeur superficiel et de jetsetter à la gomme.

Devant public, Benjamin Biolay redevient un humain comme vous et moi. Sans habits de gala, sans fioritures, sans frime. Vraie bête de musique, encline à faire d'une chanson une expérience musicale puissante et authentique, bien au-delà de sa structure originelle.

À savoir s'il éclipse la frontière des sensibilités chansonnières entre la France et le Québec, cela est moins sûr; malgré les acclamations d'une forte portion de l'auditoire, l'indice de ferveur n'a pas battu de records ce mercredi. Le plafond du Métropolis n'a pas sauté, la bataille ultime reste à gagner.  Néanmoins... superbe vengeance.