Comme le laissent prévoir ses excellents albums Magic Trix et Black Terry Cat, la chanteuse et multi-instrumentiste Xenia Rubinos peut vous lire l'avenir en direct, vous balancer cet avenir en pleine gueule... jusqu'au knock-out.

Son approche exige un certain entraînement chez les spectateurs. Ceux qui étaient présents à L'Astral hier en ont fait l'expérience. Il faut faire preuve de curiosité, ne pas craindre de se faire brasser la cage. Il faut être prêt à s'éjecter des codes habituels du funk, de l'électro, du hip-hop, de l'avant-rock, du punk rock ou du jazz.

S'ils acceptent de lâcher prise, ils découvrent alors une chanteuse américaine hors catégories, hors pistes. Xenia Rubinos est une vraie bombe d'énergie, parfaitement à l'aise dans son corps, doublée d'une compositrice capable de créer et d'imposer son propre langage.

Cette musicienne et son groupe s'inscrivent dans une lignée anglo-américaine de groove bands corrosifs et avant-gardistes selon l'époque de leur émergence ; on pense entre autres à Fishbone, Tupelo Chain Sex, 24-7 Spyz, le Red Hot Chili Peppers des débuts, Primus, Outkast, tUnE-yArDs, Hiatus Kaiyote, enfin ces groupes puissants, plus funk que rock, alliant rugosité, virtuosité, hybridations stylistiques et envergure intellectuelle.

Magnétique sur scène, Xenia Rubinos ne cesse de danser en chantant, ne cesse de haranguer et provoquer son public sans vulgarité aucune. Brillante conceptrice, cette redoutable féline exploite singulièrement l'instrumentation dont elle dispose : variété de synthétiseurs, basse, guitare, batterie. Deux excellents musiciens l'accompagnent (Marco Buccelli et Jackson Hill), elle-même contribue aux claviers et à la basse, mais s'impose essentiellement au chant.

Interprété par un groupe cohésif, très solide, le matériel de Xenia Rubinos est rempli de surprises, mesures composées, beats pesamment exécutés, irruptions de claviers, cordes saturées, cordes corrosives. Voilà l'indépendance du corps, voilà l'indépendance de l'esprit.