Studebaker John, qui en a vu d'autres, a travaillé fort pour faire lever le «parterre» de ce qui s'appelle toujours, à l'angle de Saint-Urbain et De Maisonneuve, le parc Fred-Barry. En power trio avec ses Hawks, le guitariste, chanteur et harmoniciste a joué de puissance avec son bottleneck, fait des blagues et lancé des injonctions - «Faites du bruit!».

Rien n'y fit. À part quelques marmots qui couraient dans la fumée de glace carbonique sortant du trottoir, la place est restée stoïquement attentive. «Aimez-vous le blues?» Ouais... Surtout quand il fait chaud et que reste vif le contraste avec la petite froide qui porte cette année le nom de Heineken. Mais faut dire qu'il était de bonne heure...

Assez pour se rendre compte que, de chaque côté mais en avant de la scène Loto-Québec, quelqu'un avait eu l'idée de monter des grands pans de tissu bleu: aux couleurs de Loto-Québec d'un bord et du Festival de jazz de l'autre. Pour cacher les chaînes et les enceintes acoustiques qu'elles retiennent dans les airs. Le problème, c'est que les choses en question cachent aussi les musiciens aux spectateurs qui ne sont pas placés directement devant la scène.

Rien qui peut être retenu contre Loto-Québec qui met par ailleurs 1% de ses bénéfices nets - 14 millions sur 1,4 milliard de dollars - à la commandite de quelque 130 événements culturels. Reste que «l'inspecteur» a manqué celle-là: la scène devrait «appartenir» d'abord aux artistes.

Plus tôt, à 18h, la pianiste et chanteuse ontarienne Laila Biali avait livré en trio un très agréable concert sur la grande scène de la place des Festivals, reprenant des succès de Daniel Lanois, Elton John et Billy Joel dans une forme résolument moderne et appréciée de la foule attentive.

Vers Sainte-Catherine, l'échassière Dahlia, cheveux rouges et deux paires de bras, s'avère la personnalité la plus photogénique de ce 32e Festival de jazz, le quatrième de l'ère de la Gougoune où l'Homme continue de chercher sa place dans le cosmos, jazzistique ou autre. Un spécimen d'homo festivalis arbore un t-shirt qui dit: «Fear is only in our minds».

Dans le «parc des Festivals», à l'extrémité nord-ouest de l'emplacement du festival, l'Alex Goodman Quartet - avec guitare et saxophone - livre pour sa part un concert 100% jazz d'une haute tenue musicale. Les spectateurs, debout dans la poussière de pierre ou assis au Bistro SAQ - «Notre meilleur emplacement en 17 ans», affirme le superviseur Jean-François Demers -, applaudissent les solos comme le font les aficionados au Gesù. Le saxophoniste, apprend-on, «joue malade» et le batteur s'appelle Max Roach... «Pas de blague.»

Côté est du Bistro, des spectateurs ont déjà pris les meilleures places, 45 minutes avant le spectacle d'Ima sur la (trop) grande scène de la place des Festivals. Quelques secondes après 21h, la blonde chanteuse, tout sourire, a livré la pire interprétation qu'il nous a été donné d'entendre de la grande chanson At Last (Ella, Etta, etc.). Mais faut dire qu'on ne les a pas toutes entendues...