De passage à Coup de coeur francophone, non seulement Saule ira défendre une dernière fois le spectacle Géant, mais l'auteur-compositeur belge viendra aussi cueillir le prix Rapsat-Lelièvre, qui récompense en alternance un artiste de Wallonie-Bruxelles et un artiste du Québec.

«C'est vraiment un honneur. Je dis souvent que le seul prix que j'ai gagné étant jeune, c'est au 25 mètres nage libre», rigole Baptiste Lalieu - son vrai nom - au bout du fil, joint à sa résidence de Bruxelles.

C'est donc à Montréal que le rideau tombera, le 14 novembre, sur la série de quelque 150 concerts construits autour d'un troisième album remarqué, paru en 2012.

«Ça fait cinq ou six fois que je viens au Québec et je trouve qu'il y a une grande connexion entre les Belges et les Québécois, peut-être à cause de la double culture, mais aussi dans cette capacité d'autodérision et ce sens de l'accueil», raconte-t-il.

Le lieu semble d'autant plus cohérent que la musique de Saule, comme la métropole, a évolué au confluent des cultures française et anglo-saxonne. Il admire en outre une jeune génération de chanteurs décomplexés du Québec qui épousent la mixité musicale, citant au passage Malajube, Pierre Lapointe, Peter Peter, Louis-Jean Cormier et Ariane Moffatt.

«Chaque fois que je viens au Québec, je repars avec des sacs remplis de disques, dit-il. Je fais toujours de belles découvertes.»

Concilation

Pour Saule, la conciliation entre pop-rock anglais et tradition chansonnière a trouvé un nouveau souffle grâce au succès planétaire Dusty Men, un duo bilingue révélé en 2013 et interprété en compagnie du chanteur britannique Charlie Winston, qui a aussi réalisé Géant.

«Au départ, je me suis simplement amusé un peu par hasard à faire une chanson dans le style de Black Keys, et en m'inspirant de l'empreinte musicale de Like a Hobo, de Charlie, se souvient-il. J'ai imaginé cette histoire entre deux artistes has been. Je lui ai envoyé un démo où j'imitais sa voix en anglais, et ça lui a plu.»

Le titre, qui s'est hissé au sommet de plusieurs palmarès européens, lui a ouvert grand les portes de pays jusqu'alors étrangers à son oeuvre: le Royaume-Uni, la Suisse ou encore l'Italie, énumère-t-il.

Une popularité qui ne se compare pas à celle de son compatriote Stromae, mais qui lui assure des salles bien remplies lorsqu'il est en tête d'affiche. Plus besoin du pouvoir d'attraction de Bénabar, qu'il a souvent précédé en concert, ou de la compagnie de ses Pleureurs, musiciens qui l'accompagnaient naguère, pour faire mouvoir les foules.

Bébitte belge

Son public québécois s'est aussi élargi, charmé par des chansons rigolotes et satiriques comme Chanteur bio et Type normal.

«J'ai des kilos en trop et des poils disgracieux, j'suis pas beau, j'suis pas laid, j'suis juste entre les deux, j'suis un type normal», chante-t-il dans cette célébration de l'Homo ordinarius.

Le gaillard, avec sa charpente de près de deux mètres, ne passe pourtant pas inaperçu. Sur scène, sa formation de comédien lui permet d'autant plus de mettre son corps et ses mimiques au service de ses pièces. «C'est peut-être plus facile pour moi d'incarner les chansons, explique-t-il. Sans tomber dans le sketch, j'essaie de créer un émerveillement, une communion avec le public.»

La bébitte belge compare ses concerts à des jeux de société qui peuvent plaire à des mélomanes de 7 à 77 ans. «Faire des chansons qui touchent n'importe qui, c'est en quelque sorte la marque de fabrique de Saule.»

Deux projets d'envergure

La fin de la tournée de Géant ne sonnera pas l'heure des vacances pour autant. Non seulement Saule planche tranquillement sur un quatrième album, mais aussi, il prépare deux spectacles musicaux d'envergure.

Le metteur en scène italien Franco Dragone fera confiance à la plume du Belge de 37 ans pour une nouvelle revue permanente qui sera présentée au Lido, à Paris, à partir de 2015.

Par ailleurs, Baptiste Lalieu crée en ce moment un conte musical pour le superévénement culturel Mons 2015, alors que la ville belge sera désignée Capitale européenne. Au menu: une production ambitieuse, «pharaonique», où l'univers de Tim Burton croisera celui de Gorillaz. «Il y a tellement de contes pour enfants à trois neurones. Les libellules font des bulles sur mon pull. Je n'en peux plus!», lance Saule en riant.

Que ce soit dans des mondes de Géant ou de tout-petits, le chanteur belge fait en sorte que la grandeur se mesure en mots et en musique plutôt qu'en mètres.

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En spectacle le 14 novembre à L'Astral, dans le cadre de Coup de coeur francophone.