Présenté dans des conditions acoustiques on ne peut plus optimales, le festival Akousma XV démarre aujourd'hui et se conclut samedi: six programmes des plus nourrissants pour les amateurs les plus pointus des approches électroniques et électroacoustiques.

Francis Dhomont

Ce soir, 20 h, au Gesù

Cet incontournable de l'électroacroustique cultive encore aujourd'hui un intérêt fervent pour une écriture dite «morphologique» et aussi pour ses observations créatrices des «ambiguïtés» entre le son et l'image. Entre le Québec et la France, Francis Dhomont a cumulé les honneurs sa vie durant: Grand Prix Mega-Hertz 2013-Allemagne; docteur honoris causa de l'Université de Montréal; prix SACEM 2007 de la meilleure création contemporaine électroacoustique; prix Lynch-Staunton du Conseil des arts du Canada; 1er prix (1981) et prix «Magisterium» (1988) au Concours international de musique électroacoustique de Bourges (France), prix Ars Electronica 1992 (Autriche). De 1978 a 2004, il a partagé ses activités entre la France et le Québec, où il a enseigné à l'Université de Montréal de 1980 à 1996. Le nonagénaire vit aujourd'hui à Avignon, compose toujours et étoffe sa réflexion théorique. En feriez-vous autant à 92 ans? Au programme de demain, plusieurs oeuvres en création nord-américaine.

La lucarne des rêves

Demain, 20 h, au Conservatoire de musique de Montréal

Voilà un film immersif conçu par la Française Cendrine Robelin, avec le concert de Martin Gracineau (son) et de Claude Mercier (montage). Voilà une oeuvre cinématographique autour de la musique concrète, au sein de laquelle l'approche des compositeurs Bernard Parmegiani et Lionel Marchetti est respectueusement évoquée. «Je rêve d'un film avec le pouvoir de transformer notre perception des bruits du monde et de nous inviter à en faire de la musique. Ces bruits du monde nous entourent et nous façonnent sans que l'on y prête attention. C'est la rumeur de la ville, l'éveil des oiseaux, un moteur en action, des voix, des bruits de machines, des instruments», indique Cendrine Robelin, question de piquer notre curiosité et de nous convier à cette soirée où elle présente également Bain de gong, d'une durée de sept minutes.

Dome + Sinus + Fiction

Mercredi, 20 h, à la Satosphère de la SAT

Dans le contexte d'Akousma, la Satosphère de la Société des arts technologiques (SAT) accueille mercredi trois oeuvres immersives sous la bannière Dome + Sinus + Fiction. Un «ensemble d'oscillateurs» réunit d'abord un florilège d'électroacousticiens québécois, suivi de Out of Joint, «essai d'hybridation sonore autour du Macbeth de Shakespeare», imaginé par la compositrice québécoise Monique Jean. Le programme se conclut par le travail du compositeur français Franck Vigroux, intégration singulière de musique contemporaine et de bruitisme, mais aussi de théâtre, de danse et de vidéo. Alternativement guitariste, platiniste, électroacousticien, producteur électro, improvisateur, compositeur, il a travaillé notamment avec des musiciens iconoclastes de réputation internationale tels Mika Vainio (Pan Sonic), Reinhold Friedl, Elliott Sharp, Joey Baron, Zeena Parkins, Ars Nova ensemble instrumental.

Complex + Nature

Jeudi, 20 h, à l'Usine C

Andrea Gozzi et Francesco Casciaro présentent Dot Plot, dialogue improvisé via le PrintStrument, sorte de synthétiseur polyphonique électromécanique conçu à partir d'une imprimante matricielle. De la compositrice d'origine mexicaine Nashim Gargari, on aura droit à Ensifera Ventum et Glaciar and Blue Whale, quête d'unité avec la science, les arts visuels et l'environnement. La compositrice canadienne Rose Bolton présentera ensuite The Blinding, évocation sonore du fonctionnement de la mémoire. S'ensuit Live Somewhere du Québécois Philippe Vandal, qui travaille ici sur nos problèmes de perception induits par la saturation d'informations. Le numéro suivant s'intitule Spiel; la performeuse Nien Tzu Weng exploitera le concept «pour bouche préparée» de Michael Montanaro et de Tatev Yesayan. Après quoi le compositeur québécois George Forget offrira Eurosignal, inspiré d'un ancien système de radiomessagerie (téléavertisseur, pager). La soirée se conclut par Les Hexacordes bien synthétisés, micro-pièces explorant les 35 hexacordes de la «pitch class set theory» d'Allen Forte.

photo fournie par le festival

La SAT accueille mercredi trois oeuvres immersives sous la bannière Dome + Sinus + Fiction.

Chaos + Emergent

Vendredi, 20 h, à l'Usine C

La soirée Chaos + Emergent réunira d'abord les Italiens Francesco Canavese et Francesco Giomi, qui exécuteront The SDENG Project, exploration des relations entre le live electronic et l'improvisation. La pièce Thunderdrone, des Espagnols Diego de León et Manu Retamero, témoignera de leur expertise en conception de synthétiseurs et de l'influence qu'ils exercent sur le genre glitch-ambient ou même la techno. Par la suite, la Québécoise Myriam Bleau nous offrira un de ses systèmes audiovisuels dont elle a le secret... quelque part entre l'installation et la performance musicale intégrant l'électroacoustique, la techno, la pop ou le hip-hop. Myriam Bleau sera suivie de l'Allemand Markus Mehr, dont l'oeuvre Liquid Empires résulte de subtils traitements d'enregistrements sous-marins... glou glou! Ce programme sera coiffé de Giant Claw, oeuvre singulière de l'artiste audiovisuel américain Keith Rankin.

Viva l'Italia!

Samedi, 20 h, à l'Usine C

À l'évidence, la présence italienne domine le 15e festival Akousma, le programme de clôture en fera l'éloquente démonstration. D'abord au menu sera diffusée la pièce Valence du Montréalais Ilyaa Ghafouri, un diplômé du Conservatoire de musique de Montréal, sous la tutelle de Louis Dufort, en l'occurrence le directeur artistique d'Akousma. Ensuite, les compositeurs italiens uniront leurs forces: Francesco Casciaro, Francesco Canavese, Francesco Giomi et Andrea Gozzi diffuseront un florilège d'oeuvres les ayant marqués; To Down de Gabriele Marangoni pour quatre performeurs; Chants parallèles du brillantissime Luciano Berio; Microclima II de Marco Dibeltulu, imprégnée de musiques traditionnelles de Sardaigne; Scabro de Francesco Giomi, de facture «rugueuse, rustre, rude et impolie»; Otkaz, Simonluca Laitempergher, fondée sur le principe d'oktaz, point précis où un mouvement s'arrête et un autre s'amorce.

Pour de plus amples infos: http://www.akousma.ca/fr/festival/festival-akousma/akousma-xv/

photo fournie par le festival

Keith Rankin