Ombres et lumières. Superbe voix de contralto, fréquences industrielles. Aridité texturale, volupté mélodique. Zola Jesus s'inscrit au croisement de lignées apparemment distinctes... et les tricote à sa manière. En témoignent quatre EP, cinq albums studio... et ce soir, un concert présenté dans le contexte de Pop Montréal.

Nicole Rose Hummel, 29 ans, est née en Arizona, mais a grandi dans le Nord états-unien, soit au Wisconsin. Elle y a mené des études de langues, de philosophie et d'affaires à l'Université du Wisconsin à Madison, mais la musique l'a clairement emporté.

Ses antécédents russes, allemands, slovènes, ukrainiens l'ont menée à transformer nom et prénoms: elle aime se faire appeler Nika Roza Danilova. Idem pour la musique: même si sa famille est aux États-Unis depuis quelques générations, son âme slave porte une sensibilité accrue pour le folklore est-européen, le postminimalisme, mais aussi le post-punk, le goth rock, le rock industriel, le bruitisme.

Jointe quelque part au Wisconsin, elle est courtoise et d'excellente humeur. «Ici, c'est magnifique! amorce-t-elle. Je vis dans la forêt, en pleine nature, je suis proche de ma famille et de très bons amis. Très inspirant pour la musique! Oui, je sais que cette nature ressemble à la vôtre, car je viens régulièrement à Montréal - j'y ai rencontré quelqu'un.»

Catharsis

Nika n'a pas toujours eu cette forme resplendissante, il faut dire; après avoir enregistré une bonne part de l'excellent album Okovi, lancé en septembre 2017, Nika a combattu des états sérieux de dépression et d'anxiété.

Elle est alors rentrée dans le Midwest, là où elle a grandi, pour retrouver la paix intérieure. Avec son compagnon d'armes, Alex DeGroot, elle s'est encabanée quelque part au Minnesota, l'État voisin du sien, question de renverser la vapeur à travers d'intenses séances de pratique musicale.

«Plus que jamais dans ma vie, la musique a été pour moi une véritable catharsis. J'ai vraiment réalisé qu'elle me permet de mieux comprendre le monde autour de moi et de m'en échapper lorsqu'il devient insupportable.»

Nika s'est finalement autorisée à réunir et à rendre publiques les chansons d'Okovi, qui apparaît dans moult sélections des meilleurs albums sortis en 2017.

«Malgré tout ce que j'ai vécu, j'estime que la meilleure période créative depuis mes débuts professionnels est probablement celle autour de cet album. Je maîtrise tous les aspects de mon métier, je peux mieux communiquer, je suis devenue plus sage pour deviner rapidement ce qui fonctionne et ce qui ne va pas.»

Références et racines

Sa voix grave n'est pas sans rappeler celles de Siouxsie Sioux, de Diamanda Galás ou même de Chelsea Wolfe. On note sa propension pour la dark wave, le rock industriel ou le post-punk - on pense à Throbbing Gristle, Skinny Puppy, Test Department, Joy Division, Einstürzende Neubauten, The Young Gods, Nine Inch Nails, Swans, etc. Par ailleurs, son goût marqué pour les mélodies et harmonisations classiques peut évoquer les compositeurs Arvo Pärt ou Henryk Górecki. Sa capacité à adoucir ou simplifier ces influences peut être indirectement comparée à la démarche de Dead Can Dance.

On s'en doute bien, la principale intéressée n'a que faire de ces rapprochements.

«Franchement, je ne sais pas d'où proviennent les sons qui me viennent à l'esprit. De manière générale, bien sûr, j'aime la musique classique, le folklore d'Europe de l'Est, le punk, le post-punk, la pop, la soul... tout finit par s'assembler.»

«Je sais aussi que mes racines est-européennes sont très importantes, particulièrement dans mon dernier album», ajoute-t-elle.

Elle croit aussi à la distinction entre son travail de studio et le concert. «En studio, je peux miser sur la superposition de plusieurs sources d'enregistrement, ce qui est impossible à recréer sur scène. Malheureusement, ce n'est pas viable économiquement. Je dois donc m'adapter à la scène. C'est un défi, c'est beaucoup de plaisir aussi.»

Dans cette optique, elle souhaite une grande liberté pour ses interprètes. «Je tourne avec des gens très talentueux, je cherche à donner une vraie performance à leurs côtés. Pour ce faire, je cherche une interaction maximale avec mes collègues - Alex DeGroot, guitare, Michelle Woodward, violon, etc. Oui, nous sommes en mesure de prendre des risques sur scène et de transformer notre musique en temps réel.»

À moyen terme, Nika voit encore plus grand. «Je souhaite rompre un tant soit peu avec le cycle album-tournée, et ainsi composer des oeuvres plus considérables. Un opéra, par exemple, me permettrait de me produire dans des conditions acoustiques optimales. Autrement, je veux continuer à m'améliorer dans ce que je fais actuellement, tant sur le plan de la création que de l'exécution.»

De l'ombre à la lumière...

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Au Rialto, ce soir, à 22 h 30.

Image fournie par Pop Montréal

Okovi, de Zola Jesus