Le centre d’art 1700 La Poste présente Traversée, une exposition de 151 photographies de Raymonde April. Des années 1970 à aujourd’hui, l’artiste québécoise pose un regard attachant sur son quotidien. Sa famille, ses amis, ses voyages, ses paysages. Un vocabulaire de l’image entre la vie et l’art.

L’expo porte bien son nom. Traversée. Une traversée de Raymonde April dans le temps et dans l’espace. Entre sa jeunesse, ses études, son émergence artistique dans les années 1970 et ses voyages en Inde. Mais aussi une traversée entre soi et l’autre, ou encore en soi-même. Invitée par la fondatrice du 1700 La Poste, Isabelle de Mévius, April a choisi les œuvres qu’elle désirait montrer. Surtout des clichés jamais exposés, voire jamais développés. Une sélection qui traduit l’essence de son expression photographique, avec des portraits, des autoportraits, des scènes de sa vie.

Raymonde April a toujours écarté l’obscurité, le conceptuel. Elle aime que ses photographies soient reconnaissables et « denses comme des objets artistiques ». Avec un côté discret qui n’empêche pas sa volubilité, elle a protégé une partie d’elle-même derrière ses lentilles sans que ce léger effacement nuise au discours. Ses photographies communiquent, dialoguent. Elles dépeignent des lieux, des activités. Elles ciblent la vie, son bouillonnement, sa substance, son énergie. Ses images sont une performance d’être au monde.

La photographe se sent très proche de la façon dont son père (mort en 2001) prenait des photos. Elle ressemble aussi à sa mère (disparue en 2020), dont elle a acquis la soif d’indépendance. Ses clichés en noir et blanc des années 1970 rappellent l’époque de liberté, d’espoirs et d’insouciance. D’énergie créative aussi, avec, par exemple, l’ouverture du centre d’artistes de la Chambre blanche, à Québec, qu’elle a cofondé en 1978. Des images redécouvertes par la photographe avec beaucoup de bonheur.

PHOTO VELIBOR BOŽOVIĆ, FOURNIE PAR LE 1700 LA POSTE

Raymonde April en 2014

« Ces photographies restent encore très fraîches, car je ne les avais jamais revues, dit-elle. Elles ne sont pas fanées. Certaines personnes ont disparu, mais celles qui sont encore vivantes, on les voit vieillir. Comme moi-même, à travers les autoportraits. »

Ces images ne me rendent pas nostalgique ou triste, mais heureuse, car c’est comme si on revivait ces moments où l’on était si remplis de vie et d’énergie.

Raymonde April

Ses images du passé sont teintées de douceur, de sensibilité. Deux amis assis sur un canapé, dans leur flamboyante jeunesse. Un jeune assoupi au volant d’une auto. Moment de repos de sa sœur Claire avec sa fille Ingrid, sur le tapis du salon, en 1989. Ou encore le galeriste René Blouin et sa moustache hollywoodienne en 1986 ! Et puis cet Autoportrait aux rochers, à Saint-Roch-des-Aulnaies, en 1988, où la photographe (et alors professeure à Concordia) est couchée, comme enveloppée par l’affleurement rocheux.

  • Vue de la section des photographies des années 1970

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Vue de la section des photographies des années 1970

  • Jam session, École des arts visuels, Québec, 1974

    PHOTO RAYMONDE APRIL, FOURNIE PAR LE 1700 LA POSTE

    Jam session, École des arts visuels, Québec, 1974

  • Pique-nique, île d’Orléans, 1978

    PHOTO RAYMONDE APRIL

    Pique-nique, île d’Orléans, 1978

  • Autoportrait au rideau, 1991-2005

    PHOTO RAYMONDE APRIL

    Autoportrait au rideau, 1991-2005

  • Sans titre, 18 février 2013

    PHOTO RAYMONDE APRIL

    Sans titre, 18 février 2013

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Regard sur l’Inde

La série de 11 grandes photos prises lors de ses voyages en Inde donne envie de prendre le même chemin. Des images de rencontres qui donnent le pouls de ce pays fascinant. La photographie Chiens, Bandra, Mumbai, de 2014, prise sur un rivage du quartier Bandra, semble irréelle. Comme si Raymonde April avait placé par Photoshop les oiseaux, les chiens et les personnes sur cette plage parsemée de rochers. Mais c’est la vie, grouillante et foisonnante, en Inde.

  • Chien, Bandra, Mumbai, 2014

    PHOTO RAYMONDE APRIL, FOURNIE PAR LE 1700 LA POSTE

    Chien, Bandra, Mumbai, 2014

  • Miroir, 3 février 2019

    PHOTO RAYMONDE APRIL

    Miroir, 3 février 2019

  • Sur la mezzanine, Raymonde April a fait accrocher 11 grandes photographies prises en Inde.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Sur la mezzanine, Raymonde April a fait accrocher 11 grandes photographies prises en Inde.

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Ses images sont des tableaux. À regarder de près. Ou à méditer, comme Brasier, Mazgaon, 22 janvier 2013, une série de 22 impressions sur Tyvek à découvrir dans le coffre-fort du 1700 La Poste. Une Indienne met le feu à des déchets contaminants. « Un mélange de beauté et de danger », dit l’artiste de 69 ans.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Raymonde April en compagnie d’Isabelle de Mévius

L’expo comprend également un film de 38 minutes de Bruno Boulianne, qui a capté quelques rencontres de Raymonde April avec des amis précieux, notamment Charles Guilbert et Serge Murphy. Avec des conversations sur son style photographique, leurs souvenirs communs. Un catalogue impressionnant a aussi été produit par Isabelle de Mévius pour l’occasion. Quelque 180 pages de photographies accompagnées de textes de fiction sur ce « personnage » qu’est Raymonde April. Une approche lyrique qui croise la poésie de cette photographe à nulle autre pareille dans son rapport aux autres et sa quête de frissons.

Jusqu’au 18 décembre 2022

Consultez la page de Raymonde April sur le site du 1700 La Poste