(Québec) C’est là qu’il a peint l’une de ses plus grandes œuvres, baigné par la lumière insulaire et, au loin, le paysage dentelé de montagnes de Charlevoix. C’est aussi là qu’il s’est éteint en 2002.

Jean Paul Riopelle a vécu une belle histoire avec L’Isle-aux-Grues. Et voilà que son ancienne compagne a présenté vendredi un ambitieux projet de « musée-atelier Riopelle », qui vise justement à raconter cette histoire d’amour entre l’artiste et l’archipel.

Le musée d’environ 3000 pieds carrés a été conçu par l’architecte Pierre Thibault. Si le budget de 4,3 millions arrive à être bouclé, le musée présentera dès l’été 2024 des œuvres de la collection personnelle d’Huguette Vachon et des artéfacts qui seront racontés par Robert Lepage grâce à la réalité augmentée.

« On va retrouver cette lumière-là, celle dans laquelle il a créé, et présenter des tableaux qui ont été faits la même année que L’hommage à Rosa Luxemburg, dont L’île heureuse et d’autres tableaux », explique Mme Vachon, qui a partagé la vie du peintre pendant ses 15 dernières années.

« Du lieu envisagé, on voit Baie-Saint-Paul, de Cap-Tourmente jusqu’à Petite-Rivière-Saint-François. C’est superbe. C’est son lieu d’inspiration », dit-elle.

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Huguette Vachon et l’architecte Pierre Thibault

À l’heure actuelle, les visiteurs qui débarquent sur l’archipel au large de Montmagny ont du mal à retrouver les traces du peintre. Son ancien atelier se trouve à L’Île-aux-Oies, inaccessible au public. Il a d’ailleurs été repris par le peintre Marc Séguin.

C’est dans ce petit atelier que Riopelle a peint son Hommage à Rosa Luxemburg. Mme Vachon, elle, vit toujours dans le manoir MacPherson, où le peintre a vécu de 1995 jusqu’à sa mort, sept ans plus tard.

Dans un paysage de carte postale

Depuis des années, elle avait donc le projet d’un petit musée dans l’île de 125 habitants à la mémoire de son conjoint. Quand une « jolie petite maison un peu délabrée » a été mise en vente l’été dernier, elle a sauté sur l’occasion. La maison venait avec un terrain parfait pour un petit musée.

La Fondation Riopelle-Vachon mène le projet. Elle a confié à Pierre Thibault le soin de concevoir ce qui se veut un « musée-atelier ».

L’architecte y a vu un joli coup du sort. Il y a des années, il avait visité l’île de Naoshima, au Japon, un écrin rempli de musées et de galeries d’art. Il s’était dit : « On a tout pour avoir ça au Québec. »

« Mais L’Isle-aux-Grues, c’est encore mieux que le Japon. Le paysage est absolument grandiose », a-t-il dit vendredi lors de la conférence de presse pour dévoiler le projet.

  • Le futur musée-atelier Riopelle

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR L’ATELIER PIERRE THIBAULT

    Le futur musée-atelier Riopelle

  • Salle d’exposition du futur musée

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR L’ATELIER PIERRE THIBAULT

    Salle d’exposition du futur musée

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L’architecte a conçu un lieu aéré, qui fait la part belle à la lumière et au paysage. Il a voulu reprendre « des formes archétypales, les bardeaux, les grandes vérandas pour s’asseoir ».

« Il y a un condensé du territoire, de ce que nous sommes, dans son œuvre », estime Pierre Thibault.

L’endroit servirait de musée durant la haute saison, puis de lieu de rassemblement pour les habitants l’hiver. Le maire appuie le projet.

« Ça va amener une nouvelle sorte de tourisme à l’île. C’est un très beau projet. La municipalité embarque à 100 milles à l’heure », indique Pierre Gariépy, maire de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues.

En compétition avec le MNBAQ ?

Les projets autour de Riopelle, l’un des plus grands artistes québécois et canadiens, sont légion à la veille du centenaire de sa naissance, le 3 octobre 1923.

Le Musée des beaux-arts de Montréal avait considéré, puis finalement écarté, la construction d’une aile dédiée au peintre. Dans la capitale, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) veut entamer en 2023 la construction de l’Espace Riopelle, un pavillon qui lui sera entièrement dédié.

L’ancienne conjointe du peintre ne pense pas que son projet entre en concurrence avec celui du MNBAQ.

« Non, ça n’a rien à voir », dit-elle. Le musée de l’île sera « intime », très axé sur la relation que l’artiste entretenait avec l’archipel.

« Ça va être mes œuvres au départ. Après, on va agrandir la collection, mais on est déjà capable, avec mes œuvres, de soutenir un bel espace pendant des années », dit-elle.

Le musée sera construit si le budget peut être bouclé, grâce à l’aide de mécènes, du public ou du gouvernement. La femme du premier ministre du Québec, Isabelle Brais, assistait par ailleurs à la présentation vendredi.

« Ça ne veut pas dire que parce que c’est Riopelle, que l’argent va rentrer comme ça », indique l’ancien ami du peintre André Michel, qui aide la Fondation avec ce projet. « Il va falloir travailler. »