Le 14e festival Art souterrain débutera samedi à Montréal, pour trois mois d’exposition. Explorant le thème « Voies-Voix résilientes », l’évènement d’art contemporain présentera, jusqu’au 30 juin, les œuvres d’une quarantaine d’artistes qui ont travaillé sur le sujet de la résilience, mais aussi sur la mémoire et la justice sociale.
Un festival d’art contemporain qui revient chaque année avec un nouveau thème doit, autant que possible, parvenir à intéresser de nouveau les amateurs d’art. Ce défi permanent d’Art souterrain depuis 2009, ses organisateurs parviennent, une fois de plus cette année, à le relever avec brio, avec des œuvres marquantes dispersées dans les couloirs et les espaces souterrains du centre-ville.
Les Montréalais sont d’autant plus chanceux cette année que l’évènement, pour la première fois, durera trois mois. Trois mois pour parcourir 6 km d’une exposition d’artistes d’ici et d’ailleurs, certains connus, d’autres moins, mais dont on comprend pourquoi ils ont été retenus quand on constate la pertinence de leur travail.
Les visiteurs pourront apprécier des œuvres de Nadia Myre, David Garneau, MeyerMétivier DesignHaus, Maria Ezcurra, Marcella França, Shantal Miller, Charles Campbell, Catherine Blackburn, Kassandra Reynolds, Jean-François Boclé ou encore Richard-Viktor Sainsily Cayol. Une diversité favorisée par les commissaires de l’évènement, soit l’artiste d’origine antillaise Eddy Firmin et les commissaires d’Intervals, Caroline Douville, Maria Ezcurra, Miwa Kojima, Romeo Gongora et Dominique Fontaine.
Intervals – qui a pour mission de favoriser l’expression d’artistes de tous les horizons – a intitulé sa contribution Des récits de pluralité, pour montrer plusieurs points de vue sur le thème de la résilience.
Ce thème a ainsi conduit My-Van Dam à créer We Are All Essential, une installation qui rassemble des témoignages de personnes endeuillées par la COVID-19 ou affectées par la pandémie. Des témoignages sous la forme de mots accrochés au bout d’un fil. L’installation lumineuse et délicate, qui se trouve près du bassin du Centre de commerce mondial de Montréal, est évolutive. Chaque visiteur peut ajouter son propre message.
Autre installation d’intérêt communautaire, Mode de survie, du collectif MeyerMétivier DesignHaus, est constituée de vêtements et d’accessoires (sacs à dos, mobilier) liés à la réalité des citoyens qui vivent tels des nomades dans les espaces urbains. Des vêtements et des accessoires créés à partir de toiles de plastique dont les motifs sont faits d’images des pubs placardées sur les chantiers d’immeubles de condos. Une façon humaniste et militante de mettre le doigt sur la disparité sociale à Montréal.
Œuvre fort intéressante aussi que How Can We Dance While the Earth Is Burning ? de l’artiste montréalaise d’origine brésilienne Marcella França. Une vidéo sur le réchauffement climatique, la fonte des pôles et l’accroissement des incendies de forêt sur la planète, notamment en Amazonie. Cette boule de glace qui fond entre trois doigts fait froid dans le dos.
Parmi les œuvres à caractère social, la sculpture Marronscape 4 : Accompong Now, installée dans la Tour de la Bourse. Un bel exemple de matérialisation d’une idée. L’arbre de 20 pieds évoque des artères pulmonaires (en référence au « I can’t breathe » prononcé par George Floyd quand il a été tué par un policier en mai 2020 à Minneapolis), mais aussi le collier antifuite destiné aux esclaves des Caraïbes au XIXe siècle.
Sophie Aubry signe un magnifique corpus sur les conditions de vie des personnes se déplaçant en fauteuil roulant. Montrant qu’il y a encore beaucoup à faire pour leur faciliter la vie. Même chose avec Kassandra Reynolds et son reportage photographique Assez d’espace à l’intérieur, réalisé en septembre 2020 au cœur du campement des sans-abri de la rue Notre-Dame Est, à Montréal. Des photos brillantes d’humanité.
Dans Tout doit disparaître !, Jean-François Boclé utilise des sacs plastiques bleus pour parler de la déportation maritime des Africains en Amérique, de leur marchandisation, du consumérisme actuel et de la pollution des océans, espaces aussi peu protégés que ceux qui y engagent leurs espoirs de liberté et de survie.
Dans la même veine, Richard-Viktor Sainsily Cayol expose une sculpture fort narrative avec ses fûts de bois parsemés de pointes en laiton qui racontent la traite des esclaves noirs et sa violence inouïe. Une réflexion historique sur l’exploitation ignoble d’êtres humains, mais aussi actuelle quant aux conséquences de nos choix de consommation sur les conditions de vie des personnes qui créent, fabriquent ou emballent les produits qu’on achète.
Voilà un Art souterrain bien consistant cette année. Un bon cru qui enrichit nos connaissances sur les réalités, proches et lointaines, grâce à des cartels détaillés, disposés près des œuvres. Le site d’Art souterrain indique où sont les œuvres et propose des visites guidées. Ne les manquez pas, car les explications enrichissent l’expérience de ce festival ancré dans les défis auxquels nous faisons face aujourd’hui : l’équité, la mémoire, l’éducation et le partage.
Quelques autres œuvres exposées