Dans toute l’Ukraine, employés et administrateurs des musées tentent de mettre leurs trésors à l’abri des bombes russes. La Presse a joint Olha Honchar, directrice du musée Territory of Terror, à Lviv.

« Aujourd’hui, ça va bien et ça ne va pas bien, dit Ohla Honchar, directrice générale du musée Territoire de la Terreur de Lviv. Nous avons eu plusieurs alertes d’attaques aériennes. Et les nouvelles que nous recevons du reste de l’Ukraine sont terribles. »

Au bout du fil, Olha Honchar essaie de rester joyeuse. Mais son rire est nerveux. La trentaine de membres de son institution travaillent dans l’urgence pour protéger les joyaux, objets et archives de leur musée. Jusqu’à maintenant, les attaques russes sur Lviv, grande ville de l’ouest du pays, ont été limitées. Mais tout peut changer très vite.

« Dans les villes qui n’ont pas encore fait l’objet des attaques russes, nous emballons les expositions, nous les cachons, nous essayons de numériser tout ce que nous pouvons, poursuit-elle. Nous coopérons aussi avec des fondations étrangères qui nous aident dans nos démarches. On travaille sans arrêt pour sauver nos musées. »

On comprend que la situation est encore plus préoccupante dans les villes de l’est du pays prises sous le feu de l’envahisseur.

« Là-bas, les gens essaient de protéger les collections sous les bombes, dit Olha Honchar. Ils cachent tout ce qu’ils peuvent. Je sais que l’équipe du musée d’art Galagan de Tchernihiv est demeurée dans la ville et travaille dans ces conditions. Même chose au musée historique M. F Soumtsov de Kharkiv. »

PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE TERRITORY OF TERROR

La directrice du musée Territory of Terror de Lviv, Olha Honchar

Le musée Territoire de la Terreur dont Mme Honchar est la directrice générale est une institution municipale. Son mandat est de préserver, enseigner et diffuser la mémoire d’une période très obscure dans l’histoire de l’Ukraine, à savoir le milieu du XXsiècle, dans un contexte d’occupation des régimes soviétique et nazi.

Le musée est construit sur le site d’un ghetto, qui a été sous domination nazie (1941-1943) avant de devenir la prison de transition 25 (1944-1955) durant la fin du règne de Staline, qui est mort en 1953.

Mme Honchar croit-elle que les évènements actuels vont alimenter un nouveau volet de son musée ?

« Ça serait logique, répond-elle, même si, pour le moment, nous essayons de survivre. Après la victoire, nous allons organiser des entrevues avec les gens qui auront été victimes de l’offensive russe, qui ont perdu leur maison, qui ont été déplacés dans une autre région ou même un autre pays. Nous aurons beaucoup de choses à faire pour documenter ces évènements. Mais pour l’instant, on doit s'efforcer de sauver le musée. »

S’entraider

Malgré les conditions difficiles, les équipes des différents musées essaient de s’entraider lorsque les conditions le permettent, poursuit Mme Honchar.

« Tout s’appuie sur les contacts personnels et les réseaux que nous avons développés dans le passé, dit-elle. Comme les administrations de plusieurs musées sont fermées en raison de la situation, les fonds ne rentrent pas, les communications sont interrompues. »

On essaie de trouver de l’aide là où nous le pouvons. Un centre de crise des musées a été créé pour amasser des fonds provenant d’institutions européennes et de donateurs privés.

Olha Honchar, directrice d’un musée à Lviv

L’organisme berlinois MitOst, voué aux échanges culturels et citoyens en Europe, et la Commission européenne ont pris contact avec le Centre de crise des musées pour apporter leur aide. Des contacts sont aussi en cours aux Pays-Bas, en France et aux États-Unis pour récolter des fonds.

Le Canada a par ailleurs annoncé sa participation vendredi dans la sauvegarde du patrimoine ukrainien avec une contribution de 4,8 millions gérée par l’UNESCO. Toujours vendredi, La Presse indiquait aussi que l’Association des musées canadiens envisage de mettre l’épaule à la roue pour donner son appui aux institutions sœurs de l’Ukraine.

Lorsqu’on lui demande dans quel état d’esprit elle est, Olha Honchar répond : « Je me dis chaque jour que je dois accomplir mon travail tout en pensant à moi, à ma santé. Il y a aussi ma famille qui est arrivée à Lviv de Kyiv. Mais j’ai beaucoup de travail et de coordination à faire. »