L’artiste
Âgé de 42 ans, Pascal Normand a d’abord travaillé dans le secteur de la télévision et du cinéma. Il a scénarisé et réalisé des courts métrages, tournant notamment avec Hélène Bourgeois Leclerc à ses débuts. Tout en s’adonnant à la photographie nocturne. Il a conservé de son expérience cinématographique le goût du repérage, l’importance de la trame narrative et une certaine façon de faire parler les lieux urbains.
« Au début, je n’avais aucune prétention en arts visuels, d’être exposé ou quoi que ce soit, dit-il. C’était plus une exploration pour le plaisir, jusqu’à ce que je m’oriente vers l’art photographique à temps plein, au début de la trentaine. »
Pascal Normand photographie toujours la nuit. « Quand je me suis acheté mon premier appareil, autour de l’an 2000, j’ai instinctivement essayé la photographie nocturne. J’ai tout de suite été fasciné par la façon dont on peut faire vivre la lumière, la nuit. Même quand on a de la misère à la percevoir à l’œil. Il y a une magie, la nuit. Les lieux nous appartiennent ! »
L’artiste aime emporter son trépied sur d’anciens sites industriels. Il aime la richesse visuelle des architectures, notamment délabrées, l’histoire derrière les édifices, le côté atypique des bâtiments. Tel qu’en témoignent ses prises de vue des iconiques Farine Five Roses et Silo no 5. « Les gens, quand ils voient mes œuvres, essaient de deviner où se trouve le lieu », dit-il. Il est monté récemment sur la Tour de la Bourse d’où il a pris plusieurs photographies, dont celle qui a mené à l’œuvre Amalgame Montréal. Avec vue sur le pont Champlain illuminé de bleu.
L’atelier
Son atelier était auparavant dans Hochelaga, mais il était trop petit. L’artiste a déménagé avec sa famille à Belœil. Là, l’atelier est idéal pour créer de grandes œuvres et accueillir le public. Les œuvres de Pascal Normand y sont réalisées à partir d’une technique particulière qui crée une sorte de magie et joue avec la réalité. Pour son œuvre Pont de Québec, il a fait disparaître le pont Pierre-Laporte ! Il enlève souvent la pollution lumineuse pour mieux mettre ses bâtiments en évidence.
Pour donner à ses impressions numériques un fini unique, il projette de la peinture sur ses créations photographiques pour suggérer une texture supplémentaire. Puis, il vernit l’œuvre au rouleau pour la protéger et lui donner un « look ». Ses œuvres sont des « originales limitées ». Pour chaque impression numérique, il crée 25 œuvres, toutes grandeurs confondues. La peinture fait la différence d’une pièce à l’autre. Même si sa proportion est minime par rapport à la partie photographique.
Couvre-feu et déconfinement
« Pendant le couvre-feu, au printemps dernier, je n’avais pas réalisé que je pouvais sortir la nuit ! »
Comme c’est son travail de photographier la nuit, Pascal Normand n’a pas eu de problème pour continuer à aller prendre des vues nocturnes de la ville. Il s’est fait intercepter deux fois par la police, mais a prouvé sa bonne foi et pu poursuivre ses activités. Il travaille en général en début de semaine. Quand c’est plus calme. « Avec le couvre-feu, c’était malade, un vrai no man’s land, dit-il. Ç’a été très créatif pour moi. »
Depuis ses sorties durant le couvre-feu, il s’est mis à créer des œuvres circulaires. Des impressions uniques sur toile marouflée sur panneau de bois. D’un style plus abstrait, avec une association de flou et de net sur l’angle d’un bâtiment recouvert de graffitis. « J’en ai fait une série de 20. J’ai travaillé avec un auteur pour rédiger des textes pour chaque œuvre. Je vise une publication un jour. »
Nouveautés
Pour la première fois, Pascal Normand s’intéresse maintenant à la campagne. Il a réalisé des clichés de bâtiments de ferme, des paysages aux abords du mont Saint-Hilaire. « J’ai déjà six œuvres dans cette série Belœil sur Saint-Hilaire, et un solo prévu en 2022 à la maison de la culture Eulalie-Durocher, de Saint-Antoine-sur-Richelieu. »
Depuis 10 ans, le photographe vit de cet art né de la nuit. Il bénéficie d’une forte visibilité, sur l’internet notamment, depuis 2015. « Tout le monde a maintenant un appareil photo dans la poche, dit-il. On est devenu un monde d’images partagées, véhiculées. Ma technique m’a ainsi permis de me démarquer. J’ai peu travaillé avec les galeries d’art, mais j’ai réussi à développer un réseau. Je construis ça tranquillement, avec mon site, l’infolettre, les réseaux sociaux, des concours, la participation à des symposiums, des visites d’amateurs à l’atelier, de façon sécuritaire. Il faut une stratégie multiple. »
Quand ses enfants auront plus d’autonomie, Pascal Normand élargira son territoire d’exploration. Il aspire par exemple à se rendre dans la région de Detroit et des Grands Lacs, où les sites industriels désuets sont nombreux. Mais il fera ses virées nocturnes avec un guide…