L’ex-galeriste Dominique Bouffard est retournée vivre et travailler une grande partie de l’année aux Îles-de-la-Madeleine, d’où elle est originaire. Elle continue de promouvoir les arts visuels et des artistes dont elle partage la vision. Durant l’été 2020, elle a croisé, aux Îles, Danielle Lysaught et Paul Hamelin, les collectionneurs qui ont fondé le lieu d’art Projet Casa, près du parc Jeanne-Mance. Elle leur a proposé une exposition avec les artistes Stéphanie Morissette, Claude Bourque et Sebastian Maltais sur l’idée de mutation.
Claude Bourque
Claude Bourque n’avait jamais exposé à Montréal. Le sculpteur de 57 ans est connu comme le loup (marin) blanc aux Îles. Cofondateur du Concours de châteaux de sable, à Havre-Aubert, qui en est à sa 35e édition, il a acquis une belle réputation en créant des sculptures contemporaines faites d’os de baleine et de cuivre.
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Harphang, œuvre de Claude Bourque créée en 2015 à partir d’une vertèbre de rorqual commun, de cuivre et d’acier
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Claude Bourque a utilisé une mandibule de cachalot et de la pierre à savon pour créer Spermwhale mandibule, dont le support métallique est lui-même forgé pour donner un bel ensemble dynamique.
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Ensemble, 2021, mandibule de petit rorqual, argile, bois et cuivre
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Grand héron, 2021, sternum de rorqual commun, cèdre et cuivre
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Vague, 2020, sculpture créée avec une côte de cachalot
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Des os de mammifères marins ont été posés sur le sol, notamment un crâne de dauphin, une longue colonne vertébrale d’un fœtus de baleine dont les vertèbres n’étaient pas encore formées et des disques vertébraux.
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Le guerrier, 2017, cuivre, fanons de petit rorqual, griffes de phoques gris, fer
Lauréat du prix du CALQ en 2015, chasseur, pêcheur et sculpteur, Claude Bourque ramasse, depuis des lunes, les os de baleines échouées sur les plages. Étant Madelinot, les mammifères marins font partie de sa culture. Il s’intéresse à leur diversité, à leur rôle dans la chaîne alimentaire globale, à leur vulnérabilité due au réchauffement de la planète. Pour sculpter une vertèbre de rorqual récupérée sur la plage, il doit attendre jusqu’à sept ans, dit-il, tant il y a de procédures à accomplir pour enlever la graisse qu’elle contient et la faire sécher.
« Je mets les os dans de gros bacs et les mouches vont alors là-dedans, dit-il. Elles vont pondre des œufs. Les œufs vont éclore et donner des millions d’asticots dont l’urine contient de l’ammoniac qui tue le gras. Après, on lave les os à la pression, on les met au soleil, on les remet dans l’eau. Ça prend des années. »
Sebastian Maltais
On avait déjà vu les œuvres à l’encaustique de Sebastian Maltais il y a quelques années. Il n’a rien perdu de son talent pour ce médium difficile à maîtriser. Des couches et des couches de cire qui donnent des effets doux et élégants pour des portraits sur toile. À Projet Casa, il expose principalement une grande œuvre en noir et blanc — de 2,44 m sur 3,25 m –, Partie de chasse, une mise en scène forestière réalisée avec des modèles, dont plusieurs de ses amis des Îles. Des personnages aux regards fuyants qui semblent avoir leurs propres intérêts. En aucun temps, on a l’impression d’assister à des retrouvailles d’amis chasseurs.
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Partie de chasse, 2021, Sebastian Maltais, encaustique sur toile
« Comme pour le thème de l’exposition, ça parle de comment l’être humain interagit avec son entourage, mais aussi comment il modifie son environnement et se l’approprie, dit Sebastian Maltais. Je voulais en même temps ne pas faire un tableau actuel, plus une œuvre sans époque. » Une œuvre qui évoque aussi la diversité biologique. L’importance d’une chasse contrôlée pour favoriser un équilibre entre les espèces d’un même biotope. Contrairement à ce qu’on voit dans le golfe du Saint-Laurent, où la disparition de la chasse au phoque et la surpêche ont créé un déséquilibre et une baisse des stocks de morue, fait valoir Claude Bourque.
Stéphanie Morissette
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PHOTO YVES HARNOIS, FOURNIE PAR L’ARTISTE
Stéphanie Morissette
Stéphanie Morissette aborde aussi le thème de la diversité faunique et de l’intégrité environnementale. Toujours avec ce regard aiguisé à la fois ludique et critique. L’artiste a même utilisé la belle fontaine intérieure de Projet Casa pour y greffer ses plumes de papier, de la feuille d’or et du styromousse afin de réaliser son installation Nid dans l’interstice.
Au-delà de ses installations étranges faites de plumes d’oiseau en papier, elle a ajouté, cette fois-ci, le thème des drones. Comme si, dans un avenir lointain, les oiseaux et les drones ne feraient plus qu’un… dans une nature en mutation. Représentant même des insectes en forme de drone dans un cadre, comme s’il s’agissait d’une collection entomologique.
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Drone/oiseau, 2019, papier, plastique
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Volière-mutation, 2017-2021, papier, métal et tissu
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Vautour hybride, 2017, papier, feuille d’or, styromousse et plastique
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Collection entomologique, insectes/drones, 2019, papier et aiguilles
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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
L’oiseau, 2015, papier et métal
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PHOTO MICHAEL PATTEN, FOURNIE PAR PROJET CASA
Nid, une installation faite sur la fontaine des lieux
« J’ai beaucoup travaillé dans les dernières années sur cette idée de mutation, de liens entre la biologie et la technologie, dit l’artiste de 44 ans originaire de Sherbrooke. Entre le vivant et le non-vivant. Comment ces objets technologiques pourraient un jour interagir avec les animaux du futur… »
Écho-Système/Matières et mutations, jusqu’au 6 novembre, à Projet Casa.