Les deux artistes ont été choisis par le comité scientifique de la Fondation Grantham, dirigé par Johanne Lamoureux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en muséologie citoyenne. D’un montant de 10 000 $, la bourse de création en résidence a été accordée à Anahita Norouzi, une Iranienne de 37 ans qui a fait des études en arts visuels et en français à Concordia et qui fait des allers-retours réguliers entre Montréal et Téhéran.
Anahita Norouzi s’intéresse aux questions d’identité et aux phénomènes de migration et a créé également des œuvres qui reflètent l’Iran contemporain, d’un point de vue culturel et politique. Elle expose en ce moment, virtuellement, à la galerie de l’UQAM, une œuvre qui aborde la question des migrants.
L’environnement est aussi au cœur de sa pratique. Pour sa résidence, elle explorera, avec Displaced Garden, les relations entre les humains, les végétaux et les lieux, une idée qui lui est venue en arpentant les rues de Montréal et en reconnaissant des plantes déjà observées en Iran. Un travail qui découle aussi de son corpus Other Landscapes, sur la mémoire, avec des objets choisis par des réfugiés pour évoquer leur vie antérieure.
La migration humaine s’accompagne d’une migration végétale dans l’histoire. Un parallèle qui montre que les humains, comme les plantes, s’adaptent ou non au climat et aux conditions locales d’existence.
Anahita Norouzi estime que les plantes poursuivent leur destinée loin de leur lieu d’origine, avec une résilience similaire à celle des êtres humains.
Elle travaille sur les végétaux importés, notamment ceux considérés comme nocifs par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. « Des plantes ornementales ont colonisé certaines régions du Canada, dit-elle, alors c’est intéressant de considérer comment l’intervention humaine peut être positive pour une plante dans un premier temps avant de ne plus l’être. »
Après avoir commencé son projet à l’échelle de Montréal, l’artiste élargira son étude au Québec lors de sa résidence. « Pour montrer comment cette migration a changé la biodiversité de la région du Québec tout entière », dit-elle. À la fin de sa résidence, Anahita Norouzi présentera une installation avec des photos, des sculptures en verre, des vidéos, des cartes, des textes et des spécimens botaniques. Elle compte aussi organiser des discussions de groupes sur ces questions.
Clément de Gaulejac
L’artiste Clément de Gaulejac s’est vu accorder la bourse de recherche de 5000 $. Les questions d’environnement sont aussi au centre de son art et de ses engagements. Habité par l’image autant que par les mots et les idées, il s’exprime par l’illustration, des affiches et des ouvrages. Il a le souci de faire œuvre utile, notamment grâce à des articles et des essais. Il croit en la capacité transformatrice de l’art. C’est donc un écrit, plus ou moins long, qu’il réalisera (et illustrera sans doute) à la Fondation.
« L’intérêt pour le langage et l’écriture réflexive est au cœur de ma pratique ces dernières années, dit-il. Notamment en travaillant sur une thèse de doctorat à l’UQAM intitulée Tu vois ce que je veux dire ? Illustrations, métaphores et autres images qui parlent. Cette thèse fera l’objet d’une publication sur la relation contrariée entre le visuel et le verbal. Deux domaines de saisie du monde qui fonctionnent en parallèle dans notre cerveau. »
La réflexion qu’il va élaborer se penchera sur le fait qu’on prend souvent conscience de nos conduites répréhensibles sur le tard.
Notre regard change et devient armé politiquement, ce qui nous permet de voir clairement des choses aujourd’hui qu’on ne voyait pas auparavant. La violence sexiste en est un exemple.
Clément de Gaulejac
Sa recherche couvrira également « le langage et les images des discours de la bataille du climat ». Par exemple, comment se fait-il qu’on représente toujours la Terre vue de loin alors qu’on a les deux pieds dessus ? « C’est le genre d’imaginaire que j’ai envie de déconstruire », dit Clément de Gaulejac.
Cette année, la Fondation Grantham a reçu une soixantaine de candidatures pour ses résidences de création et de recherche, soit moins que l’an dernier. « On avait eu plus d’une centaine de candidatures, dit Johanne Lamoureux. Mais cette fois, les dossiers étaient vraiment en lien avec l’environnement. Les candidatures ont été plus ciblées et provenaient de sept pays, ce qui donne une idée du rayonnement de la Fondation. »
Considérée comme organisme culturel de diffusion par le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada et comme organisme de bienfaisance, la Fondation Grantham appuie les productions artistiques et la recherche sur l’art qui se mesurent aux défis environnementaux.
Elle veille à promouvoir et à diffuser ses activités auprès des jeunes en milieu scolaire. Les deux lauréats seront ainsi appelés à travailler avec des jeunes pour les aider à faire des choix éclairés par rapport aux défis environnementaux.
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