À l'occasion, vendredi, de la Journée internationale des femmes, une exposition rendant hommage aux femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada a été inaugurée à l'Espace culturel Ashukan, à Montréal. Une invitation a également été lancée à la population pour y créer une broderie collective... contre l'oubli.

« Quand je conduis mon auto, lors de mes visites au Canada, j'ai toujours ces femmes disparues en pensée. Je me dis : "Peut-être qu'il y en a une ici ? Qu'elle se trouve dans ce chemin ?" »

Viviane Michel est la présidente de Femmes autochtones du Québec. Elle était à l'Espace culturel Ashukan, vendredi, à l'occasion de la Journée internationale des femmes. Depuis quatre ans, son organisme réunit, une fois par an pendant quatre jours, des familles de jeunes filles et de femmes autochtones qui ont disparu ou qui ont été retrouvées sans vie.

« Ces familles peuvent ainsi partager ensemble ce qu'elles ont à vivre. Elles partagent leurs expériences, leurs connaissances par rapport aux démarches judiciaires et leurs inquiétudes. »

Un phénomène qui perdure

Viviane Michel affirme qu'il y a encore régulièrement des disparitions et des assassinats de femmes autochtones au pays.

« Sur Facebook, je constate qu'il y a toujours, de jour en jour, une fille qui disparaît au Canada. C'est encore une autre et encore une autre. Le nombre de 2000 à travers le Canada a certainement dû être dépassé. »

Au Québec, on ne connaît pas précisément leur nombre, dit-elle. Car parmi les femmes autochtones disparues, il y a des assassinats, mais il y a aussi des jeunes filles qui sont parties et dont on n'a aucune nouvelle. « Cela peut aussi être des enfants placés par la DPJ dans des familles d'accueil et dont on a perdu la trace, dit Viviane Michel. Ou des suicides. Cela reste toujours un point d'interrogation pour les familles. »

Exposition itinérante

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Viviane Michel, présidente de l'organisme Femmes autochtones du Québec

Lancée en 2015 par les Productions Ondinnok, dans le cadre d'une mobilisation en faveur de la sécurité et des droits des femmes autochtones, l'exposition itinérante Oubliées ou disparues : Akonessen, Zitya, Tina, Marie et les autres termine ce mois-ci son parcours pancanadien à l'Espace culturel Ashukan.

L'artiste Sylvie Paré est la commissaire de l'exposition, qui met en valeur le patrimoine artistique autochtone avec des oeuvres de sept artistes et artisanes de Premières Nations du Québec : Lise Bibeau, Diane Blacksmith, Hannah Claus, Mariette Manigouche, Nadia Myre, Annette Nolett et Sylvie Paré.

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Manuel Kak'wa Kurtness, directeur général adjoint de l'organisme La Boîte Rouge VIF, avec, en mains, la broderie réalisée par Viviane Michel.

Par exemple, dans un document sonore, Diane Blacksmith témoigne de la violence faite aux femmes autochtones. Elle expose également un châle de kukum, créé en peau d'orignal et perles brodées en hommage à l'une des amies qu'elle a « perdues ». Lise Bibeau et Annette Nolett présentent un panier en bois tressé contenant du foin d'odeur. Une chambre de jeune fille disparue a aussi été aménagée par un collectif de neuf femmes. Une chambre vide qui attend un retour.

Broderie collective

Par ailleurs, jusqu'au 22 mars, les femmes et les hommes habiles de leurs mains sont invités à participer à des ateliers de broderie à l'Espace culturel Ashukan. Pour créer une oeuvre collective intitulée Elle a un nom : La broderie comme outil de mobilisation sociale et collective. Car on doit continuer d'agir, affirme Viviane Michel.

« L'inaction est encore présente, dit-elle. Malgré les dénonciations, malgré nos demandes, malgré la commission d'enquête sur ces femmes disparues qui rendra son rapport final le 30 avril. »

Viviane Michel a réalisé une broderie pour cette création collective. « Je ne voulais pas mettre un nom sur la broderie, car ces femmes ont toutes un nom, dit-elle. J'ai allumé ma sauge. J'ai allumé ma chandelle et je me suis mise à broder en m'imprégnant de cette problématique. »

Mme Michel a dessiné un coeur brisé, avec une partie vide et une partie remplie. « Parce que c'est ce que les familles ont comme héritage, un coeur brisé, dit-elle. Les familles veulent des réponses et veulent que la justice s'applique. »

Présente vendredi, la ministre québécoise responsable des affaires autochtones, Sylvie D'Amours, a promis de contribuer à cette oeuvre et de créer son propre carré brodé. La directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal, Nathalie Bondil, s'était également déplacée pour manifester son soutien aux femmes autochtones.

« C'est une tragédie nationale qui n'est toujours pas résolue, dit-elle. Il est bon qu'on lance une alerte sur cette cause souvent éloignée des esprits. Et qu'on le fasse grâce aux artistes et à l'art, c'est fondamental. »

Oubliées ou disparues : Akonessen, Zitya, Tina, Marie et les autres, à l'Espace culturel Ashukan, jusqu'au 31 mars

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Châle de kukum, 2015, Diane Blacksmith (Mashteuiatsh, nation innue), peau d'original, broderies de perles et de fil de coton, bouleau.