La galerie Art Mûr fête, jusqu'au 17 décembre, ses 20 ans d'existence avec un solo de Claude Tousignant et une expo qui célèbre les créations de la trentaine d'artistes que représentent ses fondateurs, François St-Jacques et Rhéal Olivier Lanthier.

Si l'on voulait badiner un peu, avec l'aide de Brel, on pourrait dire que «20 ans d'Art Mûr, c'est l'amour fol». Car l'amour fol est bel et bien à l'origine de la création de la galerie sise aujourd'hui au 5826 de la rue Saint-Hubert. Un amour fol des arts qui a conduit Rhéal Olivier Lanthier et François St-Jacques à fonder Art Mûr en 1996. 

«François avait étudié en art et moi en administration des affaires alors, comme on voulait être à notre compte, on a ouvert sur la rue Notre-Dame», dit Rhéal Olivier Lanthier. «Au début, on a tenu un atelier d'encadrement. Les gens du milieu nous ont beaucoup encouragés et à un moment donné, on a eu des subventions pour rénover le local de la rue Saint-Hubert où l'on a déménagé en 2002», ajoute François St-Jacques, qui a bénéficié des lumières du galeriste René Blouin au début de sa carrière. 

Le duo de commissaires a fait, assez tôt, sa réputation avec des expositions de groupe puis avec les solos d'une dizaine d'artistes. Avec aujourd'hui ses sept salles d'exposition (1300 m2), la représentation d'une trentaine d'artistes et l'ouverture d'une galerie à Leipzig, en Allemagne, Art Mûr a le vent dans les voiles. Il fallait voir, samedi dernier, le nombre de personnes venues célébrer ses 20 ans...

Solo de Tousignant

Pour l'événement, Lanthier et St-Jacques ont offert un solo à Claude Tousignant tout en exposant leurs poulains et des invités. Au rez-de-chaussée, on constate que Tousignant poursuit son bonhomme de chemin épuré. Il travaille régulièrement à son atelier, l'après-midi, a-t-il dit à La Presse. Toujours aussi inspiré?

«L'inspiration, c'est un vieux principe. Ce qui me guide, c'est l'envie de travailler et d'avoir des idées, pas d'être inspiré comme l'étaient les romantiques ou alors, c'est assez rare!»

On retrouve sur place le Tousignant franc d'une abstraction considérée en tant que sensation pure. Bien préservées, ses oeuvres ont conservé leurs couleurs éclatantes. le cirque (version II) (double circle), de 1971, n'a pas pris une ride. Ni Accélérateur chromatique 90, de 1968, avec son 2,29 m de diamètre, ni son Bleu + vert = jaune, de 1965, avec leurs sublimes effets cinétiques.

Grandeur nature

Au premier étage, on pénètre dans l'expo collective du 20anniversaire, Grandeur nature, avec le trompe-l'oeil de Pierre & Marie, Transit (2012), sorte de faux distributeur de billets de banque. Le fruit d'un jeu entre forme, apparence et mémoire. 

Dans le même ordre d'idées, on retrouve les bustes en gypse et acajou de sans-abri new-yorkais créés par l'artiste montréalais Bevan Ramsay. Des sans-abri métamorphosés en célébrités. Toujours sur le mode de l'apparence ont été placés, tout près, la colonne de «seaux de peinture», Buckets, de Zeke Moores (une oeuvre en bronze qu'Art Mûr a récemment exposée à Art Toronto), Antichambre, créée en 2014 par Caroline Cloutier, et Wheelchair, le fauteuil roulant en dentelle, organza et crinoline de Jannick Deslauriers, qui expose ses oeuvres jusqu'à samedi à Art Mûr Leipzig.

Apparences et transparence sont toujours dans l'air avec In-Utero (2001), le bébé flottant de David Spriggs constitué d'un agencement de plaques transparentes. On entre à côté dans l'univers de Laurent Lamarche, qui explore l'infiniment petit et le monde d'une biologie futuriste avec ses oeuvres de Macro 2, Macro 3 et Embryon 1. Une sorte de cabinet de curiosités fantastique dans lequel on reconnaît plusieurs phases de sa démarche. 

Dans la salle contiguë a été intégrée Lost in reflection, une installation de Guillaume Lachapelle de 2015: sa fameuse bibliothèque au blanc immaculé qui se prolonge à l'infini grâce à un jeu de miroirs et... à un travail qui lui a pris plusieurs mois.

Une autre salle foisonne d'oeuvres captivantes. Les porcelaines «industrielles» de Clint Neufeld, deux sculptures en tilleul de 2013 de Jean-Robert Drouillard, dont Jeune poète aux bidons, une installation d'Éric Lamontagne, une oeuvre typique de Pierre Ayot (Crac Ding) ou encore les dentelles métalliques de Cal Lane. 

Des oeuvres et des styles familiers. Des créations qu'on a plaisir à voir, à revoir... et qui portent la signature Art Mûr: esthétiques, fouillées, frappantes, novatrices. Un art qui, finalement, depuis deux décennies, nous étonne souvent, nourrit notre appétence, façonne notre regard et nous permet sûrement de grandir. 

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Claude Tousignant, Sélection de l'artiste, et l'exposition des 20 ans d'Art Mûr, Grandeur nature, à la galerie Art Mûr (5826, rue Saint-Hubert, Montréal), jusqu'au 17 décembre.