La directrice du musée Pointe-à-Callière, Francine Lelièvre, a réussi un gros coup. Elle a convaincu Hermès, la société française d'articles de luxe, d'exposer pour la toute première fois une partie de sa collection consacrée à l'univers du cheval. Destinée aux petits comme aux grands, l'exposition Des chevaux et des hommes est présentée sur deux étages de la Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal.

Une collection privée sur le thème du cheval présentée dans un musée d'archéologie et d'histoire de Montréal, quel est le rapport ? C'est la question que l'on s'est posée quand on a appris que Pointe-à-Callière s'était associé à la maison de luxe française Hermès pour présenter Des chevaux et des hommes - La collection Émile Hermès, Paris

Pour comprendre le lien, il faut d'abord savoir qu'Hermès, fondée à Paris en 1837, n'a pas toujours été une société de produits de luxe. C'est Émile Hermès (1871-1951), petit-fils du fondateur, qui, en prenant acte de la popularité croissante de la voiture automobile (le cheval-vapeur !) aux dépens de la calèche, fit la transition, au début du XXe siècle, d'une manufacture de harnais et de selles à la marque de bijoux, de foulards et de maroquinerie que l'on connaît aujourd'hui. 

Lorsqu'elle a organisé l'exposition Marco Polo - Le fabuleux voyage, en 2014, la directrice de Pointe-à-Callière, Francine Lelièvre, avait demandé à la maison Hermès de prêter au musée trois selles asiatiques de sa collection. 

« Je savais qu'Hermès avait une collection, mais je n'en connaissais pas l'ampleur », dit-elle en entrevue. Mme Lelièvre a alors visité cette collection à l'automne 2014. J'ai eu une émotion très forte. C'était un moment privilégié qui dépassait le rationnel. »

Son intérêt appuyé, son désir d'éditer une première publication sur la collection Hermès et la réputation, en Europe, du musée Pointe-à-Callière ont fait qu'Hermès a accepté de prêter des objets de sa collection et de les présenter à Montréal. 

L'exposition est donc exceptionnelle. Elle ne sera pas renouvelée. Conservée dans le bureau d'Émile Hermès (et dans une réserve), cette collection n'a jamais été rendue publique. Jamais exposée ni recensée ni présentée. Les seuls à avoir eu accès à ce bureau, situé au-dessus du magasin historique d'Hermès, au 24, rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris, sont ses descendants et quelques clients prestigieux. 

OBJETS INSPIRANTS

Pourquoi une telle discrétion par rapport à une collection de 15 000 objets ? Parce qu'ils ont toujours été et sont encore la référence des designers et des artisans de la société Hermès pour confectionner sa maroquinerie, ses foulards et ses bijoux.

« C'est une collection très vivante, car elle est une source d'inspiration très dynamique. C'est l'âme de la maison, donc il faut garder une part de mystère et de confidentiel », dit Stéphane Laverrière.

Commissariée par Nicolas Chaudun et Jean-Paul Desroches, l'expo présente 250 objets : tableaux de maîtres, croquis et esquisses de Degas et Delacroix, sculptures en bronze, statuettes antiques, voitures hippomobiles grandeur nature (!), harnais, étriers et éperons de toutes origines, le cheval à bascule familial, des vêtements, accessoires, etc. Une exposition sur le monde du cheval, donc, mais aussi sur le souci d'Émile Hermès de conserver des souvenirs de cette épopée révolue des équipages à cheval. 

Finalement, pourquoi l'histoire du cheval dans un musée archéologique et historique ? Francine Lelièvre rappelle que l'expo sur Marco Polo abordait le cheval, tout comme Les routes du thé, en 2013. « Les routes du thé, c'était aussi les routes des chevaux, dit-elle. On est dans l'esprit de l'immensité des territoires. Le Canada, c'est beaucoup l'espace. Ça se prête à une exposition de ce type. En même temps, il y a toujours cette fascination pour les grandes civilisations, et celle du cheval me fascinait. » 

Mme Lelièvre n'avait jamais pensé monter une telle exposition et sortir une publication de 128 pages sur la collection Hermès. Elle estime que cette collaboration (qu'Hermès n'a pas financée) est une grande chance pour Pointe-à-Callière et Montréal. « C'est une exposition historique. On a eu un coup de coeur pour cette collection et ce collectionneur qu'était Émile Hermès. »

« Collectionner, ce n'est pas seulement regarder vers le passé, ajoute Menehould du Chatelle, directrice du Patrimoine culturel à la maison Hermès. C'est aussi un geste de bon sens car on ne peut avancer dans le futur sans les jalons et les repères de l'histoire. Et le cheval fait partie de l'histoire des hommes. » 

... et des femmes, a indiqué Francine Lelièvre, lors de la conférence de presse. « Il y a plus de cavalières que de cavaliers aujourd'hui ! », a-t-elle souligné. Bonne visite aux royaumes croisés du cheval et du luxe ! 

Au musée de Pointe-à-Callière, jusqu'au 16 octobre.

Photo David Boily, La Presse

L’exposition comprend un grand nombre de peintures. Portraits de rois, d’empereurs, de princes et de nobles européens. Et même une œuvre de Théodore Géricault (1791-1824) intitulée Cheval noir à l’écurie.

Photo David Boily, La Presse

L’entrepreneur Émile Hermès (dont on voit une reproduction partielle de son bureau, à droite) collectionnait pour sauvegarder les traces de l’ère du transport à cheval afin de les montrer aux générations futures.