Pour sa nouvelle production, Voeux, exposée jusqu'au 27 février au centre d'art CIRCA, Marie-Claude Bouthillier s'est inspirée de l'univers des couvents. Sa série d'oeuvres - des sculptures, peintures et installations - explore l'héritage ecclésiastique québécois et révèle notre propre intériorité.

Captivée par les supports - toiles, cadres, écrans, tables, tapis et autres couvertures -, Marie-Claude Bouthillier a greffé cet intérêt à une réflexion sur le patrimoine québécois qui découle de sa résidence artistique au musée McCord en 2012.

L'artiste avait adoré son immersion dans ce panthéon de la mémoire culturelle du Québec. Celle-ci s'était d'ailleurs conclue par son exposition Familles, qui racontait notre grand territoire laurentien en puisant dans notre histoire textile.

Encore imprégnée de cette expérience, l'artiste est allée au-delà de sa réflexion sur la peinture et son support et du côté mystérieux de la vie monacale pour bâtir - durant trois ans - une exposition en forme d'installation et de circuit.

En pénétrant dans le local blanchâtre de Circa, on aperçoit d'abord une imposante grille en bois de chêne dont l'accès est rendu difficile par un alignement de maisonnettes en plâtre. La grille rappelle le confinement, la séparation, la nécessaire discrétion d'une vie cloîtrée.

L'oeuvre Maisonnettes, Ruelle de la Providence en est le meilleur exemple. Elle est constituée de l'alignement d'une douzaine de reproductions de la petite maisonnette de la ruelle de la Providence, près de l'îlot Voyageur, au centre-ville de Montréal. Rescapée de la Communauté des soeurs de la Providence, cette petite maison grise - aujourd'hui tapissée de gribouillages sans intérêt - est entièrement recouverte de tôles, comme si elle s'était elle-même cloîtrée pour se prémunir du délabrement ambiant.

La vierge ouvrante

Derrière La grille, Marie-Claude Bouthillier a placé sa Vierge ouvrante - La cellule, une oeuvre d'envergure où la large silhouette (vue de dos) d'une carmélite à genoux et en prière se transforme, vue de face, en un habitacle d'idolâtrie.

Dans la tradition catholique, surtout avant le XVIIe siècle, la Vierge ouvrante était une sculpture en bois ou en métal qui pouvait s'ouvrir comme un triptyque et qui contenait des images de la Passion du Christ, de la vie de Marie et de la Trinité.

Marie-Claude Bouthillier a représenté une Vierge ouvrante abritant sa communauté. L'humanité est représentée par des personnages, notamment des religieuses, dessinés sur de petits morceaux de toile.

Dans une autre pièce, que Marie-Claude Bouthillier associe au jardin intérieur d'un couvent, l'artiste a réalisé une fontaine sur socle, en métal, gypse, plâtre et céramique, dans laquelle un filet d'eau coule en permanence.

À côté, Crèche, installation dont l'hétérogénéité rappelle l'Atelier Brancusi, comprend des dizaines d'objets et de matériaux: des sculptures moulées en céramique, des figurines en tissu, crin ou bois, des sortes de reliquaires ou paperolles et des rouleaux textiles hérités de son travail à McCord.

Rappelant les crèches artisanales de la ruralité d'antan, l'oeuvre se rattache autant à l'art populaire qu'à la création démiurgique. Elle découle aussi des souvenirs d'enfance de Marie-Claude Bouthillier, l'époque où elle dessinait des princesses, dit-elle.

Il ne faut pas voir dans cette exposition quelque allusion à la spiritualité de l'artiste. Elle s'en défend. «Je suis plutôt de type athée, agnostique, païen, dit-elle à La Presse. Je me suis approprié ce langage parce que toute personne de mon âge née au Québec connaît la réalité des couvents et des religieuses. C'est notre héritage culturel.»

«On ne porte pas un regard bienveillant sur ses beautés alors qu'on le fait pour les théâtres romains quand on va à Rome. C'est une richesse esthétique qui fait encore partie de moi.»

Voeux est ainsi un hommage au passé religieux québécois, à tout le moins à ce qu'il en reste du point de vue artistique et architectural. Laissant de côté tout le bagage dogmatique du catholicisme, Marie-Claude Bouthillier évoque en même temps toutes ces femmes qui ont, en tant que religieuses, éduqué, protégé, soigné et aidé des générations de Québécois.

«Il faut savoir d'où l'on vient et porter un regard bienveillant sur notre passé», dit-elle.

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Au centre d'art actuel CIRCA (édifice Belgo 372, rue Sainte-Catherine Ouest, #444) jusqu'au 27 février.

Les autres expos

Art souterrain

La programmation du 8e festival Art souterrain a été annoncée mercredi, à Montréal. Pas moins de 73 projets artistiques émanant de 86 artistes seront présentés dans 13 endroits différents, du 27 février au 20 mars. Notamment 2 oeuvres de l'artiste américain Mark Jenkins, actuellement en résidence artistique à l'Arsenal où il y présentera 25 de ses sculptures, du 5 mars au 8 mai.

Renseignements: www.artsouterrain.com

Parle-moi d'amour

Venant en aide aux personnes ayant un problème de santé mentale, l'organisme Les impatients organise, à partir de samedi et jusqu'au 15 mars, la 18e édition de son exposition-vente Parle-moi d'amour. On y vendra aux enchères quelque 350 oeuvres d'«artistes impatients» et d'artistes professionnels tels que Jean Paul Riopelle, Fernand Leduc, Guido Molinari, Marc Séguin, Françoise Sullivan, Raymonde April, BGL, Valérie Blass, Karine Giboulo ou encore Michel Goulet.

Parle-moi d'amour. Organisé par et pour Les impatients. Chapelle historique du Bon-Pasteur. 100, rue Sherbrooke Est, Montréal. Du 6 février au 15 mars.

Le quotidien à Rimouski

Le Musée régional de Rimouski a récemment puisé dans sa collection pour élaborer une exposition originale d'une vingtaine d'oeuvres d'art contemporain qui évoquent le quotidien. Dans un commissariat d'Ève de Garie-Lamanque, L'état des choses présente des travaux de huit artistes canadiens: Pierre Ayot, Lynne Cohen, Sorel Cohen, Aganetha Dyck, Guy Pellerin, Anne Ramsden, Natalie Roy et Bruno Santerre.

L'état des choses, au Musée régional de Rimouski. Jusqu'au 29 mai.

PHOTO FOURNIE PAR LES IMPATIENTS

Le cheval africain, 2015, d'Omar Djama, papier mâché et gouache, 65 cm x 49 cm x 23 cm.