La rencontre entre David Altmejd et le Musée d'art contemporain représente un grand moment montréalais. Cette magnifique exposition célèbre avec éclat et intelligence le retour attendu du sculpteur chez lui.

Une sculpture n'est jamais finie, aime dire David Altmejd. Parce que le travail n'est jamais terminé et parce que l'énergie circulera toujours, ajouterons-nous. Au-delà du temps et de la mort. En nous et autour de nous.

Son art dit « baroque » l'est dans cet esprit de travail infini, de travail qui pourrait et devrait se poursuivre infiniment. On voit chez lui accumulations et débordements. À nos yeux, l'artiste ne fait plutôt qu'être attentif et capter l'énergie. L'aspirer et la transmettre.

Travailler, c'est rester en vie et la représenter. Comme tous les grands, David Altmejd aime travailler. Beaucoup. De sa plus petite pièce, la charmante tête de sa soeur Sarah Altmejd, à la magistrale installation et écosystème parfait The Flux and the Puddle, cette rétrospective nous le dit et nous le redit.

David Altmejd n'est pas cet artiste de la mort et de la dégénérescence que l'on pourrait croire. C'est un créateur de vie (s) et il le fait dans la joie. Avec humour, souvent, avec une passion organique, voire bestiale. Il a étudié en biologie, faut-il rappeler, et cette façon d'appréhender le monde traverse toute son oeuvre.

Tout Altmejd est là, dans une vision holistique des choses vivantes. Dans Le trou, notamment, un cercle sculpté à même le mur du MAC, derrière un des Bodybuilders du sculpteur, gardien de sa vision.

Rien ne se perd, rien ne se crée, il transforme tout. Et l'énergie coule à flots : jus, bave, sperme, chaînes, fils, cordon ombilical. L'artiste lie, relie, unit, soude.

Le caractère repoussant que pourraient offrir certains personnages, la putréfaction que supposent certaines mises en scène ne font pas partie du regard que pose David Altmejd.

LA MAIN DU CRÉATEUR

Le sculpteur laisse sa trace partout. Des oeuvres presque complètes (série des Bodybuilders) sont construites avec des moulages de ses mains en plâtre.

Une salle est constituée uniquement de ses oeuvres représentant des têtes, souvent à deux faces (créées entre 2001 et 2015). Ces oeuvres à deux pôles sont des sculptures pensantes, réfléchissantes grâce aux quartz qui les composent aussi.

Une autre salle présente des géants. De somptueux Watchers et des personnages qui parlent de la matière noble dont ils sont constitués, de sable et d'air notamment. Et de tellement d'amour de la part de ce créateur hypersensible, dirons-nous.

Voilà un grand artiste québécois qui mérite tous les honneurs qu'on lui fait.

RÉUSSITE POUR LE MAC

Ce véritable succès est également dû à la collaboration très étroite entre l'artiste et le Musée d'art contemporain. Avec une scénographie spectaculaire, l'équipe du musée s'affirme éloquemment ici.

Musée d'État aux moyens limités, le MAC a collaboré avec deux autres institutions internationales - Paris et Luxembourg - pour réussir ce pari. Il s'affranchit enfin de ses complexes et démontre qu'il sait jouer dans la cour des grands.

Avec Flux de David Altmejd, le courant passe dans toutes les salles de l'expo. Espérons qu'il se rendra au public. Il s'agit là d'un rendez-vous important avec l'histoire des arts visuels d'ici.

Au Musée d'art contemporain jusqu'au 13 septembre.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

The Flux and the Puddle