Quelles sont les expositions à voir ce week-end? Chaque vendredi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée montréalaise de galeries et de centres d'artistes. À vos cimaises!

Guérisseuse d'âmes

La nouvelle expo de Nadia Myre, Oraison, présentée au centre Oboro, poursuit la démarche que l'artiste a entreprise il y a près de 10 ans avec son Scar Project.

L'artiste montréalaise Nadia Myre, qui est en lice pour le prestigieux prix Sobey décerné mercredi prochain, chuchote presque. Sa plus récente production, Oraison, invite au recueillement et au respect dans l'espace tamisé du centre Oboro.

Des voix se font entendre dans la pièce, en français et en anglais. Ce sont celles de personnes, autochtones ou non, hommes et femmes de différents groupes d'âge, qui racontent leurs cicatrices, leurs blessures physiques ou mentales.

«Il y a des acteurs qui ont fait des voix, mais on peut entendre aussi des gens ordinaires qui racontent leur propre histoire. Environ 50 personnes ont participé [au projet]», affirme Nadia Myre.

Ils disent des choses comme: «J'ai retrouvé cette vieille photo de moi à 5 ans. Après l'avoir vue, j'ai compris que ma mère m'aimait»; «la tristesse va finir par disparaître»; ou encore «la vie d'un homme noir est un long processus de guérison».

Son Scar Project (Projet cicatrice), oeuvre retenue pour le prix Sobey, a recueilli, depuis 2005, plus d'un millier de ces récits de cicatrisation. Les participants étaient d'abord appelés à transcrire visuellement leur histoire sur canevas, ce qu'on peut voir en vidéo dans Oraison.

«Scar Project, c'est 600 canevas au total, dit l'artiste. Dans l'installation, 300 sont accrochés au mur et 300 autres reposent au sol. Je voulais faire écho à ces histoires que je porte depuis neuf ans.»

Une oeuvre monumentale dans le temps, sinon dans l'espace. Comme toute l'approche globalisante, enveloppante de cette guérisseuse d'âmes qu'est Nadia Myre.

Les huit grands panneaux qu'elle expose chez Oboro représentent le verso des canevas d'une autre de ses grandes créations, Indian Act, qui étalait à l'aide de tissages de perles les 56 pages de la Loi sur les Indiens.

Les panneaux blanc sur noir font voir les partitions d'une musique impossible à jouer, incompréhensible pour celui qui ne tend pas l'oreille ou n'ouvre pas le coeur assez grand.

Au centre de la salle, un filet rouge monte et descend. Il capte les blessures passant par là. 

«Tout le monde porte des cicatrices, dit l'artiste. C'est inscrit dans la tête et dans le corps. L'important, c'est de guérir, de partager et de guérir.»

Au sol, un panier reçoit les offrandes et en donne également. De petits paquets d'espoir enveloppés de rouge. 

Nadia Myre est ce grand coeur qui capte et suture. Elle est celle qui crée des liens, tisse sans arrêt et espère que la transformation suivra, que l'humain survivra. 

À Oboro jusqu'au 13 décembre.

Les quatre univers de la famille Szilasi

La maison de la culture Marie-Uguay présente, jusqu'au 19 décembre, Il était une fois dans le Sud-Ouest II, une expo d'oeuvres de la famille du photographe Gabor Szilasi, soit ses images, celles de sa conjointe Doreen Lindsay et de sa fille Andrea ainsi que les dessins et peintures de son gendre Michael Merrill.

Pourquoi une exposition de quatre artistes de la famille Szilasi dans l'arrondissement Sud-Ouest ? Parce qu'Andrea Szilasi et son conjoint Michael Merrill y vivent et y travaillent. Et parce que Gabor Szilasi et Doreen Lindsay s'y trouvent aussi régulièrement à faire diverger la lumière avec leurs lentilles.

On retrouve à Marie-Uguay des photos que Gabor Szilasi a prises de familles qui résident dans Saint-Henri, Pointe-Saint-Charles, Petite-Bourgogne ou Côte-Saint-Paul, notamment des artistes. Les poétesses Agathe Mélançon et Flavia Garcia, le musicien Jose Maria Gianelli et les artistes contemporains Karilee Fuglem et Pierre Couture.

Le photographe d'origine hongroise a ajouté à cette série en noir et blanc une photo couleurs des quatre artistes de la famille prise à l'angle de la rue de Courcelle et de la ligne de chemin de fer. On retrouve également une prise de vue du canal de Lachine et une (en diptyque) du boulevard Monk, captant, l'été dernier, l'animation des «Champs-Élysées» de l'arrondissement, avec sa circulation difficile, ses arbres, ses terrasses sur les trottoirs et cette lumière douce de l'après-midi. On reconnaît même, sur un mur, une photo de Jon Rafman, provenant de sa série The Nine Eyes of Google Street View.

Fleurs sauvages

Les oeuvres de Doreen Lindsay sont les plus visibles de la salle. Il s'agit d'immenses photos de fleurs sauvages placées dans le cadre des fenêtres. Des plantes comme la salicaire, la chicorée sauvage ou l'achillée millefeuilles photographiées dans les buissons courant le long de la voie de chemin de fer.

«Pas besoin d'aller en forêt pour prendre de belles plantes, il faut juste les trouver dans les endroits cachés, dit Doreen Lindsay. Ce sont les plus grandes photos que j'ai faites.»

Atmosphère polonaise

De son côté, Michael Merrill documente depuis 10 ans le Sud-Ouest, comme son beau-père. Mais par la peinture et le dessin.

Il expose des aquarelles de vues du quartier: le pont des Seigneurs, le canal de Lachine et la rue Briand qu'il a représentée avec une immense encre sur papier. Magnifique scène hivernale de neige, de lumière sur des branches et de fenêtres d'immeubles rendues dans toute la gamme de gris. Une atmosphère qui rappelle les films de Krzysztof Kieslowski.

Il présente aussi deux oeuvres d'encre sur papier japonais où l'abstraction et le réalisme rendent le paysage mystérieux. «La peinture me fascine, dit-il. Notamment ce qui diffère entre la peinture et la photo. C'est complexe et, sur ce sujet, j'ai beaucoup de questions mais peu de réponses!»

Travail sur la lumière

Enfin, avec la démarche photographique d'Andrea Szilasi, on ne retrouve pas de figuration du Sud-Ouest, mais des observations intimes qu'elle a réalisées dans son atelier. Un travail sur la lumière présenté sous la forme de photos peintes, collées, retouchées, découpées ou reconstituées.

«Un travail qui parle de la photo puisqu'il faut de la lumière, dit-elle. Il n'y a pas de corps humains dans cette série, car je n'ai gardé que l'éclairage, en enlevant tout le superflu.»

Quatre styles dans une même famille. Quatre univers qui expriment la belle diversité d'un quartier qui inspire les artistes.

Il était une fois dans le Sud-ouest II, OEuvres de la famille Szilasi, à la Maison de la culture Marie-Uguay (6052, boulevard Monk), jusqu'au 19 décembre.

Photo: Gabor Szilasi, fournie par la Maison de la culture Marie-Uguay

Paysage du Sud-Ouest 2: Diptyque photographique en couleur que Gabor Szilasi a pris l'été dernier sur le boulevard Monk, dans l'arrondissement du Sud-Ouest.

Les autres expos à voir

EMANUEL LICHA 

La Galerie Donald Browne présente l'exposition In Camera de l'artiste montréalais Emanuel Licha: une série de photos de pièces d'hôtels où des journalistes ont logé pendant qu'ils couvraient une guerre; et une installation sonore et vidéo, Live Clock, qui diffuse les indicatifs musicaux qui précédent les bulletins d'information de différents médias. Une expo qui évoque la représentation des conflits. 

À la Galerie Donald Browne jusqu'au 20 décembre.

MANON DE PAUW

La finaliste au prix Sobey 2011 présente chez Division des photos récentes utilisant des images négatives de surfaces rocheuses imprimées sur des panneaux d'aluminium brossé. Le résultat est fascinant. À la même galerie en ce moment, des oeuvres de Mario Doucette, Myriam Dion, Jillian Kay Ross et Elisabeth Picard.

À la Galerie Division jusqu'au 17 janvier 2015.

FRANCESCA PENSERINI 

Le Centre culturel de Verdun invite les amateurs d'art à découvrir les dernières oeuvres de Francesca Penserini. Avec son exposition Dessein d'origine, l'artiste montréalaise dit poser un regard «réinventé sur des surfaces familières que l'on ne voit plus». Et ce, au moyen d'une installation de sculptures et de dessins qui évoquent le passage du temps, la nature et la fragilité des équilibres. 

Au Centre culturel de Verdun jusqu'au 28 novembre.

RENATA POLJAK

Une artiste croate, deux galeries. Une première au Canada. Occurrence présente une sélection de films et de vidéos récents de l'artiste et Optica, trois vidéos des années 2000, 2005 et 2014. À l'aide d'une imagerie métaphorique forte, Ranata Poljak se penche sur les phénomènes politiques, économiques et sociaux qui se sont déroulés en Croatie et en Europe depuis le début des années 90.

Dès demain chez Occurrence jusqu'au 17 janvier 2015 et chez Optica jusqu'au 20 décembre 2014.