Après Place à la magie, de 2002 à 2008, le Musée d'art contemporain de Montréal (MACM) inaugure aujourd'hui sa deuxième exposition permanente des oeuvres de sa collection: La question de l'abstraction présentera jusqu'en mars 2016 les oeuvres d'artistes québécois et canadiens qui ont marqué le mouvement de l'abstraction depuis 1938.

Depuis la création de la Société d'art contemporain par John Lyman en 1939, l'École de Montréal a marqué l'art pictural au Canada. Son rayonnement provient en grande partie du développement de l'art abstrait. Quelle bonne idée, donc, du MACM de célébrer trois quarts de siècle d'abstraction avec 110 oeuvres de 60 artistes, principalement des peintures et des sculptures.

L'exposition est un parcours chronologique qui permet de saisir l'évolution de la recherche de l'abstraction au Québec. Il débute, dès l'entrée, par quelques petits cadres de Pellan, Borduas, Riopelle, Ulysse Comtois et Jean Dallaire réalisés de 1938 à 1965.

Les maîtres

Mais c'est dans la salle suivante qu'on prend la mesure de l'élan post-Seconde Guerre mondiale que l'art abstrait a suscité grâce à deux maîtres d'exception: Jean-Paul Riopelle et Paul-Émile Borduas.

On constate l'évolution picturale de Borduas de 1945 à 1957 - avec la dépigmentation progressive de son travail, jusqu'aux tardifs cadres en noir et blanc -, et ce, en parallèle avec les oeuvres all-over de Riopelle et trois sculptures de l'écarlate Robert Roussil créées à la même époque. Le parcours défini par la commissaire Josée Bélisle se poursuit avec une salle consacrée aux Automatistes, dont Fernand Leduc, avec son Triptyque de 1964, ou le magnifique Rétine virevoltante (1966), de Marcel Barbeau.

On trouve ensuite les peintures colorées des Charles Gagnon, Rita Letendre, Paterson Ewen, Guido Molinari, Serge Lemoyne, Jean-Paul Mousseau (dont son magnifique Soleil de 1956) et Yves Gaucher, ainsi que les oeuvres des premiers plasticiens tels que Jauran, Jérôme, Louis Belzile ou Fernand Toupin. Des sculptures d'Armand Vaillancourt, de Françoise Sullivan (et sa Spirale de plexiglas de 1969), Peter Gnass ou Roland Poulin illustrent ce mouvement «des objets constructifs dans une forme régularisée», comme l'énonçait Borduas.

Et puis, bien sûr, des oeuvres des derniers artistes à avoir embrassé le non-figuratif, tels que Guy Pellerin, Louis Comtois, Francine Savard, Stéphane La Rue et Joseph Branco, dont son étonnant tableau Rejouer la mort, seulement pour vous plaire I, qui synthétise et résume l'abstraction québécoise.

L'exposition est accompagnée d'un addenda sur le même thème, Autour de l'abstraction, avec d'autres expressions de ce mouvement, notamment les oeuvres météoritiques en papier mâché de l'Autrichien Franz West et les étranges objets rougeâtres d'Anish Kapoor, sculpteur du Cloud Gate de Chicago.

Le musée ne propose pas d'audioguide pour bonifier la visite d'un enseignement sur cette période marquante de l'histoire de l'art du Québec. Une application pour téléphones intelligents et un catalogue seront toutefois proposés dans quelques mois.

Dommage aussi que la subvention de 500 000$ donnée par le gouvernement du Québec pour cette exposition ne puisse permettre une rotation des oeuvres des artistes exposés, alors que des milliers d'oeuvres de ces mêmes artistes espèrent notre regard dans les chambres fortes du musée.

En attendant l'agrandissement du MACM (le musée «refait ses devoirs», a dit la directrice Paulette Gagnon), il aurait été intéressant d'instaurer un changement régulier des oeuvres d'ici à mars 2016. Josée Bélisle explique que le «programme de soutien des expositions permanentes» du ministère de la Culture ne le permet pas, ce que nous a confirmé une porte-parole du Ministère. Dommage pour les amateurs.

La question de l'abstraction au MACM jusqu'en mars 2016