«C'est la maison qui m'attendait. J'en habite le refuge, loin des coups de sonnette du Palais-Royal», écrivait Jean Cocteau au sujet de la bâtisse qu'il affectionnait et qu'il avait acquise en 1947 avec Jean Marais à Milly-la-Forêt (Essonne), dans la banlieue sud de Paris. Restaurée, la maison a été inaugurée ce mardi, avant son ouverture jeudi au public.

L'avenir de la maison fut menacé après le décès en 1995 d'Edouard Dermit, compagnon et légataire universel de Cocteau. À la mort du poète en 1963 et jusqu'en 1995, Edouard Dermit a veillé sur l'ensemble des objets qui constituaient son décor quotidien.

En 2002, Pierre Bergé, aujourd'hui titulaire du droit moral de l'oeuvre de Cocteau dont il fut un proche, rachetait un million d'euros (1,26 million $ CAN) cette demeure, «la seule que Cocteau eût jamais possédé» et, respectant à la lettre les dernières volontés d'Edouard Dermit, lançait une vaste opération de restauration en vue d'un musée pour 3,45 millions d'euros (4,36 millions $ CAN).

«Du jour où j'ai connu Cocteau lors d'un déjeuner avec Bernard Buffet au Grand-Véfour, nous sommes devenus amis et ce, jusqu'à sa mort», s'est souvenu mardi devant les journalistes Pierre Bergé, glissant au détour d'une phrase qu'ils n'avaient «jamais été amants».

Seules trois pièces de la maison originale ont été intégralement reconstituées: le salon, la chambre à coucher et le bureau, «en fait son véritable espace de travail», dit Pierre Bergé. Le mécène souhaitait configurer le reste de l'espace pour mieux faire connaître l'oeuvre de l'artiste. «Ici tout est authentique, on n'a pas inventé quoi que ce soit, seuls certains tissus ou boiseries ont été rafraîchis», a dit le mécène à l'AP.

L'on y voit par exemple d'innombrables portraits de Cocteau par autant d'artistes et amis contemporains, dont Warhol, Picasso, Modigliani ou Man Ray. Cinq cents de ces oeuvres, souvent rares voire jamais vues, proviennent du fonds Dermit, qui en détient 3000 et les a prêtées à La Maison Jean Cocteau pour 15 ans.

«Je suis enthousiasmé du résultat, car, ainsi que le souhaitait mon père, c'est bien toute l'âme de Cocteau qui flotte dans cette maison», a confié à l'Associated Press Stéphane Dermit, 42 ans, fils d'Edouard et détenteur exclusif des droits d'auteur de Cocteau.

L'espace temporaire proposera à l'avenir des thématiques, tels que les Ballets russes, les années Montparnasse ou le théâtre, autant d'angles permettant d'appréhender l'oeuvre immense de l'artiste polymorphe. Salles d'exposition, de projection de films ou d'extraits sonores de pièces de théâtre complètent l'ensemble en plus des deux jardins, l'un domestique l'autre dit «des statues», où figure par exemple le buste de Turc, qui servit dans le film «La Belle et la Bête».

Rare clin d'oeil à la longue histoire d'amour qu'abritèrent aussi les murs de cette maison, un «mot» laissé par Cocteau à son compagnon, appelé «Doudou chéri», et le prévenant qu'il rentrera vers 8h et qu'il a «commandé un saumon fumé à Milly»...

Sur Internet: www.jeancocteau.net