L'artiste québécois André Desjardins a lui-même lancé sa carrière en finançant sa participation à l'Art Expo de New York en mars 2008. Le magazine Art Business News l'a depuis classé parmi les 10 artistes émergents les plus prometteurs. Notre journaliste l'a rencontré à Los Angeles.

André Desjardins a les yeux fatigués, mais son sourire prend le dessus. «Excuse-nous, ça fait deux jours qu'on ne dort pas, dit-il. On a trois enfants à Montréal, mais ce n'est rien comparé à ce qu'on vit ce week-end à L.A.»Nous sommes dans un restaurant de Laguna Beach, à une heure au sud de Los Angeles. Desjardins et sa copine, Hélène Bélanger Martin, y ont été conduits par David Winn, le propriétaire de Masterpiece Publishing, l'une des agences de peintres et de sculpteurs les mieux cotées aux États-Unis.

Pendant que nous parlons, M. Winn s'occupe d'une trentaine d'invités à une autre table. Il s'agit des plus grands collectionneurs et propriétaires de galeries d'art privées du continent.

La veille, Desjardins a fait fureur à la soirée d'exposition-gala des oeuvres de 2010 de Masterpiece Publishing. Il a vendu une dizaine de tableaux. Et quatre sculptures en bronze.

«J'ai aussi booké des expos, dit-il. Au Texas, au Colorado, en Floride... Ça a été un succès complet pour nous.»

La vie d'André Desjardins a changé du tout au tout durant le week-end de l'Art Expo de New York, l'an dernier. Nathalie Petrowski a récemment décrit dans ces pages l'histoire incroyable de Desjardins, peintre-sculpteur de Montréal qui espérait vendre six toiles à New York. Il en a finalement vendu 26, est devenu le clou de l'expo, et s'est fait repêcher par Masterpiece Publishing, qui lui a offert un contrat de 10 ans sur-le-champ.

C'était en 2008. Aujourd'hui, Desjardins profite de sa notoriété nouvelle pour faire ce qu'il aime le plus: créer. «Je n'ai plus à m'occuper des clients, des relations publiques, du côté administratif, dit-il. Je peins et je sculpte, c'est tout. Et c'est génial.»

Desjardins crée la première phase des sculptures dans son studio de la rue De Gaspé, à Montréal. Puis il envoie le tout à une fonderie de Santa Fe Springs, près de L.A., pour les phases subséquentes. Une fois par mois, Desjardins s'envole pour la Californie et vient travailler à la fonderie, où tout le monde le connaît par son prénom.

Quant à ses tableaux, ils montrent des visages pensifs ou torturés, très réalistes, qui occupent souvent presque tout l'espace.

Desjardins travaille en étroite collaboration avec sa copine Hélène, qui a réalisé un court film de 10 minutes sur son travail, film diffusé sur le site de la Galerie Roccia, qui représente l'artiste à Montréal.

Ironiquement, le marché américain est plus réceptif à l'art de Desjardins que le marché québécois, où les artistes ont souvent du mal à se faire remarquer, note-t-il.

«C'est difficile de percer à Montréal. Une galerie peut facilement recevoir 1000 portfolios. Ils n'ont souvent pas le temps de les ouvrir. Pour se démarquer, il faut être connu, il faut avoir un nom... À Montréal, mon nom est banal. À Los Angeles, les gens trouvent ça sexy.»

Ces jours-ci, les toiles de Desjardins se vendent autour de 12 000 $ en moyenne, certaines pièces plus importantes peuvent rapporter jusqu'à 50 000 $. Des sommes que certains amateurs d'art dépensent spontanément, ce qui l'étonne à chaque fois.

«À New York, une femme m'a acheté un tableau de 7000 $ en moins de trois minutes, comme si je m'achetais un t-shirt chez Gap. C'est sidérant de voir ça.»

Quand on lui demande d'examiner son parcours, Desjardins remarque qu'il n'a pas eu à changer son art pour évoluer aux États-Unis.

«Je fais les mêmes tableaux depuis des années. J'ai toujours fait ça. Si je peux donner un conseil aux artistes qui commencent, c'est celui-là. Ne lâchez pas. Si vous avez un style unique, cultivez-le. C'est ce qui attirera le regard. C'est ce que les amateurs d'art recherchent.»

Infos: www.galerieroccia.com