La promesse tenue des six jours gratuits de son volet extérieur : la grande bringue des musiques du monde marche sur de hauts sommets. Témoignages.

Musiques africaines, brésiliennes, latines et antillaises. Journalistes de toutes provenances. Public de toutes allégeances et de tous dialectes. Le Village des Nuits d’Afrique a bouillonné comme on l’espérait, la semaine dernière, durant la sizaine de sa portion gratuite.

C’est Lamine Touré, fondateur du club Balattou et cofondateur de Nuits d’Afrique, qui était tout sourire jeudi dernier lorsque La Presse l’a rencontré. Son festival continue de progresser et de rassembler. Son financement est plus substantiel. Et le plus important : les festivaliers sont au rendez-vous comme jamais. Sa directrice générale Suzanne Rousseau, comme une louve dans la nuit, s’inquiétait du son émanant des enceintes du Parterre symphonique. Rassurée après son tour de reconnaissance, c’était « juste [son] impression ». Des gens fébriles et perfectionnistes comme on les aime !

Nous sommes le 20 juillet.

Thaynara Peri, Québécoise aux origines brésiliennes, avait des rudiments de la Musica Popular brasileira à offrir aux curieux devant la scène de l’esplanade Tranquille qui s’emplissait à 19 h d’un groove parfumé par la flûte traversière, instrument d’une autre décennie pour certains, mais encore pertinent en Amérique latine. On a même eu droit à une finale déjantée et improbable de Smoke on the Water des rockeurs anglais Deep Purple. Étonnant ? Oui. Transcendant ? Bof…

  • Le marché Tombouctou du festival rassemble de nombreux artisans.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Le marché Tombouctou du festival rassemble de nombreux artisans.

  • Le marché Tombouctou du festival rassemble de nombreux artisans.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Le marché Tombouctou du festival rassemble de nombreux artisans.

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Tout de suite après, direction le Parterre symphonique et la scène Radio-Canada où les dix musiciens du collectif incendiaire colombien Bejuco nous ont aspiré de leurs percussions, tambours, de polyrythmies ancestrales contagieuses avec foulards et serviettes agités à bout de bras, marimbas à l’appui. Batea, leur plus récent disque paru en 2021, fut l’occasion de faire tournoyer plus d’une paire de hanches avec en prime un jeu des voix qui permet d’oxygéner leur musique. Décoiffant !

La très attendue Sona Jobarteh, ressortissante gambienne établie au Royaume-Uni que mon collègue Alexandre Vigneault a interviewée, fut certes le joyau annoncé : dès les premiers accords, l’espace s’emplit d’une présence si forte, elle qui parle un peu le français, toujours d’une voix délicate.

Ils sont trois derrière la joueuse de kora, percussions, congas, basse ou guitare, la cadence est souvent vitaminée à souhait, mais c’est lorsqu’elle nage en eaux calmes que sa voix et son jeu à la kora nous prennent à la gorge, ses doigts harcèlent l’instrument avec précision, le fruit d’une concentration méditative absolue. Grâce aux deux écrans disposés de chaque côté de la scène du Parterre symphonique, nous avons vu une grande artiste à l’œuvre. Chaque titre était chaleureusement reçu, le langage universel qui transgresse les cultures !

Lisez notre entretien avec Sona Jobarteh

Manger des pays, boire des cultures

Adjacent à cette scène, toujours dans l’espace gazonné, on en a aménagé une plus petite favorisant l’intimité des duos. Appelé Cabaret Nuits d’Afrique, le petit chapiteau est à sa place dans la moiteur tropicale ambiante.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Le Cabaret Nuits d’Afrique

Certains en profitent pour se nourrir juste à côté à la Promenade des saveurs : cuisine de l’Afrique de l’Ouest, jamaïcaine, berbère, antillaise, Île Maurice, c’est la file partout. Derrière ces installations de fortune, grillades et réchauds fonctionnent à plein régime, une douzaine de tables à pique-nique sont prisées des bouffeurs, le bar juste à côté est, sans surprise, pris d’assaut, les équipes de terrain approvisionnent la gargote en sacs de cubes de glace... la machine Nuits d’Afrique est testée, pas de doute !

On a peine à imaginer qu’un autre festival – Juste pour rire – a lieu simultanément dans la partie ouest du Quartier des spectacles, sur la place des Festivals. Personne n’empiète sur l’autre. Harmonie des saveurs et partage équitable des lieux.

Samedi dernier, Valérie Ékoumè, la Française d’origine camerounaise avec son look à la Mariam (Amadou & Mariam), accompagnée de son fidèle quatuor coiffé de symboliques têtes d’éléphant, nous a subjugué au fur et à mesure que les phrasés roulaient sur des rythmiques sérieusement ensoleillées. Avec son mix afropop décomplexé, l’ancienne collaboratrice de Manu Dibango et Youssou Ndour a gagné de nouveaux adeptes, c’est certain.

  • Concert de Valérie Ékoumè

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Concert de Valérie Ékoumè

  • Ilam en concert durant le festival

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Ilam en concert durant le festival

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Quelques enjambées et nous voici devant la scène principale, là où le Sénégalo-Québécois à la voix angélique et blessée Ilam nous a bercé de ses mélopées mystérieuses au son d’une guitare acoustique et d’un groupe efficace, mais discret. Toute la place est donnée à cette voix qui semble évoquer des démons invisibles. Un beau contrepoint dans cette programmation après les beats de tous acabits entendus jusqu’ici.

On en profite ici pour mentionner au passage une belle initiative : les avides de nouveauté en musiques du monde seront bien servis grâce au nouveau site lapercée. ca qui propose un laboratoire collectif avec un éventail de choix d’artistes world, du contenu à découvrir ainsi qu’une plateforme de réseautage.

Le Cubano-Québécois Rusdell Nunez y Su Sabor Concentra’o avait la lourde mission de clore la soirée avec une armada de cha-cha, de rumba, de reggaeton, de salsa et d’autres rythmes afro-cubains propices à la danse. Disons qu’on était plus près de La voix (à laquelle il a participé en 2014) que des grands ensembles tels Los Van Van ou Irakere. C’était plus de la variétoche sucrée, mais bon, si le monde danse…

Dimanche soir, la 37e édition de Nuits d’Afrique s’est achevée aux sons festifs de l’Ivoirien Meiway et le Zo Gang. On remet ça l’an prochain, du 9 au 21 juillet, pour ce petit festival devenu grand.