Il faut être diablement difficile pour ne pas craquer pour la musique de la Gambienne Sona Jobarteh. Considérée comme la première femme jouant professionnellement de la kora, elle insuffle une touche de modernité à ses racines mandingues. Elle présentera ses chansons emballantes lors d’un concert extérieur gratuit dans le cadre du Festival international Nuits d’Afrique.

Ce qui fait la beauté de plusieurs des festivals qui animent le Quartier des spectacles au fil de l’été, c’est la possibilité de découvrir des talents exceptionnels sans même avoir à mettre la main dans sa poche. Ne tournons pas autour du pot, avec celui de Yemi Alade (19 juillet), son concert extérieur prévu le 20 juillet sur la place des Festivals s’annonce d’emblée comme un moment fort de la présente édition du Festival international Nuits d’Afrique.

Sona Jobarteh a en effet offert, selon l’auteur de ces lignes, l’un des plus beaux albums de 2022. Badinyaa Kumoo, publié plus d’une décennie après son prédécesseur (Fasiya, 2011), est porté par un groove à la fois doux et entraînant, des chœurs élégants, des percussions loquaces, des clins d’œil au blues du désert et des emprunts au jazz. Tout ça sans vraiment s’éloigner de la tradition mandingue dont elle est issue.

La chanteuse et compositrice née en Angleterre a passé son enfance entre l’Europe et la Gambie, le pays de son père. Ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle s’est fixée à Londres, le temps de faire l’école secondaire et de poursuivre plus tard une formation classique au Royal College of Music où elle a étudié le violoncelle, le piano et le clavecin.

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL NUITS D’AFRIQUE

Sona Jobarteh en concert

Avant mes 14 ans, je n’ai jamais eu le sentiment de devoir choisir entre les deux cultures. C’est seulement à ce moment-là que j’ai commencé à me demander comment j’allais trouver ma place dans la société européenne.

Sona Jobarteh

Ce n’est qu’en prenant la décision de se consacrer à la maîtrise de la kora, instrument traditionnel des griots d’Afrique de l’Ouest dont l’enseignement se passe en général de père en fils, qu’elle a trouvé un début de réponse. « J’ai senti que je pourrais écrire plus de musique dans cette veine et commencé à avoir confiance que je n’avais pas à adopter un autre style pour être reconnue en Europe », résume-t-elle.

Son intuition était bonne : Sona Jobarteh n’a pas encore 40 ans et sa renommée est internationale. Elle a d’ailleurs reçu au printemps deux importantes distinctions : un doctorat honorifique du Berklee College of Music et le prix Songlines remis au meilleur album issu d’Afrique ou du Moyen-Orient (devant entre autres Les racines de Vieux Farka Touré).

Un outil de transmission

« Écrire de la musique, pour moi, ce n’est pas une affaire de technique, dit-elle. Je ne pense pas en termes de notes, d’intervalles, d’harmonies ou de rythme. Ma musique est une expression authentique d’un sentiment que je souhaite communiquer. De la même façon que je ne réfléchis pas aux mots que j’utilise en ce moment, mais plutôt à ce que je souhaite transmettre, je fais de la musique en songeant d’abord au message que je veux partager à travers les sons. »

La musique n’est pas une fin en soi pour Sona Jobarteh, c’est une façon de parler de ce qui lui tient à cœur, c’est-à-dire l’éducation. Elle a fondé la Gambian Academy, une institution située à Banjul, capitale de la Gambie, dont la mission est d’inventer un nouveau modèle d’éducation pour l’Afrique qui serait affranchi de celui imposé par les colonisateurs. Elle consacre une grande partie de son énergie à ce projet qu’elle décrit comme « une montagne », mais qui est essentiel selon elle pour former des esprits novateurs qui feront avancer le continent entier.

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On le devine aisément, la musique est l’un de ses outils de prédilection pour reconnecter les jeunes générations à leurs racines. Les frontières de la Gambie comme des autres pays africains étant issues de lignes tracées artificiellement par les Européens, Sona Jobarteh se réclame d’abord de la culture mandingue, présente dans une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest.

La musique ne peut pas être prise hors contexte ou détachée de ses racines. Ce que j’essaie de montrer, c’est qu’il est possible d’avoir une voix contemporaine au sein de ces traditions. Cela contribue à les moderniser et à les préserver en même temps.

Sona Jobarteh

Sa trajectoire de femme joueuse de kora célébrée démontre que la chose est possible.

« La kora a déjà été un instrument nouveau, moderne. Le répertoire est pourtant bien plus ancien que la kora elle-même, souligne-t-elle. Ce que je veux dire, c’est que les traditions évoluent continuellement et qu’elles doivent évoluer pour survivre, sinon, elles se perdront. »

Le 20 juillet, à 21 h 30, sur la scène TD-Radio-Canada, place des Festivals

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