Un peu naïvement, notre défi était de savoir qui était le meilleur guitariste du Québec. Seulement, lorsque nous avons sondé le milieu, les artistes nous ont rapidement indiqué que le « meilleur », ça n’existe pas. Tant de styles, de goûts, de variables… Cela dit, six experts de la six-cordes ont bien voulu se confier sur les guitaristes québécois qu’ils admirent et qui les font vibrer. Simple constat : un nom particulier a été soulevé à maintes reprises…

Le choix de Steve Hill : Andrew Cowan (un soir de 1999)

Le premier à remettre en question l’existence du « meilleur guitariste » au Québec, c’est Steve Hill, expliquant que la grâce touche parfois le manche d’un musicien simplement le temps d’un spectacle. « Tu peux être le meilleur un soir, et le lendemain, ce sera un autre », lance-t-il. La transfiguration la plus marquante dont il a été témoin a eu lieu en 1999, dans un club de bikers, en France. Il assurait alors la première partie du Stephen Barry Band, où officie Andrew Cowan à la guitare. « Là, il s’est passé quelque chose de magique. Stephen m’a dit qu’il n’avait jamais entendu jouer Andrew ainsi depuis 30 ans, et il n’a jamais rejoué comme ça depuis », raconte-t-il. Sa guitare sonnait divinement, sortant des phrasés inédits, à renfort d’étonnants bends (action de tirer les cordes) et de désaccordages. « Ce soir-là, c’était le meilleur guitariste sur la planète, j’ai appris plein de trucs dont je me sers encore, souligne le bluesman. Il était connecté, c’est difficile à expliquer. Personnellement, quand j’ai des bons soirs comme ça, je deviens moi-même un instrument. Mais ça n’arrive jamais dans les gros shows ! »

Quelques notes sur Steve Hill

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Steve Hill est salué comme une référence de la guitare au Québec.

Originaire de Trois-Rivières, Steve Hill s’est imposé comme un incontournable de la scène blues-rock, ayant mis au point un système où il assure guitare, basse et batterie lui-même.

Le choix de Simon Godin : Joe Grass/Pierre Côté

Même refrain chez Simon Godin : le meilleur guitariste du Québec, ça n’existe pas. Il dit respecter tous ses pairs, évoquant quelques noms (Zale Seck, Guillaume Doiron), mais avoue avoir un faible pour l’approche de Joe Grass. « Pour moi, être un bon guitariste, ce n’est pas nécessairement avoir la meilleure main. Il y a la “touch”. Ça, tu ne le gagnes pas dans une boîte de Cracker Jack. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Et Joe Grass, il l’a », explique celui qui multiplie les apparitions télévisées (La belle tournée, Belle et Bum). Admiratif de son dernier album, il dit aimer comment le musicien place ses lignes un peu en arrière du temps, son côté « antijeu » et son langage. « Il met de la poésie dans sa musique, tu comprends exactement quelle émotion il veut transmettre », souligne-t-il. Soudain, un éclair traverse son esprit. « OK. Pierre Côté. Ça se peut pas de jouer de la guitare comme ça », lance Simon Godin, se souvenant de sa première écoute sur Portraits de Jim Corcoran.

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« Je suis tombé en bas de ma chaise. Ça n’avait aucun estie de sens. Et il est capable de faire tout, de façon incroyable. Donne-lui une guitare classique, tu vas penser qu’il est guitariste de flamenco. Pareil pour le jazz ou le country. Une guitare avec un floyd ? Il te jouera Van Halen. » « Je trouve la proposition artistique de Joe Grass plus trippante, résume-t-il. Mais pour ce qui est de l’exécution, Pierre Côté, ça n’a aucun bon sens. Quand il est là, tout le monde se tait, on a tous l’air de propriétaires de guitare et on se dit : “On va rester tranquilles à soir” ! »

Quelques notes sur Simon Godin

PHOTO CLAUDE DUFRESNE, FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC

Simon Godin est un habitué des plateaux télévisés.

Simon Godin est intervenu à titre de guitariste dans de nombreuses émissions de télévision (La belle tournée, Belle et Bum) et accompagne Richard Séguin depuis 2006.

Le choix de Dan Mongrain : Denis « Piggy » D’Amour

En pleine tournée européenne avec Voivod, le guitariste Daniel « Chewy » Mongrain a pris le temps de répondre à notre sollicitation par courriel, sondé sur le terrain du metal. D’abord hésitant à jeter son dévolu sur un homologue, il a finalement rendu un vibrant hommage à son prédécesseur Denis « Piggy » D’Amour, disparu en 2005. « Pour moi, il sera toujours le “meilleur” dans le metal au Québec, autant par son jeu et un son unique que par son vocabulaire tiré directement du mouvement rock progressif des années 1970 qu’il a su fusionner avec le son mouvement metal, tout en incorporant des citations musicales de grands compositeurs tels Stravinsky ou Chostakovitch », nous a écrit Dan Mongrain. Il souligne également l’influence sur Piggy de groupes progressifs tels qu’ELP pour ses parties claviers ou King Crimson et ses dissonances, avant qu’il ne devienne lui-même à son tour une influence pour les autres musiciens de la scène metal, voire au-delà. « Il sera toujours pour moi un modèle, un guide et une inspiration », conclut celui qui vient de célébrer sa 15année d’appartenance à Voivod.

Quelques notes sur Daniel « Chewy » Mongrain

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Voivod se produira au Québec dès le 15 septembre.

Après avoir tourné avec Gorguts, Alcoholica, Capharnaum et Cryptopsy, Dan Mongrain a intégré Voivod en 2008 en remplacement de Denis D’Amour.

Le choix de Paule Magnan : Pierre Côté

Celle qui écume de longue date scènes, plateaux de télévision et salles de cours à titre d’enseignante reconnaît qu’il y a une foule d’excellents guitaristes québécois. Spontanément, deux coups de cœur lui viennent en tête : Pierre Côté et Michel Cusson, ce dernier l’ayant soufflée lors de son dernier passage au Festival de jazz. À propos du premier, elle l’a découvert lors d’un concours à Toronto, alors qu’elle jouait avec le Big Band Saint-Laurent, tandis que Pierre s’était présenté avec le Big Band McGill. « Il s’était levé et avait joué un solo de jazz qui était passé au travers de la salle, c’était effrayant ! Après ça, je l’ai vu jouer dans plein de contextes différents, comme du slow blues, où il enchaînait les solos à m’en faire dresser les cheveux sur la tête », se souvient Paule Magnan, louant son aisance déconcertante dans une large palette de styles. La guitariste a d’ailleurs suivi quelques cours avec lui récemment, appréciant « sa musicalité, sa technique, son improvisation, son son… mais surtout, sa capacité à faire lever une chanson », énumère celle qui le rapproche de Scott Henderson. « Et il est très gentil ! », conclut-elle.

Quelques notes sur Paule Magnan

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Paule Magnan a côtoyé de nombreux artistes au cours de sa carrière.

Plateaux de télévision (Belle et Bum, Funnoir), grandes scènes nationales, studios… Paule Magnan a joué autant de notes dans sa vie qu’elle a multiplié les apparitions, réalisations et collaborations dans le milieu musical et guitaristique québécois.

Le choix de François Rioux : François Jalbert

PHOTO MARC-ANTOINE HALLÉ, FOURNIE PAR FRANÇOIS RIOUX

François Rioux, membre des Lost Fingers

Investissons le terrain jazz, au sein duquel François Rioux officie en tant qu’artiste (The Lost Fingers) et professeur (il enseigne à l’Université Laval). Il gratte certes sa guitare, mais s’est surtout gratté la tête quand on lui a demandé de désigner un musicien qui l’impressionne dans cette sphère. Entre deux soupirs, les noms ont virevolté : Sylvain Provost, Stéphane Tellier, Jean-Sébastien Williams… Il hésite à rendre hommage aux précurseurs (Richard Green) ou à la relève (Sam Kirmayer). Finalement, ce sera François Jalbert – même s’il a un peu pris ses distances avec le jazz, où il a fait ses gammes. « C’est un jeune très créatif dans sa composition et son improvisation, avec une belle maîtrise de l’instrument. Il n’embarque pas dans des plans prédéfinis, est sans compromis dans sa façon de jouer, avec un super instinct, laissant beaucoup de place dans ses impros », pointe François Rioux. Le professeur apprécie aussi la capacité de Jalbert à utiliser toute la profondeur de sa formation jazz. « Ce n’est pas juste un bon guitariste techniquement, car du point de vue musical, il peut prendre des avenues inattendues, se laisser porter par le flow. Il y a les moyens de le faire, pas juste d’essayer et se planter ! »

Quelques notes sur François Rioux

Membre du trio The Lost Fingers, tout en menant une carrière solo et diverses collaborations, François Rioux est également professeur de guitare jazz à l’Université Laval.

Le choix de Caroline Planté : Stéphane Tellier

Nous avons joint Caroline Planté, dont le flamenco coule dans les veines, pour désigner un coup de cœur en matière de musique du monde. Ne se cantonnant pas à la guitare hispanique, elle a évoqué le nom de Stéphane Tellier, qu’elle admire de longue date. Excellent dans le jazz manouche, il se montre aussi touche-à-tout, multiplie les collaborations, flirte avec le classique – le premier album de son groupe Axiome l’illustrant parfaitement. « Je le trouve différent, il a une façon de composer et d’approcher l’instrument qui me touche et me rejoint, juge Caroline Planté. J’aime sa polyvalence et sa sensibilité. Il peut être extrêmement technique, mais aussi laisser beaucoup de silences, et ça, pour moi, c’est important, car il ne fait pas simplement jouer des notes pour des notes : il parle avec son instrument. » Par la bande, la joueuse de flamenco a eu d’excellents mots pour Joe Grass. « Il peut être un peu plus cinématographique dans ses compositions, il raconte des histoires. On le reconnaît toujours quand il joue : il a son son, ce n’est pas facile d’y arriver et je trouve ça important », indique celle qui a aussi une grande estime pour un certain… Pierre Côté.

Quelques notes sur Caroline Planté

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Caroline Planté et son comparse Zal Sissokho forment Kora Flamenca, qui se produira cet été au Québec (à Terrebonne le 3 août, à Saint-Bruno le 5 août, à Montréal le 9 août et à Sherbrooke le 12 août).

Guitariste de flamenco depuis 40 ans, Caroline Planté a été initiée à l’instrument par son père, a poursuivi sa formation à Séville, puis a tourné en Espagne pendant 10 ans. Depuis son retour au Québec, elle mène divers projets, dont Kora Flamenca avec Zal Sissokho.

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