L’animatrice, écrivaine et actrice anglaise Jameela Jamil n’a pas la langue dans sa poche. La vedette de la série The Good Place a participé, mardi, à une conférence dans le cadre de C2 Montréal et n’a pas manqué d’aborder de front toutes les questions posées par l’animatrice Tranna Wintour. Coup d’œil sur les combats d’une artiste et militante bien de son temps.

i_weigh : du compte Instagram au mouvement social

Fervente détractrice de Photoshop, Jameela Jamil encourage la diffusion d’une saine image corporelle sur les réseaux sociaux comme dans les médias et lutte contre l’obsession de la minceur dans la société. En mars 2018, elle se lance sur Instagram avec @i_weigh afin de favoriser l’estime de soi. Un peu plus de deux ans plus tard, c’est également devenu un podcast, un site internet mais surtout un véritable mouvement social suivi par plus de 1,3 million d’adeptes. L’actrice vedette de The Good Place n’hésite d’ailleurs pas à s’élever contre les Kim Kardashian et les Cardi B de ce monde lorsqu’elles font la promotion de régimes amaigrissants auprès de leurs jeunes fans sur les réseaux sociaux.

« Quand j’ai commencé à découvrir Instagram, j’ai cliqué sur le bouton “explorer” et je me suis retrouvée devant toutes ces images de femmes connues, ces clichés retouchés, des images irréalistes ! Et tous ces produits qui n’ont aucun sens qui nous sont vendus. Je me dis : mon Dieu, est-ce que c’est ça que les jeunes regardent ? Rien n’a changé, c’est la même chose que je voyais il y a 20 ans », se rappelle Jameela Jamil.

« J’ai pété les plombs, je me suis fait entendre sur les réseaux sociaux, et c’est devenu viral. J’ai décidé d’utiliser une autre signification de “I Weigh”, c’est-à-dire la somme de toutes les parties de moi et non le chiffre sur la balance. On est arrivé, je pense, à un moment de frustration où les femmes étaient prêtes à s’organiser et à bouger contre ce système qui a pris en otage des semaines, des mois ou des années de notre vie », ajoute la comédienne et militante.

> Consulter le site d’iweight

Durant son adolescence, Jameela Jamil a notamment souffert de maladie mentale et a dû faire face à un trouble alimentaire. « J’ai été très blessée par ce que je voyais dans cette industrie. En être complice aujourd’hui serait un crime contre la petite fille de 12 ans que j’étais. Je vois encore le mal que ça peut faire aux jeunes femmes aujourd’hui. Je ne peux pas rester là sans rien dire. Si on diversifie ce qu’est la beauté, ce qui la définit, plus de personnes vont se sentir mieux », explique-t-elle.

Vers une plus grande diversité culturelle

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Jameela Jamil

De parents indiens et pakistanais, Jameela Jamil a grandi en Grande-Bretagne sans avoir de modèles à qui s’identifier. « Quand j’étais petite, je souhaitais tellement ne pas être originaire d’Asie du Sud parce que je ne voyais jamais des personnes comme moi être des héros ou des sexe-symboles. Je pensais que quelque chose n’allait pas chez moi, alors que c’était plus la représentation des femmes dans les médias qui clochait », se souvient-elle.

Militante depuis l’âge de 19 ans, Jameela Jamil enseigne d’abord l’anglais, anime ensuite diverses émissions à la télé et à la radio (elle est la première femme à la barre de l’émission The Official Chart diffusée sur les ondes de BBC Radio 1) en Angleterre, puis tente sa chance à Hollywood pour travailler comme scénariste. Sans expérience, elle auditionne en 2016 pour un rôle dans la comédie The Good Place et l’obtient.

« Je n’ai jamais voulu être connue. Mais je savais que ça me donnerait une plateforme. Quand j’étais jeune, je voyais Angelina Jolie et je me demandais comment cette femme blanche d’Amérique du Nord arrivait à attirer l’attention sur ce qui se passait dans mon propre pays, au Pakistan, ou au Cambodge. Tout à coup, tout le monde y prêtait attention. C’est devenu clair pour moi que je pouvais être un cheval de Troie et exposer l’industrie de l’intérieur. Mais j’aime aussi cette industrie, qui a tant de beauté et de pouvoir. Mais il faut faire le ménage ! »

Selon la comédienne queer, le monde de la télévision et du cinéma est dominé par un cercle d’hommes blancs d’âge mûr. « Comme le dit si bien Ava DuVernay, il faut arrêter de demander une place à la table des décisions et faire sa propre table. Ça donne des productions comme Black Panthers, Crazy Rich Asians ou The Good Place. On ne devrait pas avoir à supplier pour être repérée et être vue au-delà des stéréotypes », estime Jameela Jamil.

Féminisme et solidarité féminine

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Jameela Jamil est résolument féministe.

Jameela Jamil est résolument féministe. « Quand tu es une femme, ce n’est pas un sprint, mais un marathon. Tu dois planifier ton marathon, surtout si tu es marginalisée. » Et pour avancer vers la parité et l’égalité hommes-femmes, il faut avant tout faire preuve de solidarité féminine, explique-t-elle.

« Le patriarcat, c’est comme un chiot qui cherche à détruire tout ce que tu possèdes, illustre-t-elle. Tu dois rester concentrée, comprendre que les hommes sont terrifiés par nous. Ils ont peur de notre liberté. C’est vital que les femmes comprennent que nous serons toujours une menace pour eux. C’est de moins en moins un boys club. Je vois plus de femmes derrière la caméra. C’est rassurant de voir que quand les femmes se rassemblent pour une même cause, comme avec le mouvement #metoo, ça fait avancer les choses. Depuis toujours, on nous met en compétition, car on se fait dire qu’il n’y a de la place que pour l’une d’entre nous. On s’aperçoit que c’était une technique pour diviser et mieux régner. On est plus efficaces quand on se tient ensemble. »