Malgré la pandémie qui a paralysé le milieu culturel, l’année 2020 a été riche en nouvelles et en revirements. Voici quelques faits saillants dignes de mention.

Cette liste de lecture s’autodétruira dans 3, 2, 1…

En demandant à François Legault de présenter sa liste de lecture dans le cadre de Lire en chœur, initiative qu’elle avait instaurée au début de la pandémie pour soutenir la littérature québécoise, l’Association des libraires du Québec (ALQ) s’est retrouvée sur la sellette. Devant les critiques, entre autres parce que le premier ministre avait inclus un ouvrage de Mathieu Bock-Côté dans sa sélection, la liste a d’abord été retirée – mais pas la vidéo de 30 minutes qui l’accompagnait –, puis deux jours plus tard, devant les critiques encore, la liste a été remise en ligne. L’ALQ a admis son erreur et s’est excusée, François Legault s’est déclaré soulagé, et on peut toujours consulter sa liste, ainsi que toutes les autres faites depuis neuf mois, sur la page Facebook de l’ALQ.

> Consultez la liste de François Legault

> Consultez la page Facebook de l’ALQ

Le feuilleton de l’été : le Musée des beaux-arts de Montréal

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Nathalie Bondil

Le congédiement de la directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal Nathalie Bondil – à la mi-juillet – a eu l’effet d’une bombe dans le milieu muséal. Pourtant, de nombreux employés dénonçaient un climat de travail malsain depuis un certain temps ; leurs plaintes ont d’ailleurs été colligées dans un premier rapport réalisé par une firme indépendante de ressources humaines. L’embauche de Mary-Dailey Desmarais au poste de conservatrice en chef par le président du conseil d’administration Michel de la Chenelière, contre l’avis de Mme Bondil, met le feu aux poudres. La tension monte. Le C.A. montre la porte à celle qui dirigeait le musée depuis 2007. Le gouvernement ordonne une analyse de la gouvernance du Musée, puis à la lecture du rapport, exige une reddition de comptes du Musée qu’il finance à coup de 16 millions annuellement. Nathalie Bondil poursuit les 21 membres du C.A. qui l’ont congédiée pour une somme de 2 millions, le mécène et homme d’affaires Pierre Bourgie est nommé président du C.A., Michel de la Chenelière échoue à se faire réélire comme administrateur et trois femmes font leur entrée dans le club : Valentine Goddard, Caroline Codsi et Claudette Hould. L’automne s’est conclu par la nomination de Stéphane Aquin, qui a occupé le poste de conservateur de l’art contemporain de 1998 à 2015, comme successeur de Mme Bondil. Et le projet de construction d’une aile pour abriter une collection privée des œuvres de Riopelle est abandonné.

La rentrée la plus courte de l’histoire !

PHOTO FRANCOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le théâtre de La Licorne en contexte de COVID-19 en septembre dernier. La présentation de la pièce Je suis mixte, mise en scène par Mathieu Quesnel, a été interrompue quand les salles de spectacle ont fermé le 1er octobre…

Vingt-trois. C’est le nombre exact de jours qu’aura duré la rentrée culturelle automnale cette année. Le 8 septembre, La Licorne ouvrait le bal à Montréal avec la première de la pièce Je suis mixte, de Mathieu Quesnel. Le TNM a suivi, Duceppe aussi… Alors, on s’est mis à y croire : les arts vivants reprenaient tranquillement leurs droits. Le cœur des salles de spectacle palpitait de nouveau et les spectateurs étaient au rendez-vous, masqués et en nombre limité, mais qu’importe. Malheureusement, ce que plusieurs redoutaient est arrivé : le 1er octobre, les salles ont de nouveau été plongées dans l’obscurité. Jusqu’à quand ? Personne n’ose plus s’avancer…

Le géant aux pieds d’argile : le Cirque du Soleil

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La deuxième mouture du spectacle Alegria a été le dernier spectacle sous chapiteau présenté à Montréal, à l’été 2019.

Qui aurait pu prévoir la chute du Cirque du Soleil, puis sa faillite, en l’espace de trois mois ? Dès la fin du mois de mars, la multinationale du divertissement a été forcée d’annuler ses 44 spectacles et de mettre à pied la quasi-totalité de ses quelque 5000 employés. On parle précisément de 4679 personnes, dont plus de 1500 artistes, qui ont quitté le navire amiral du cirque québécois, et se sont retrouvés le bec à l’eau. Parmi eux, près d’une centaine de contractuels, qui réclament d’ailleurs (toujours) des honoraires de près de 1,5 million pour des contrats réalisés avant la pandémie. Ça, c’est sans compter les nombreux fournisseurs à qui le Cirque doit des sommes de plusieurs dizaines de millions de dollars. Fin juin, face à une crise imprévisible, le Cirque se met à l’abri de ses créanciers. Ses actionnaires principaux, menés par le fonds américain TPG, offrent de le racheter, mais d’autres acteurs se montrent intéressés, dont le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, et le fondateur du Cirque, Guy Laliberté. Ce sont finalement les créanciers du Cirque, menés par la firme Catalyst Capital Group, qui rachètent l’entreprise. Le PDG Daniel Lamarre est maintenu en poste, mais le Cirque est toujours paralysé. Ironiquement, c’est son spectacle permanent à Hangzhou, en Chine, qui a repris graduellement du service pendant l’été. Les spectacles du Mexique (Joya) et de la Floride (Cirque Dreams) ont aussi été relancés progressivement à l’automne. Pour le reste, toute l’histoire du Cirque est à récrire.

Le ressuscité : le ciné-parc

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le collège Durocher de Saint-Lambert organisait, le 18 juin, une soirée au ciné-parc Saint-Eustache pour souligner le départ de ses finissants. Charles-Antoine Bourdeau et sa sœur Anne-Sophie Bourdeau attendaient, ici, le début des festivités.

On n’allait déjà presque plus au ciné-parc. Même pour aller voir un film. Alors qui aurait pu prédire que, durant la belle saison, la seule manière d’assister à un divertissement d’envergure serait d’y aller en voiture… et de rester dedans ? 2Frères a lancé le bal dès avril en annonçant une tournée dans les ciné-parcs. À l’orée de l’été, c’est une centaine de concerts et de spectacles d’humour qui étaient programmés selon ce modèle aux quatre coins de la province, sans compter les retransmissions de rencontres sportives et les évènements tels que les remises de diplôme. L’absence de nouveautés a plombé l’affluence pour les films cette année, mais les ciné-parcs pourraient-ils profiter à court terme de ce regain d’intérêt pour les sorties en famille en voiture ? Rendez-vous l’été prochain.

La cible des critiques : Nathalie Roy

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Point de presse de la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, sur le dépôt d’un projet de loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d’autres dispositions législatives, le 29 octobre dernier

Le confinement a fait mal au monde de la culture. L’interdiction durable des rassemblements aussi. Même si le gouvernement a vite dit mesurer l’importance de ce secteur d’activité, sa ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, a été reléguée à un rôle de figurante tout au long de l’année. Aucun plan concret de soutien ni de relance n’a été dévoilé avant le mois de juin. Et ensuite ? La ministre est très peu intervenue publiquement, sauf dans la crise qui a secoué la haute direction du Musée des beaux-arts de Montréal.

La manucure de l’année : Jay Du Temple

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jay Du Temple

Jay du Temple a fait jaser quand le magazine Elle Québec lui a consacré sa page couverture de son numéro de décembre. Ongles peints de vernis colorés, cheveux turquoise, le populaire animateur et humoriste a aussi posé pour un photo reportage très glamour, dans lequel son style vestimentaire mariait le féminin au masculin. Comme nous sommes en 2020, ce coup d’éclat glamour pour célébrer la fluidité des genres s’est transformé… en controverse. Une poignée de militants LGBTQ n’ont guère apprécié le fait qu’un homme hétérosexuel s’approprie des codes propres à leur communauté. Ne redéfinit pas la masculinité qui veut… Bon prince, Jay Du Temple a répondu qu’il est un allié de cette communauté, mais « qu’il ne prétend pas être un allié parfait ».

Le tour de force : Harmonium symphonique

PHOTO SIMON GOULET, FOURNIE PAR GSI MUSIQUE

Soixante-huit musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal ont enregistré Histoires sans paroles à la Maison symphonique en pleine pandémie.

La Maison symphonique a été transformée en studio d’enregistrement afin d’accueillir, sur une scène agrandie, à distance approuvée par la Santé publique, des choristes, solistes et 68 musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal pendant la pandémie. Ils y ont interprété, sous la direction du chef et compositeur Simon Leclerc, l’intégralité du répertoire du mythique groupe Harmonium, revisité en mode symphonique. Le résultat est magnifique. Les riches orchestrations de Leclerc, tout en restant fidèles aux pièces originales, en accentuent toutes les subtilités. Ce sont des doses réconfortantes de dopamine nostalgique. Les musiques d’un film que l’on connaît par cœur, mais que l’on découvre sous un angle inédit.

Le film à succès québécois : Jusqu’au déclin

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

Une scène du film Jusqu’au déclin

Certains ont sourcillé, d’autres ont manifesté un certain malaise lorsque Netflix a annoncé sa participation au financement (environ 5 millions) du long métrage Jusqu’au déclin de Patrice Laliberté. Or, ce thriller campé dans le monde des survivalistes a connu un succès critique et public tonitruant. Sorti le 27 mars sur Netflix, The Decline (titre anglophone) avait fait le plein de 21 millions de visionnements à la mi-mai, dont 95 % hors du Canada. Les publics hispanophone, anglo-saxon, portugais et allemand ont été nombreux. Le film a aussi eu une courte vie en salle au Québec. Sorti fin février, il a quitté les écrans dès le début de la pandémie.