Il n'est pas facile d'être compositeur en 2015. Mais quand, à 30 ans, on reçoit le prix Opus du compositeur de l'année, quand l'Orchestre symphonique de Montréal ainsi que Pierre Boulez nous commandent des oeuvres, quand Kent Nagano dirige nos pièces sur un premier disque, on peut dire que tout va bien.

Après des années de travail, le destin sourit à Samy Moussa, dont la dernière composition pour orchestre, Nocturne, est créée cette semaine lors d'un concert à l'OSM.

Dans son discours de remerciement au gala des prix Opus, il y a quelques semaines, ce natif de Montréal déclarait s'être exilé en Allemagne en 2007 parce qu'il croyait ne pas pouvoir réussir ici. Huit ans plus tard, il considère qu'il a eu raison de partir, même s'il se trompait sur les raisons qui l'ont poussé à le faire.

«J'étais jeune et j'avais l'impression que personne ne se préoccupait de moi, dit-il. Je pensais que ce serait toujours comme ça. Je n'arrivais pas à imaginer que l'on peut se construire un réseau. J'ai eu tort sur ce point.

«Mais j'ai eu raison de partir, parce qu'en Europe, il y a plus de possibilités, et des orchestres partout. Un compositeur, ce n'est pas quelque chose d'aussi rare qu'ici. Il fallait que je passe par là [l'Europe] pour ma carrière et pour créer les oeuvres que je voulais.»

Rencontre avec Nagano

Après son baccalauréat en composition à l'Université de Montréal, Samy Moussa est parti étudier à Munich. Depuis, il a accompli plus qu'il ne l'avait imaginé. En 2008, il a rencontré Kent Nagano alors que ce dernier était encore directeur artistique de l'Opéra d'État de Bavière.

«Il a entendu un enregistrement de mes oeuvres et ça lui a plu. Il m'a commandé deux pièces qui ont été créées par l'OSM en 2009.»

L'OSM lui commandait de nouveau une oeuvre, A Globe Itself Infolding, pour les concerts d'inauguration du Grand Orgue Pierre-Béique, en juin dernier.

Enregistrement

Son premier album de compositions a été lancé le 10 février. L'enregistrement, réalisé par la maison de disques autrichienne Col legno, a été financé par la riche Fondation de musique Ernst von Siemens.

Chaque année, cette fondation remet un prix principal de 250 000 euros à une personnalité du monde de la musique pour l'ensemble de sa contribution - la liste des anciens lauréats comprend Benjamin Britten, Leonard Bernstein et Anne-Sophie Mutter - ainsi que des prix d'encouragement à de jeunes compositeurs.

Samy Moussa a été l'un des trois lauréats dans cette catégorie en 2013, ce qui lui a valu une bourse de 35 000 euros et la production de ce premier album. Ce dernier a été enregistré avec l'Orchestre symphonique de la radio de Vienne, que Moussa a dirigé lui-même, et l'Orchestre symphonique allemand de Berlin, sous la direction de Kent Nagano, pour trois des pièces.

L'avenir s'annonce aussi prometteur pour Samy Moussa. Cet été, une nouvelle oeuvre pour orchestre, commandée par nul autre que le grand Pierre Boulez, sera créée au prestigieux Festival de Lucerne à l'occasion d'un concert pour le 80e anniversaire du célèbre compositeur et chef d'orchestre.

«Je suis très honoré, car Pierre Boulez a été mon idole de jeunesse. Il représente l'idéal du musicien éthique, bâtisseur d'institutions, à la fois compositeur et chef. Le phénomène du compositeur-chef, pour moi, est quelque chose qui doit continuer à exister. C'est ce que j'aspire à être», dit Samy Moussa.

Au programme du même concert, on entendra le Concerto pour piano no1 de Brahms interprété par Emanuel Ax, ainsi que la Symphonie no 5 de Mendelssohn.

À la Maison symphonique ce soir et demain, 20h