Interdire la revente de billets serait «inutile» et même «dangereux», croit l'Union des consommateurs du Québec.

«La Loi sur la protection du consommateur ne doit pas devenir la loi sur la protection de l'ADISQ», a lancé hier le porte-parole de l'Union, Charles Tanguay, lors de l'étude en commission parlementaire.

Ce texte modifierait la Loi sur la protection du consommateur en interdisant la revente d'un billet à un prix supérieur à son coût original. Cela vaudrait à la fois pour les spectacles artistiques et pour les événements sportifs. On ne cible que les commerçants. Deux particuliers pourraient encore conclure une transaction, par exemple sur Craigslist.

Une coalition formée par l'ADISQ, Spectra, le Groupe Juste pour rire, RIDEAU et l'Impact demande au gouvernement d'adopter la loi sans modification. Car les revendeurs sont des «parasites», croit André Ménard, cofondateur de l'Équipe Spectra.

Selon les plus récents chiffres, les Québécois dépensent en moyenne 88$ par année en billets de spectacles. Si une personne achète un billet à un revendeur au prix de 100$ au lieu du 50$, elle aura moins d'argent pour d'autres spectacles, affirme M. Ménard. «L'État n'a pas à légiférer pour contrôler l'argent que les gens dépensent en culture», réplique M. Tanguay.

La coalition déplore aussi que les revendeurs limitent l'accès aux bons billets à prix normal. Toutefois, aucune plainte à ce sujet n'a été enregistrée à l'Office de protection du consommateur.

C'est parce que les spectateurs se plaignent directement aux promoteurs et aux artistes, explique Claude Larivée, président de l'ADISQ. Il donne l'exemple de Louis-José Houde, qui a reçu de telles plaintes et qui appuie le projet de loi 25.

Des revendeurs imiteraient la présentation des sites de vente originaux et laisseraient faussement entendre que des spectacles affichent complet, ajoute M. Larivée. «Ils exagèrent vraiment, réagit M. Tanguay. Je n'ai pas vu de telle confusion sur les sites des principaux revendeurs.»

M. Tanguay craint en outre que la nouvelle loi institue un monopole dans l'économie légale tout en stimulant la revente sur le marché noir.

Ouverts à des redevances

Sentant la soupe chaude, les revendeurs proposent quant à eux de «verser une redevance». «Nous sommes ouverts à l'idée», a indiqué Éric Bussières, président de Billets.ca.

Comme M. Tanguay, il propose d'encadrer la revente au lieu de l'interdire. En fait, Billets.ca veut forcer ses rivaux à suivre des normes qu'elle dit s'être données. Parmi elles: avoir une adresse permanente au Québec pour y payer taxes et impôts, interdire les programmes informatiques qui achètent massivement des billets sur internet, offrir un remboursement et afficher le prix initial de vente à côté de celui de revente. L'entreprise propose aussi d'exiger que les revendeurs obtiennent une licence.

M. Bussières assure que ses employés achètent eux-mêmes un nombre «pas si grand» de billets. Son chiffre d'affaires annuel est d'environ 6 millions de dollars. Moins d'un million provient des spectacles d'artistes québécois.

Les revendeurs promettent de contester la loi 125 dès son adoption. La firme Quality Plus Tickets recourt d'ailleurs déjà aux services de Me Julius Grey. L'avocat croit que le gouvernement répond à un problème qui n'existe pas. Selon lui, les sociétés spécialisées dans la revente de billets n'accaparent jamais plus de 20% du total des billets mis en vente. «C'est comme avoir des lois d'hygiène contre une épidémie qui n'a pas encore eu lieu», soutient-il.

Le Québec ne serait pourtant pas la première province à interdire la revente. L'Ontario a adopté une loi similaire, le Ticket Speculation Act, en décembre dernier. L'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan possèdent aussi des lois similaires.

- Avec Anabelle Nicoud